"L’Europe demande à l’Italie de ratifier le MES, mais Giorgetti s’y oppose."
21/06/2024
Italie. Revue de presse.
Le débat politique autour du travail au noir, suite au décès d’un employé indien d’une exploitation agricole, blessé mortellement et abandonné par son employeur près de Latina, fait les gros titres de la presse : « Le travail qui tue » (Repubblica), « La mort de Satnam secoue le pays et la politique » (Avvenire), « Le tour de vis sur le travail dissimulé » (Messaggero). Les tensions au sein de Forza Italia au lendemain de l'adoption de la réforme sur l’autonomie régionale différenciée fait aussi la une : « Tensions sur l’autonomie régionale » (Corriere della Sera), « La fronde au sein de Forza Italia » (Repubblica). La question du mécanisme européen de stabilité fait la une de la Stampa : « L’Europe demande à l’Italie de ratifier le MES, mais Giorgetti (Ligue) s’y oppose ». Enfin, la défaite de l’équipe italienne de football face à l’Espagne est citée avec large couverture photographique.
Les JT couvrent essentiellement la mort de Satnam Singh, un ouvrier agricole de la province de Latina, la canicule qui touche l’Italie en ce moment et la défaite l’Italie contre l’Espagne à l’Euro de football.
ARTICLE, Corriere della Sera, A. Logroscino « Les tensions au Sud et au sein de Fratelli d’Italia » : « Le bras-de-fer politique demeure très animé et promet de laisser des séquelles, notamment entre la majorité et l’opposition, mais aussi au sein même de la coalition de droite. Ce sont surtout les administrateurs régionaux et les élus de Forza Italia dans le Sud du pays qui ont fait part de leurs critiques. Le président de la région Calabre, Occhiuto, a attaqué la réforme, alors que le président de la région Sicile, Schifani, se démarque. Et même au sein de Fratelli d’Italia, il y aurait un mécontentement sous-jacent. Dans le Mezzogiorno, des élus de FDI sont inquiets : ‘’si le récit selon lequel avec l’autonomie régionale le Sud recevra moins de fonds devait s’imposer, nous risquons de payer cher cette loi voulue par la Ligue’’. Par ailleurs, l’adoption de la réforme a renforcé l’unité des partis d’opposition – auxquels s’ajoute aussi Italia Viva – qui ont lancé une campagne pour chercher les signatures nécessaires à un référendum abrogatif. Deux élus du M5S ont même adressé un appel au Président de la République Mattarella en lui demandant d’‘’évaluer l’opportunité d’exercer sa prérogative constitutionnelle’’ de ‘’ne pas signer la loi’’ et de la renvoyer aux Chambres. C’est donc une bataille ouverte qui se fait à l’intérieur des frontières nationales, mais pas seulement. Un document publié récemment par Bruxelles épingle l’Italie sur les retombées de cette réforme [selon ce rapport, l’autonomie régionale accentuerait les disparités entre les régions et risquerait d’aggraver la complexité du cadre fiscal, représentant ainsi un risque pour les comptes publics]. Le mot d’ordre dans toute la majorité est de tenir la barre droite et de mettre en avant les ‘’contradictions’’ du centre gauche comme par exemple le fait que le président de l’Emilie Romagne, Bonaccini (PD) avait demandé que sa région puisse bénéficier de l’autonomie régionale. Le ministre de la mer Musumeci, ancien président de Sicile, demande aux administrateurs locaux du Sud d’assumer leurs responsabilités, ‘’le Sud doit arrêter de se plaindre’’. Antonio Tajani tente pour sa part de concilier les deux positions au sein de la droite : ‘’la réforme est juste, les préoccupations du Sud sont légitimes mais elles seront dissipées par l’application des ordres du jours présentés par FI garantissant les intérêts du Mezzogiorno’’. Or, les divisions semblent être plus évidentes sur le territoire : si les présidents de Vénétie et de Lombardie sont prêts à entamer les négociations avec le gouvernement pour l’autonomie régionale, cinq régions (en majorité du Sud et avec à la tête la Campanie) s’apprêtent à saisir la Cour Constitutionnelle. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco, « Si les réformes représentent une bombe à retardement pour le gouvernement » : « Les difficultés se multiplient et le délai long avant que l’autonomie régionale ne devienne opérationnelle ne fait que les alimenter. Les réassurances venant de la Ligue ne semblent pas convaincre. Et puis il y a également le rapport de l’UE aux 27 pays membres, qui commente la réforme en des termes négatifs. Ce rapport est embarrassant car il évoque deux dangers : la remise en cause de l’unité du pays et un nouveau fardeau pour les comptes publics italiens. A cela s’ajoutent les critiques venant de la Conférence épiscopale italienne, notamment sur la méthode, qui n’a pas associé les partis d’opposition. Ce qui inquiète les évêques italiens, c’est surtout l’attitude du gouvernement