"Les tensions lors du dîner, la colère de Giorgia Meloni : sur la méthode et sur le fond, des choix erronés selon elle."
28/06/2024
Italie. Revue de presse.
L’abstention de Giorgia Meloni à la nomination d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission Européenne, ainsi que le vote contre à la nomination du nouveau président du conseil et de la haute-représentante à la politique étrangère, font les gros titres de la presse : « Accord en Europe sans l’Italie » (Corriere della Sera), « Meloni, la nuit des « non » » (Repubblica), « UE, Meloni s’abstient mais von der Leyen est reconduite pour un second mandat » (La Stampa), « Nominations : le feu vert sans Meloni » (Il Messaggero, Giornale), « Les souverainistes se divisent sur les nominations européennes » (Domani). L’enquête du média Fanpage sur Gioventù Nazionale, le mouvement de jeunesse proche de Fratelli d’Italia, rapportant des propos antisémites et fascistes de la part de plusieurs militants, est aussi citée. Enfin Il Messaggero titre sur les élections législatives en France avec les derniers sondages : « France : les jeunes sont divisés entre l’abstention et le vote pour Bardella ».
Les JT couvrent essentiellement le Conseil Européen, et les positions de Giorgia Meloni à l’occasion de la séquence d’hier soir, le premier débat entre Donald Trump et Joe Biden en vue des élections présidentielles américaines de novembre, les critiques de l’opposition vis-à-vis des révélations sur le mouvement Gioventù Nazionale, et enfin les élections présidentielles en Iran, un mois après la mort du président Raïssi dans un crash d’hélicoptère.
ARTICLE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Il n’y a pas que l’UE, la température monte aussi à Rome » : « La journée d’hier aura été bien difficile pour Giorgia Meloni. Et cela pas uniquement en raison du fait que qu’elle est restée isolée à Bruxelles dans les négociations pour les nominations. A Rome, l’enquête de Fanpage sur « Gioventù nazionale » commence à faire du bruit. Les insultes et les propos antisémites à l’encontre de l’ancienne porte-parole de la communauté juive par de jeunes membres du mouvement qui travaillent aussi avec des parlementaires de Fratelli d’Italia, ont soulevé un tollé. Les premières têtes ont commencé à tomber : Flaminia Pace, responsable du Consiglio Nazionale Giovani, et Elisa Segnini, cheffe de cabinet de la député Fdi Lucaselli. Or, cela ne suffit pas pour les partis d’opposition, qui demandent la dissolution du mouvement et une prise de position claire de la part de la présidente du Conseil pour condamner ces faits. Meloni était bien sûr aux prises avec les négociations au Conseil Européen. Les déclarations de ses alliés ne l’ont certainement pas aidée. A commencer par Matteo Salvini qui a évoqué un ‘’coup d’Etat’’ à Bruxelles, suivi de ses amis de Vox qui l’ont mise en garde : ‘’ von der Leyen finira par traiter les Italiens comme elle l’a fait avec les Polonais’’. Toujours depuis Rome, la Cour des comptes dressait son rapport sur l’inefficacité des mesures adoptées par le gouvernement contre l’évasion fiscale et sur la situation alarmante des services de santé. Mais sur ces sujets, l’Europe n’y est pour rien, ils relèvent de la politique nationale. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Fiori « Les silences sur l’antisémitisme » : « Il n’est désormais plus possible d’éviter de condamner les jeunes de « Gioventù nazionale » qui ont prononcé des slogans nazis et des propos insultants à l’égard des juifs. La direction de Fratelli d’Italia a annoncé une ‘’réponse rapide et exemplaire’’ avec le détachement innocent de celui qui ne serait pas du tout concerné par l’affaire. Parmi les plus indignés, on retrouve le Président du Sénat, Ignazio Benito La Russa. Pourtant, ce dernier devrait bien savoir que ce sont les adultes qui devraient donner le bon exemple. Lui qui avait dit que les agents de la police militaire allemande de Bozen tués par les résistants à Via Rasella n’étaient qu’un « groupe musical de retraités », alors qu’ils endossaient bien l’uniforme du bataillon des SS, le même uniforme endossé par ceux qui ont effectué la rafle du ghetto de Rome le 16 octobre 1943. Nous assistons au spectacle singulier d’une classe politique prête à se démarquer des préjugés et des stéréotypes antisémites sans pour autant réfléchir sur les responsabilités politiques et morales de ceux qui n’ont rien fait pour les contrer. Tant que cette classe politique n’aura pas coupé les racines brunes d’un parti qui renvoie au fascisme y compris avec les symboles du néofascisme, et que la présidente du Conseil continuera à rendre hommage au ‘’vrai patriote’’ Giorgio Almirante, ancien secrétaire de rédaction de la « Défense de la race », le principal quotidien de l’antisémitisme italien, les sanctions contre la jeunesse de Fratelli d’Italia ne serviront à rien. La flamme tricolore figure toujours sur leurs drapeaux, un rappel à la fidélité au Mouvement Social Italien, le parti né dans l’après-guerre dans le prolongement la République de Salò, c’est-à-dire avec ceux qui ont participé à la persécution et à l’extermination des Juifs. Le règlement de comptes avec l’histoire ne peut plus attendre. Giorgia Meloni est appelée, en raison de son rôle institutionnel, à couper tout lien avec une histoire politique qui a alimenté le virus de l’antisémitisme. »
