"Les navires pour le transport des migrants en Albanie coûteront 13 millions d’euros."
04/06/2024
Italie. Revue de presse.
La polémique suscitée par les propos de la Ligue contre le Président Mattarella et la fin de la campagne pour les européennes se partagent les titres de la presse italienne : « Salvini revoit ses propos contre le Quirinal » (Corriere della Sera), « Le spectre de l’abstention [aux élections européennes] » (La Repubblica), « Attaque contre Mattarella, le gouvernement dans la confusion » (La Stampa), « ‘Avec cette UE adieu aux aides exceptionnelles de l’Etat’ affirme Meloni » (Il Messaggero).
Les JT couvrent essentiellement la situation au Proche-Orient, où les négociations pour une trêve sont en cours, mais aussi la guerre en Ukraine et les premières frappes utilisant des armes occidentales pour frapper le territoire russe. L’interview télévisée donnée hier soir par Giorgia Meloni est aussi évoquée, ainsi que les déclarations des candidats avant les élections européennes.
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, de Lisa Palmerini, « Les élections européennes sont à l’origine de l’affaire autour du Quirinal mais les tensions se poursuivront au-delà » : « La Présidence de la République italienne n'aurait de toute façon pas répondu, mais ce serait encore moins opportun maintenant, en période de campagne électorale. Cela n’a même pas suscité d'inquiétude, loin de là, le Président italien connaissant bien ces dynamiques de partis, après avoir pratiqué le gouvernement Renzi, géré la crise Salvini puis la coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles, sans oublier la pandémie et la chute du gouvernement Draghi. Mais l’attaque lancée par le sénateur Borghi n'était peut-être qu'un prétexte, tout ce qui intéresse la Ligue étant les divisions de la droite et la concurrence entre Salvini et Meloni pour récupérer les voix nationalistes. L’attaque semble avoir été calculée afin d’attirer les projecteurs et l’attention des médias sur la Ligue à l’approche du scrutin. Mais alors, le calme reviendra-t-il après les élections ? C’est en fait peu probable. Il semble que le Quirinal soit désormais dans le collimateur de la droite pour plusieurs raisons. Tout d'abord, sur la réforme constitutionnelle dite du ‘’premierato’’, qui retirerait au chef de l'État le pouvoir de nommer le gouvernement et surtout de dissoudre les Chambres en cas de crises. Hier encore, Meloni a nié vouloir réduire les prérogatives du Président de la République mais, tôt ou tard, cela apparaîtra clairement. Et même si Mattarella fera tout pour l’éviter, le choix final sera inévitablement entre un Président du Conseil fort et un chef d'Etat avec un rôle de ‘’garant’'. Le gouvernement devra toutefois prendre le pouls de l’opinion publique avant de décider s’il pose la question par le biais d’un référendum. Or tous les sondages témoignent de la popularité du Chef de l’Etat. Il est naturel qu’un Président aussi écouté et aimé dérange. »
PREMIER PLAN, La Stampa, de N. Carratelli, « Elly Schlein tente l’envolée finale, l’objectif est de dépasser les 20% et elle s’allie à Nicola Zingaretti » : « Le Parti démocrate entend dépasser les 20 % aux élections européennes de samedi et dimanche prochains et obtenir ainsi 20 sièges de députés européens, soit un de plus qu’il y a cinq ans. Pas facile, mais pas impossible non plus. L'abstention sera notamment décisive (environ 50 %), mais a priori avec un avantage relatif pour les partis de centre-gauche. Un député démocrate proche d'Elly Schlein évoque un climat positif lors des déplacements et, d’après les derniers sondages qui ne sont pas publiés en cette période de réserve, le PD pourrait même dépasser les 20% et se rapprocher des 22,7% enregistrés en 2019 par Nicola Zingaretti. D’ailleurs, l'ancien secrétaire démocrate et ancien président de la région du Latium fait campagne aux côtés d’Elly Schlein dans la circonscription du centre de l’Italie. Il compte bien faire le plein de voix et renforcer ainsi sa candidature en tant que chef de la délégation du PD au Parlement