"Meloni et Orban : non aux pactes préconçus pour les postes européens."
25/06/2024
Italie. Revue de presse.
Les résultats du second tour des élections municipales, marqués par la victoire des candidats de centre-gauche dans les grandes villes [la gauche s’impose à Florence, Bari, Pérouse, Campobasso et Potenza ; la droite gagne à Lecce et Rovigo] et par un taux de participation en dessous de 50%, font les gros titres de la presse : « Municipales, » (Corriere della Sera), « La revanche de la gauche » (Repubblica), « Les grandes villes récompensent le PD ;» (La Stampa), « Les chefs-lieux remportés par le centre-gauche. Frères d’Italie demande à supprimer les seconds tours » (Messaggero). Le Giornale titre en une la visite à Rome de V. Orban : « Meloni-Orban, un pacte sur les migrants ». Enfin, la qualification de l’équipe italienne aux 8es de finale de l’Euro 2024 est citée avec large couverture photographique en une.
Les JT couvrent essentiellement les résultats des élections municipales, et notamment la victoire de candidats du PD à Florence, Bari ou encore Pérouse, la rencontre entre Viktor Orban et Giorgia Meloni en vue de la future présidence hongroise de l’UE, la libération de Julian Assange, mais aussi la situation au Proche-Orient, où les raids se poursuivent à Gaza sur fond d’escalade entre le Liban et Israël. La qualification de l’Italie en huitième de finale de l’Euro de football est aussi mentionnée.
ARTICLE, Corriere della Sera, M. Franco « Un électorat fluide et un taux d’abstention élevé : une double leçon pour les partis » : « Le résultat positif du centre-gauche à Bari, Florence et Potenza offre un parfum de victoire aux partis d’opposition. La conquête de Pérouse, la victoire de Campobasso et le succès dès le premier tour à Cagliari montrent une coalition gagnante sur tous les 6 chefs-lieux des régions concernées. Encore une fois, le vrai perdant est le taux de participation : 47%, soit 15 points de moins par rapport au premier tour. L’écart entre le monde politique et l’électorat se creuse. Pour la coalition de droite, les victoires à Lecce, Rogivo, Vercelli et Caltanissetta ne suffisent pas à contrebalancer un résultat maigre qui soulève encore une fois la question d’une classe politique qui n’est pas en mesure de proposer des profils pouvant mobiliser l’électorat. Première leçon : dans un rendez-vous local comme les municipales, le rapport entre les électeurs et le candidat est direct. Il n’est donc pas possible d’évoquer des « combines » ou des « complots » comme l’a fait la droite. Cela devrait apprendre aux partis qu’il ne faut pas chercher la faute de leurs limites ailleurs. Le narratif de ce gouvernement, qui se présente comme étant « au premier plan » en Europe et voulant compter n’a eu aucun impact sur l’électorat. Pour les partis d’opposition, le résultat est encourageant : le PD et ses alliés ont pu faire élire plusieurs maires. En général, l’électorat demeure déçu et donc fluide, en attente d’une meilleure offre politique. Croire qu’il serait possible de résoudre le phénomène de l’abstention en supprimant les seconds tours, comme de temps en temps proposé par la droite, a un goût d’escamotage. L’abstention existe et concerne tout le monde. »
COMMENTAIRE, Il Foglio, C. Cerasa « Le luxe d’avoir une politique qui éloigne les extrémistes » : « L’image de l’Italie qui est sortie de ces seconds tours pour 14 chefs-lieux de province et 5 chefs-lieux de région confirme l’état de grâce de notre politique nationale. Les européennes ont récompensé le gouvernement ; les municipales ont plutôt fait primer les partis d’opposition. Il existe toutefois un facteur commun : c’est l’image d’un pays pacifié où les partis pro-européens avancent tandis que les partis anti-système reculent. C’est donc une très bonne nouvelle. Peu de pays peuvent se vanter d’avoir un gouvernement stable qui s’éloigne progressivement des positions anti-européennes. »