Meloni qui ne compte que sur lui-même et veut poursuivre sa réforme malgré le fait que l’hypothèse d’un référendum soit chaque jour plus concrète. La stratégie du bras-de-fer des oppositions ne facilite pas les choses non plus. Bref, le sujet est devenu une sorte de bombe à retardement pour la majorité. Faire avancer trois réformes délicates en parallèle (autonomie régionale, Premierato et séparation des carrières des juges), chacune représentant le défi identitaire de chaque parti de la coalition gouvernementale, soulève de nombreuses inconnues. On ne sait pas si elles avanceront en parallèle ou s’il s’agira plutôt d’une sorte de compétition souterraine propre à alimenter les tensions à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement. »
ARTICLE, la Stampa, S. Riformato : « Meloni : des actes inhumains qu’il faut punir fermement. Aujourd’hui se tiendra la réunion avec Lollobrigida (Frères d’Italie) et Calderone (Indépendante) » : « Vingt-quatre heures après la mort de Satnam Singh, Girogia Meloni n’intervient pas publiquement, mais fait savoir qu’elle a exprimé une « condamnation ferme » en conseil des ministres [sur les circonstances du décès du travailleur agricole indien à Latina, laissé sans soins par son employeur après avoir eu le bras coupé, ndlr] : « ce sont des actes inhumains qui ne ressemblent pas au peuple italien, et je souhaite que cette barbarie soit sévèrement punie ». Aujourd’hui, la ministre du travail Elvira Calderone et celui de l’agriculture Francesco Lollobrigida rencontreront les syndicats et les employeurs, une rencontre prévue pour désamorcer la situation : « Nous lisons des témoignages émus et des dénonciations qui ont toute leur place, mais aussi des instrumentalisations habituelles de certains qui occupent des rôles institutionnels importants mais n’ont pas fait grand-chose d’utile », a déclaré Lollobrigida. Demain, les travailleurs agricoles de la province de Latina (rejoints par les professionnels du commerce, du tourisme, des services, et de la restauration) se mettront en grève pour deux heures à l’appel des syndicats. Lors de la manifestation des syndicats à Latina, Elly Schlein sera présente : « Nous voulons être là parce qu’il faut défendre l’agriculture vis-à-vis des recrutements illégaux, des organisations mafieuses, de l’exploitation, des salaires de misère, et aussi de la connivence des politiciens ». Les sénateurs démocrates préparent aussi une question parlementaire sur « le choix de TG1 de raconter le tragique assassinat de ce journalier en utilisant la voix du père de l’employeur, mis en examen pour homicide et non-assistance à personne en danger », le père qui a rejeté la faute sur le travailleur en évoquant une « légèreté » de sa part. Pour Giuseppe Conte, cette histoire « semble celle d’un esclave d’il y a plusieurs siècles ». Parmi la majorité et le gouvernement, personne ne parle de recrutement illégal. Le leader de Sinistra Italiana commente : « Cet ouvrier agricole de Latina n’est pas un mort au travail, il est mort à cause de l’exploitation et de la violence ».
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Galluzzo, « La conviction de la Présidente du Conseil (quelle que soit l’issue des négociations) : la droite pèsera dans l’agenda européen » : « La législature qui s’ouvrira d’ici quelques mois sera totalement différente de toutes les précédentes. Ce sera la première fois que les forces politiques de droite, avec les groupes Identité & Démocratie et des Conservateurs et réformistes, dirigés respectivement par Marine Le Pen et Giorgia Meloni, pèseront beaucoup plus dans les dossiers de l'UE. Mais ce n'est pas tout : les partis de droite ayant rassemblé presque deux fois plus de députés européens que le Parti populaire européen (23 sièges contre 13) à l’issue des élections de juin, et étant donné que les deux partis de droite au Parlement européen ont gagné ensemble plus de députés européens que les libéraux n'en ont perdu, on peut parier sur un net virage à droite du PPE dès l'année prochaine. Giorgia Meloni a fait part de ces réflexions à divers interlocuteurs depuis son retour en Italie. C’est une analyse que, selon elle, ni Emmanuel Macron ni Olaf Scholz n'ont été en mesure de faire ces dernières semaines, et qui est pourtant fondamentale en vue de conclure les négociations sur les nouveaux dirigeants de l'UE et de former le futur gouvernement. Pour la Présidente du Conseil italien, ces réflexions sont indépendantes d’un éventuel soutien à la réélection d'Ursula von der Leyen. En effet, Giorgia Meloni est convaincue que l'Italie, la force de son gouvernement, l'histoire du pays et sa relation personnelle avec Ursula von der Leyen elle-même vont au-delà d'un éventuel soutien du groupe ECR et de quelques dizaines de voix à