européen. Il est parmi les plus qualifiés pour cela : il connaît bien les institutions européennes et le groupe des socialistes européens. Avec Elly Schlein ils échangent beaucoup et sont sur la même ligne : ‘'pas d'alliances avec le groupe des Conservateurs de Meloni ni avec le groupe Identité et Démocratie’’, ‘’un engagement partagé avec Scholz et les autres socialistes’'. L'objectif du PD est de "faire de la famille socialiste la première de l'UE" pour "une Europe fédérale", dit Schlein, au-delà de ‘’l'égoïsme national". La leader démocrate était hier près de Rome, entre Tivoli et Frosinone. Aujourd'hui, elle est attendue dans les Pouilles, de Bari à Lecce, et demain, elle retournera en Sicile pour un meeting à Catane. Jeudi elle sera à Florence puis à Modène avant la manifestation de clôture de vendredi à Padoue, un hommage à Enrico Berlinguer 40 ans après son dernier discours public et sa disparition. "Le PD se présente uni à ces élections, le climat est bon. Nous espérons en sortir renforcés et unis" affirme-t-elle. Elly Schlein fait également référence aux divergences de positions avec certains candidats indépendants, tels que Marco Tarquinio [qui a remis en cause l’appartenance à l’OTAN]. "Tarquinio est un candidat indépendant et influent, que je remercie’’ répète Schlein, ‘’mais sur l'OTAN, le PD a sa propre ligne de politique étrangère, qui est définie par le secrétaire du PD et non par les candidats indépendants". »
ENTRETIEN de Matteo Salvini, vice-président du Conseil, ministre des Infrastructures et leader de la Ligue, « "Non à la souveraineté de l'UE. Avec Trump, la paix serait rétablie" », Il Messaggero, par M. Ajello : « Il n’y aucune demande de démission. Mattarella a toute l'estime de la Ligue, notamment en tant que garant de notre Constitution qui promeut la paix. Simplement, parler de souveraineté européenne le 2 juin, qui est la fête du peuple italien, me semblait singulier. À propos de paix : si nous cédions notre souveraineté à l'Europe, nos enfants, à cause de Macron, seraient envoyés sur le champ de bataille. Nous ne voulons pas renoncer à l’OTAN ; l'Alliance atlantique me convient, mais dans une optique défensive et non pas pour faire la guerre. J’échange régulièrement avec le ministre Giancarlo Giorgetti (Ligue) et nous sommes d’accord que ce gouvernement durerait cinq ans et avec lui comme ministre. C'est l'engagement de la Ligue et de toute la droite. La Ligue créera la (bonne) surprise de ces élections européennes et Vannacci sera plébiscité dans toute l'Italie. J'exclus que Forza Italia puisse nous devancer mais j'espère que tous les partis de la majorité progresseront. Nous sommes déterminés à changer l'Europe, en évitant le retour au pouvoir de la gauche, des va-t-en guerre comme Macron et des éco-extrémistes qui causent des problèmes très graves aux entreprises et aux familles italiennes. Je pense à l'interdiction de la production de voitures à essence et diesel à partir de 2035, ou à la directive sur les logements qui impactera le patrimoine immobilier italien. L'Europe doit faire moins de choses mais mieux, comme par exemple ne pas s'occuper de bouchons en plastique, mais réfléchir à la manière d’arrêter l'immigration clandestine. [Q : Si Meloni et Le Pen votent la confiance au gouvernement d'Ursula von der Leyen, que ferez-vous ?] Je ne veux pas faire de spéculation mais je ne voterai jamais pour von der Leyen. Concernant le contexte international, nous rappelons que l'Italie répudie la guerre, que l'OTAB a une fonction défensive, qu’utiliser des armements européens contre la Russie, c'est ouvrir grand la porte à la Troisième Guerre mondiale. [Q : Si Trump revient à la tête des États-Unis, la paix reviendra-t-elle ?] Je suis convaincu que oui, les démocrates ont causé de très gros dégâts : je pense par exemple à la fuite de l'Afghanistan. »