ANALYSE, Domani, G. Merlo « Le Sud sanctionne le gouvernement » : « Au vu des résultats des élections municipales, le Sud semble devenu un problème difficilement sous-estimable pour le gouvernement. Le hasard a voulu que ce rendez-vous coïncide avec l’adoption de la réforme sur l’autonomie régionale différenciée, qui a soulevé un grand mécontentement notamment dans les régions du sud. Les résultats ont ainsi montré une certaine désaffection de l’électorat de centre-droit. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, C. Fotina « Rejet par la cour constitutionnelle de la décision de la Sicile visant à reporter les appels d’offre sur les concessions balnéaires. Une décision qui crée de l’embarras, au vu de la candidature de Fitto (Frères d’Italie) en Europe » : « Il s’agit de l’énième rebondissement dans le dossier des concessions balnéaires, cette fois-ci provoqué par la Cour constitutionnelle. Le sens de cette décision surprend, alors même que la saisine avait été faite par le gouvernement Meloni. L'exécutif – expression de la majorité parlementaire (Ligue-Forza Italia-FdI) la plus pro-balnéaire qui soit – a été contraint de déposer un recours au moment même où il commençait à étudier la situation des littoraux face à une procédure d'infraction communautaire en cours. Le gouvernement espérait établir une cartographie permettant de présenter à Bruxelles la thèse selon laquelle il n'y aurait pas de pénurie plages libres à céder en concession et qu'il n'y a donc pas d'obligation de procéder à des appels d'offre, comme le prévoit la directive Bolkestein. Au contraire, c'est précisément à cette directive européenne que la Cour se réfère dans l'arrêt n° 109 publié hier, dans lequel elle déclare des dispositions de l'article 36 de la loi régionale sicilienne n° 2 de 2023 comme inconstitutionnelles. […] Chaque décision sur la question semble faire glisser un peu plus le gouvernement qui tente de garder un équilibre dans la discussion avec la Commission européenne. La nécessité de maintenir un dialogue avec Bruxelles, dans le contexte de la candidature au poste de commissaire du ministre chargé des affaires européennes et donc des procédures d'infraction, Raffaele Fitto, provoque un clivage au sein de la majorité. Une certaine prudence de la part de Fratelli d'Italia, le parti du ministre, est contrebalancée par la ligne plus interventionniste de la Ligue, qui a brandi comme un drapeau un amendement au décret sur la cohésion (ensuite retiré et transformé en ordre du jour) qui aurait introduit la préemption ou la compensation pour les concessionnaires actuels dans le cas de nouveaux appels d'offres. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, C. Marroni : « Meloni et Orban : non aux pactes préconçus pour les postes européens » : « ‘La Hongrie ne peut pas apporter son soutien à un accord d’appareil fait à trois sur les top jobs. Le projet initial de l’UE était d’impliquer tout le monde, petits et grands’. À la fin de sa rencontre avec Giorgia Meloni au Palais Chigi, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, réaffirme l’opposition de Budapest aux propositions de noms pour les top jobs qui ont émergé lors de la rencontre informelle de la semaine dernière. Pour Orban, l’enjeu est « la division des positions sur ce qui se passe à Bruxelles. Je pense être le plus ancien premier ministre, et selon moi la racine du problème est la politisation de la Commission ». C’est donc une amitié qui le lie à Rome, mais pas une alliance politique : « j’ai déjà été clair : nous défendons les intérêts nationaux, et nous ne pouvons pas adhérer à un groupe qui comprend un parti roumain anti-hongrois. Cependant, nous nous engageons dans la collaboration des partis de droite en Europe ». À partir du 1er juillet, la Hongrie présidera l’Union, et Viktor Orban a décidé de se rendre à Berlin, à Rome, puis à Paris, pour parler de ses objectifs. Avec Giorgia Meloni, la question économique est reportée à plus tard. Ce qui occupe les discussions, c’est le point de tension, c’est-à-dire l’Ukraine. Giorgia Meloni résume ainsi l’échange : « Nous avons parlé du conflit ukrainien, nos positions ne sont pas les mêmes mais j’apprécie que la Hongrie laisse les alliés prendre des décisions sans bloquer ni l’UE ni l’OTAN ». D’autres sujets lient les deux leaders, comme le « champ de la migration et de la compétitivité », celui de la « démographie », mais aussi l’élargissement de l’UE : « Quelle honte que les pays des Balkans attendent depuis quinze ans leur adhésion à l’UE », affirme Orban. Enfin, Giorgia Meloni a loué l’attention donnée par la Hongrie à « la politique agricole » et à la « cohésion », des objets de préoccupation des Européens d’après la présidente du conseil. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, de S. Folli, « Meloni, l’Europe et le prix à payer » : « Le gouvernement de Giorgia Meloni a une priorité : ne pas être exclu des accords décisifs au niveau européen, à commencer par l'élection du président de la Commission et la plausible reconduction d'Ursula von der Leyen. Il serait inconcevable que l'Italie, l'un des pays fondateurs de l’UE, reste en marge des discussions. En coulisses, les désaccords, parfois durs, ne manquent pas. Rome n’obtiendra pas tout à fait le rôle de premier plan qu’elle demandait, voire exigeait (Raffaele Fitto commissaire européen pour la mise en œuvre du PNRR), et probablement aussi une des vice-présidences. Mais pour la Présidente du Conseil italien la priorité est de faire un pas significatif vers les Populaires, le groupe dont l'Allemagne est le leader, s’éloignant sans trop de coups d’éclat des souverainistes. L'opération semble possible, certainement au prix d'une fracture du front nationaliste. Jusqu'à présent, la dirigeante de Fratelli d'Italia s'était efforcée de maintenir unis tous les groupes de la droite conservatrice proche d’elle. Mais après deux ans de gouvernement et d’ambiguïtés excessives, un choix s'imposait, ne serait-ce que pour contenir les critiques acerbes d’E. Macron, celui qui a condamné le plus durement le gouvernement de droite italien, en dépit des règles de l'étiquette internationale (on l'a vu lors du sommet du G7 dans les Pouilles). Sur le plan international, Giorgia Meloni vient de réaffirmer la ligne atlantiste et son soutien explicite à l'Ukraine. Une position réitérée en dépit de celle d’autres membres de la droite européenne, comme Viktor Orban, et qui, à l'approche du sommet européen dédié aux nominations, montre bien quel est le cap de la droite melonienne. Ce n'est pas un hasard si Joe Biden apprécie la ligne italienne ; la Présidence du Conseil italien n'attend pas impatiemment la victoire de Trump, ou du moins Meloni ne mise pas sur le candidat républicain. Contrairement à Salvini, qui cultive par ailleurs une relation privilégiée avec Marine Le Pen. Or on voit bien que la Présidente du Conseil n'a aucune envie de voir le Rassemblement national triompher aux élections françaises. Cela perturberait sa trajectoire de rapprochement, lent mais constant, avec les Populaires et offrirait de nouvelles occasions au rival léghiste, qui tente dès qu’il le peut de la doubler sur sa droite, de Vannacci à Bardella. Par ailleurs, le triomphe de l'extrême droite en France reste à voir. Les sondages indiquent même que le scrutin à deux tours pourrait encore une fois s'avérer un piège pour les Le Pen. Une Assemblée nationale sans majorité certaine pourrait profiter à l'Italie en favorisant les relations de Fratelli d’Italia avec les chrétiens-démocrates allemands. Le travail de médiation effectué par Antonio Tajani ne doit pas non plus être sous-estimé : le résultat obtenu par Forza Italia aux européennes a renforcé le rôle politique du ministre des Affaires étrangères à un moment crucial pour les perspectives de Meloni. Si les rebondissements sont toujours possibles, certaines choses bougent, liant de plus en plus la politique intérieure aux scénarios internationaux, avec des institutions européennes qui ont acquis un rôle central sans précédent. »
ARTICLE, la Repubblica, C. Tito : « La logique du tous contre tous : le risque d’une impasse sur les nominations. Dernière discorde en date : ‘Entre le PPE et le PSE, il y a un manque de confiance’ » : « ‘Qui peut nous garantir que tout le monde sera loyal ? Qui peut nous assurer que Ursula von der Leyen sera élue ? Qui nous dit que les socialistes ne feront pas défection ?’. Un responsable du PPE résume ainsi les tensions en vue du Conseil européen de jeudi et vendredi prochain. Personne ne se fait confiance, et à droite aussi, les souverainistes doivent maintenant gérer des dissensions internes. C’est une variable essentielle qui conditionne toutes les négociations : le président du Conseil européen est élu par les gouvernements, mais la présidente de la commission l’est par le parlement, et à bulletin secret. Les responsables du PPE s’inquiètent : ils s’imaginent élire Antonio Costa, le candidat des socialistes, au Conseil mais être trahi par des francs-tireurs du PSE en ce qui concerne le deuxième mandat de von der Leyen. Et le PSE de répondre que, le vote étant à bulletin secret, rien ne leur