ARTICLE, Corriere della Sera, M. Galluzzo : « Les tensions lors du dîner, la colère de Giorgia Meloni : sur la méthode et sur le fond, des choix erronés selon elle » : « Giorgia Meloni, juste avant de retourner à Rome, nie que son choix puisse être, d’une certaine façon, un but contre son camp qui l’amènerait à s’isoler dans les équilibres européens. « On doit reconnaître à l’Italie la place qui lui revient, au regard de son rôle et de son poids, et pas pour des questions de sympathie avec le gouvernement. Je refuse de croire que certains veuillent nous faire payer [notre position], ce serait honteux, notre vote ne remet pas en cause notre place ». Le Conseil européen fini, Giorgia Meloni a confirmé ce qui se disait la veille : elle a voté non à Costa et Kallas et s’est abstenu sur von der Leyen. « Je crois que la proposition à propos des top jobs était une erreur à la fois du point de vue du fond comme de la méthode. Elle n’a pas été précédée, même vaguement, d’une discussion autour du résultat des urnes, de la nouvelle inflexion que les Européens veulent donner à l’UE. Imposer une logique entre majorité et opposition est une grave erreur et un manque de respect pour les citoyens ». Elle ajoute n’avoir aucun problème avec l’actuelle présidente de la Commission : « La question n’est pas Ursula von der Leyen, mais les politiques qu’elle veut mener. À ce sujet, nous n’avons pas obtenu de réponse. Le rôle de l’Italie n’est pas de se ranger derrière quelqu’un, sinon nous devenons invisibles ». Devant le parlement italien, elle avait dénoncé les nouvelles élites européennes incarnées par les négociateurs, des personnages habitués aux « petits manœuvres » d’après elle, qui décident seuls et sans associer un pays fondateur comme l’Italie. Elle a donc considéré qu’elle ne pouvait pas donner son blanc-seing à l’accord conclu entre les partis de la majorité, chapeauté par Macron et Scholz. À minuit, quand on apprend que Meloni s’est abstenue sur von der Leyen et qu’Orban a voté contre, des sources italiennes expliquent : « L’abstention a été choisie pour respecter les différentes positions des partis de la majorité, et dans l’attente de détails plus complets sur le programme et le rôle de l’Italie ». Entre les lignes, on peut lire que la partie n’est pas finie, et que le prochain rendez-vous sera le 18 juillet, lorsque le Parlement européen se prononcera, à bulletin secret, sur les noms pour la Commission. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « L’enjeu pour la présidente du Conseil » : « malgré ses nombreuses revendications, l’Italie gouvernée par Meloni n’obtiendra probablement pas une place de choix en Europe, sans être toutefois poussée vers l’isolement le plus total. Elle obtiendra des postes et des portefeuilles de bon niveau, ce qui est l’usage pour un pays fondateur mais qui ne fait toutefois pas partie de la majorité qui désigne la nouvelle Commission. Ce n’est pas non plus ce à quoi Meloni s’attendait, elle qui croyait qu’elle serait vue comme le pivot des équilibres européens au lendemain du G7 dans les Pouilles et de son succès aux élections européennes. Meloni a fondé sa stratégie sur sa détermination et sa volonté, sans toutefois renoncer à cette ambiguïté qui caractérise son parcours dans l’Union européenne. Tout va bien quand elle parle en tant que présidente du Conseil (cohérence sur l’Ukraine et l’Otan, déplacements en Afrique, bonnes relations avec la présidente de la Commission). Les choses vont moins bien quand elle le fait en tant que cheffe des Conservateurs, l’amenant à de grandes contradictions. Réclamer un rôle pour sa formation politique en Europe en tant que troisième groupe au Parlement Européen ne suffit pas, il faut aussi de la cohérence entre groupes politiques. Meloni se plaint de s’être retrouvée face à un accord déjà signé. Cette surprise est excessive, à moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie pour attirer l’attention sur l’Italie et obtenir dans un second temps ce que les autres ne lui ont pas donné dans l’immédiat. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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