ARTICLE, la Repubblica, « Dernier gâchis en date du gouvernement : les navires pour le transport des migrants en Albanie coûteront 13 millions d’euros » : « Les 850 millions utilisés pour la construction et la gestion sur cinq ans des centres de migrants en Albanie ne suffisaient pas ; il faudra y rajouter 13,5 millions de location d’un navire qui devra amener à Shengjin, en Albanie, les migrants secourus en Méditerranée. Des sommes importantes, qui ne financeront que trois mois de mission, du 15 septembre au 15 décembre, pour transporter environ 2400 migrants en tout. On enregistre déjà un report de quatre mois par rapport à la première date annoncée pour le lancement du protocole Italie-Albanie (20 mai), si tant est que le centre d’accueil de Gjader, encore au point mort, soit sorti de terre. De plus, mi-septembre, la plupart des flux migratoires seront déjà passés, mais cela importe peu pour Giorgia Meloni, demain en Albanie avec le premier ministre Edi Rama, qui fait de ce projet une question d’honneur. Non seulement c’est un gâchis d’argent, mais c’est aussi une infraction au protocole initial, qui prévoyait le transport des migrants par la marine italienne. L’armée opérera seulement sur la route tunisienne, puis les hommes majeurs seront recensés à bord avant d’être emmenés en pleine mer (à une vingtaine de miles nautiques de Lampedusa), puis transportés vers l’Albanie en 50 heures. Sachant que le bateau mettra cinq jours à revenir, seuls quatre voyages seront possibles chaque mois, chacun avec 200 migrants et 100 opérateurs. Angello Bonelli, de l’Alliance Verts-Gauche, s’est rendu à Shengjin. Il souligne que ‘’louer un navire à 13,5 millions pour 90 jours signifie que le coût à l’année de cette procédure sera de 54 millions, et 270 sur les cinq ans prévus’’. »
COULISSES, Il Messaggero, de S. Miglionico « Une mission internationale à Gaza ; l'Italie est prête à y participer. »
ARTICLE, la Repubblica, M. Serri, « Le Pen et Meloni, des femmes masculines » : « À peine élue à la tête du Front National, Marine Le Pen a suggéré à ses électeurs de l’appeler « Marine » en vue des élections présidentielles. Et cette année, Giorgia Meloni a fait un choix de communication similaire : fière d’être appelée « Giorgia » par ses partisans, elle leur a conseillé d’inscrire ce nom sur les bulletins de vote. Mais ce n’est qu’un des points communs entre les deux leaders de l’extrême droite européenne. La cheffe de Fratelli d’Italie et celle du RN se rapprochent depuis longtemps, avec comme objectif d’atteindre les hautes sphères du pouvoir. Un de leurs principaux outils pour y parvenir, c’est justement la « féminisation » de leur langage. En découlent les références constantes à leur vie privée, aux courages des femmes, décrite comme des héroïnes. Et en même temps, les deux souhaitent démanteler les droits conquis par les luttes féministes. Marine Le Pen a, à cet égard, toujours joué un rôle d’avant-garde. Elle a utilisé la première le slogan ‘’je suis une mère, une sœur, une femme politique dans ce monde d’hommes’’ repris par Meloni quelques années plus tard avec son célèbre ‘’je suis une femme, je suis une mère, je suis chrétienne’’. Les deux femmes font en outre évoluer leur discours dans le même sens. Par exemple, sur l’avortement, Marine Le Pen a d’abord été contre le ‘’génocide anti-français’’ avant de militer pour le droit des femmes à ‘’ne pas avorter’’, des mots aujourd’hui familiers en Italie. Quand Le Pen cite Olympe de Gouges ou Elisabeth Badinter, Meloni évoque Nilde Iotti ou Rita Levi. Pour les deux, la clef de voûte de leur communication réside dans l’image de la mère, un concept transformé en arme par la droite européenne, comme l’explique Giorgia Serughetti dans Un pouvoir d’un autre genre. Elle y analyse la reprise du personnage de la mère, utilisé pour lutter contre l’avortement, le ‘wokisme’ et l’effacement de la famille traditionnelle. ‘’Le futur de l’Europe est entre leurs mains’’ selon Viktor Orban : une chose est sûre, l’alliance entre les deux cheffes d’extrême-droite est une entreprise de sabotage des droits des femmes qui fait de combats comme l’égalité salariale une ombre menaçante sur l’économie européenne. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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