garantit que les francs-tireurs ne viennent pas de ceux qui les accusent. La situation se crispe autour d’un contexte assez exceptionnel, car même au sein du PPE les divisions existent. Il y a la ligne Weber-Tajani, qui consiste à s’ouvrir aux conservateurs européens, et notamment à Giorgia Meloni, et la ligne Tusk, qui préfère conserver de bons rapports avec les socialistes et craint que tout rapprochement avec ECR ne leur aliène immédiatement le PSE. Sans oublier la CDU, parti majoritaire au sein du PPE, qui semble entré dans une lutte interne sur la question du vote pour Ursula von der Leyen. Le dernier élément d’instabilité se trouve précisément à droite, où l’archipel souverainiste semble prêt à exploser : le PiS et ses 20 élus songent à quitter le groupe ECR. Dans un contexte aussi irrégulier et complexe, aucun antidote à l’instabilité ne semble exister. D’autant qu’il faut garder en tête que, au Conseil Européen, il sera difficile de faire sans l’Allemagne, l’Espagne, et la France, dont l’objectif est de clore les discussions avant vendredi. De son côté, Giorgia Meloni laisse entendre qu’elle agit de concert avec Tajani pour que soient reconnus son pays (ce qui devrait être le cas, avec une commission importante qui est à prévoir) et son parti (ce qui est moins évident et risque de marginaliser l’Italie). »
ARTICLE, La Repubblica, d’A. Ginori, « Le défi lancé par J. Bardella, ‘’c’est nous qui désignerons le commissaire européen’’ » : « L'extrême-droite française se projette déjà au pouvoir et menace de soustraire à Emmanuel Macron le leadership auprès des institutions européennes. Le premier objectif évoqué explicitement est le commissaire européen que la France devra désigner dans les prochaines semaines : "ce sera l’une des premières décisions que nous prendrons’’ a déclaré hier Jordan Bardella, certain que ce choix reviendra à son gouvernement. La victoire aux législatives semble possible selon le dernier sondage Ifop : 36% (+0,5%) pour le Rassemblement national, 29,5% (+0,5%) pour le Nouveau Front populaire, 20,5% (-0,5%) pour l'actuelle majorité. "Le commissaire européen devra s’aligner sur notre volonté de défendre un certain nombre d’intérêts français au sein de la Commission ", a ajouté le président du RN et candidat pour être premier ministre. En revanche, il n’a pas répondu sur l’usage du drapeau de l'UE s'il est au gouvernement ("j’y réfléchirai"), mais a affirmé vouloir travailler avec tous les dirigeants européens, y compris Olaf Scholz qui l'a critiqué. Dans le cas d'une cohabitation, l'extrême-droite entend remettre en cause l’usage républicain de la politique étrangère comme "domaine réservé" du chef de l'Etat conserve. Dans les trois cohabitations que la France a connues, les précédents sont différents. Du reste, Jacques Chirac avait été contraint d'impliquer le socialiste Lionel Jospin, notamment lors de ses déplacements à Bruxelles. Certains se souviennent des scènes surréalistes des deux dirigeants français, issus de familles politiques opposées, menant des débats presque schizophréniques. Aujourd'hui, les Conseils européens sont plus restreints, mais le scénario qui se profile est semblable : un siège pour deux à Bruxelles, le cauchemar d'une France bicéphale. Alexandre Loubet, directeur de campagne de Bardella, est encore plus explicite : "Si nous avons la majorité absolue, Bardella sera premier ministre et il nous appartiendra de nommer le commissaire français", déclare-t-il à Repubblica. ‘’Nous avons quelques idées sur des candidats et sur certains postes, mais il est trop tôt pour les dévoiler". L'équation est compliquée : le candidat en question devrait obtenir la bénédiction de Strasbourg où les Lepénistes, dans le groupe I&D avec la Ligue, ne font actuellement pas partie de la majorité. L'un des responsables économiques du parti, Jean-Philippe Tanguy, explique qu'un hypothétique gouvernement Bardella "respectera la trajectoire de déficit" indiquée par la majorité actuelle. Un message rassurant pour Bruxelles, même si les points de friction ne seront pas rares. Le RN veut réduire la participation, de Paris au budget de l'UE, baisser la TVA sur les carburants, sortir du marché unique de l'électricité et créer une "double frontière" dans l'espace Schengen. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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