la Présidente de la Commission candidate à sa réélection, qui consisteraient en un appui supplémentaire pour faire face aux ‘’francs-tireurs’’ [ceux qui ne voteront finalement pas, lors du vote anonyme, pour le candidat qu’ils avaient annoncé soutenir]. La Cheffe du gouvernement n’a pas encore décidé ce qu’elle fera et poursuivra sa réflexion en fonction de ce qui se produira dans les prochaines semaines, lorsque se préciseront les mouvements des leaders de l'actuelle majorité et les possibles fonctions auxquelles aspirent les différents pays, dont l’Italie. Giorgia Meloni n'a pas dissimulé sa satisfaction de s’être imposée comme la troisième force au Parlement européen, non seulement pour être passée devant Renew, mais surtout parce que son parti peut désormais se targuer d'avoir progressé plus encore que le PPE, qui a gagné 13 eurodéputés supplémentaires contre 14 pour ECR. La situation reste toutefois fluctuante, puisqu'au moins 20 élus n'ont pas encore rejoint un groupe. Tout cela rend la leader de Fratelli d'Italia plus que confiante quant aux objectifs que le gouvernement italien se fixe actuellement. L’objectif principal est une vice-présidence opérationnelle, chapeautant également d'autres commissaires, disposant de compétences en matière budgétaire élargies aux Fonds de cohésion et à la supervision des différents plans du NextGenerationUE. Un objectif qui semble taillé sur mesure pour Raffaele Fitto, candidat déjà envisagé, y compris par U. von der Leyen et son entourage. Au-delà de la place qui reviendra à l'Italie, la Présidente du Conseil est convaincue que pour la prochaine législature, son parti et celui de Marine Le Pen seront beaucoup plus influents lors des discussions et décisions au Parlement. Ils ne fusionneront probablement jamais, car les conditions politiques ne sont pas réunies et que ce n’est pas intéressant non plus sur le plan électoral, mais ils pourront faire front commun sur de nombreux dossiers. Et Giorgia Meloni parie aussi sur une évolution de la majorité, même si von der Leyen reste en place. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, « Mécanisme européen de Stabilité, le retour de la pression » : « Le moratoire de six mois suite au refus de l’Italie de ratifier le nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES) est arrivé à échéance et le débat réémerge, compliquant aussitôt la position de l’Italie à Bruxelles. Hier, le Fonds monétaire international a également pris position, qualifiant de "prioritaire" la ratification du traité révisé dans son rapport annuel. "Lorsque vous disposez d’une assurance et que vous traversez une période de risques, mieux vaut l'utiliser", a résumé la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, en faisant notamment référence au filet de sécurité bancaire introduit par la réforme, jusqu'à présent bloquée par l'opposition de l'Italie. Comme on s’y attendait, la question a été au centre de la réunion d'hier du conseil des gouverneurs du MES, au cours de laquelle le ministre italien de l'Economie Giancarlo Giorgetti s'est retrouvé une fois de plus dans une position difficile. Déjà parce qu’un nouvel examen par le Parlement italien de la proposition de ratification donnerait lieu presque inévitablement à un nouveau refus de la majorité, comme l'a expliqué Giorgetti. En tous cas, d’après des sources proches du ministre, celui-ci aurait jugé "très positif" le rapport du directeur du MES, Pierre Gramegna, sur les hypothèses de nouvelles finalités pour lesquelles le MES pourrait être utilisé. Mais Giorgetti aurait également déploré le traitement réservé à l'Italie au cours des dernières négociations européennes, résultat d'une "convention d’exclusion [de l’Italie de la part des autres pays européens] qui est une erreur" et de "préjugés à l'égard de [l’Italie]". Une analyse partiellement démentie par Gramegna, pour qui « de telles choses n'ont jamais été évoquées", et regrettant "un malentendu évident". Afin de faciliter une évolution de la position italienne qui semble encore difficile aujourd'hui, il serait utile de faire un pas concret vers la révision évoquée par Giorgetti. Une perspective qui se heurte toutefois au fait que les autres pays, qui ont ratifié la réforme, attendent le "oui" italien pour se pencher officiellement sur la question. En attendant, à Rome, Italia Viva défie les centristes de Forza Italia en annonçant le réexamen à la Chambre du projet de loi pour la ratification. »
ARTICLE, il Messaggero, L. Vita : « Une base face à l’Italie : les navires militaires russes accostent dans les ports libyens. »
ARTICLE, Il Sole 24 Ore, M. Pignatelli : « Le pro-européen Rutte arrive à l'OTAN le 2 octobre. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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