"Matteotti, Meloni brise le tabou."
31/05/2024
Italie. Revue de presse.
La presse titre largement sur l'accord de Washington pour que des armes américaines puissent frapper des cibles en territoire russe pour défendre Kharkiv : « Biden dit oui à l’Ukraine pour frapper la Russie » (Corriere della Sera, Quotidiano Nazionale), « Russie, des jeux atomiques [de dissuasion] » (Repubblica). La condamnation de Donald Trump par la justice américaine est aussi citée : « Trump jugé coupable pour 34 chefs d’accusation » (Repubblica), « Trump, une condamnation historique » (Corriere). Enfin, les commémorations du 100e anniversaire de l’assassinat du sénateur Giacomo Matteotti, victime emblématique du régime mussolinien font aussi la une : « Matteotti, le tournant de Meloni qui reconnait la responsabilité du fascisme » (Stampa), « Matteotti, Meloni brise le tabou » (Messaggero).
Les JT couvrent essentiellement le procès de Donald Trump, reconnu coupable des 34 chefs d’accusation le visant, la guerre en Ukraine et l’évolution de la position américaine sur l’utilisation d’armes occidentales au-delà de la frontière russe, avec l’autorisation donnée à Kiev d’utiliser le matériel américain pour frapper des objectifs russes mais uniquement dans la région de Karkhiv, ainsi que le Proche-Orient, où Israël poursuit ses raids pendant que le leader de l’opposition à Benjamin Netanyahou, Benny Gantz, plaide pour des élections anticipées.
ARTICLE, La Stampa, F. Olivo « Réformes, Meloni critique l’ingérence de la Conférence des Evêques » : « Les ingérences du Vatican, les enquêtes des magistrats, les critiques venant de l’opposition et l’impolitesse de certains présidents de région. A l’approche des élections, Giorgia Meloni passe à l’attaque. En réaction aux déclarations du Cardinal Matteo Zuppi, qui avait dit que ‘’les équilibres institutionnels doivent toujours être modifiés avec beaucoup d’attention’’, Meloni répond durement ‘’je ne sais pas au juste quelles sont les inquiétudes de la Conférence épiscopale, puisque cette réforme ne concerne pas les relations entre l’Etat italien et le Saint-Siège. Laissez-moi dire aussi que l’Etat du Vatican n’est pas une république parlementaire et personne n’a exprimé des inquiétudes à ce propos, donc, faisons en sorte que personne ne s’inquiète de rien’’. Les sondages ne sont pas aussi bons qu’espéré et les attentes de FdI ont été revues à la baisse avec un objectif de 26% des voix. Raison pour laquelle Meloni a décidé de s’exposer à l’occasion d’une intervention médiatique lui permettant de faire passer un message politique plus direct et simple. Sur les plateaux de Rete 4, Meloni peut ainsi défendre ses réformes en cours. La présidente du Conseil aborde notamment la réforme de la justice : ‘’nous avons décidé de modifier la sélection des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature et de la faire par tirage au sort, car nous voulons libérer la magistrature du problème des courants politisés’’. Concernant l’enquête pour corruption visant le président de la région Ligurie Giovanni Toti, Meloni souligne ‘’j’aimerais bien qu’il n’y ait pas un délai aussi important entre le début de l’enquête et un avis de parution qui tombe en pleine campagne électorale’’. Elle appelle ainsi la magistrature à prendre ses responsabilités, y compris l’affaire du sermon d’un imam à l’université de Turin ‘’je souhaite que l’Etat italien puisse encore faire respecter les règles car la propagande jihadiste chez nous n’est pas tolérée et je m’attends à ce qu’il y ait au moins un magistrat qui s’occupe de cette affaire'’. Puis, à l’encontre du dirigeant du M5S, elle déclare que ‘’sur la pauvreté, Giuseppe Conte est expert en mensonge : nous avons augmenté les salaires les plus bas tandis que son gouvernement dépensait des centaines de milliards pour rénover les habitations secondaires’’. Meloni s’en prend aussi à Elly Schlein ‘’sur le salaire minimum elle ment, et c’est une bonne nouvelle : si quelqu’un ment, cela veut dire qu’il n’a pas grand-chose à dire’’. Enfin sur le président de la région Campanie De Luca, elle se défend [pour avoir repris les propos de ce dernier en se présentant : « je suis cette c. de Meloni, enchantée »] ‘’je le referais cent fois, pas pour moi mais pour toutes les femmes que l’on pense pouvoir insulter librement. Le temps où les femmes subissaient les intimidations est révolu !’’ »
COULISSES, Corriere della Sera, de F. Verderami, « Le plan B de la Présidence du Conseil pour la Commission européenne : un candidat extérieur à l’exécutif » : « Il arrive souvent qu’un leader politique déclare avoir une solution en tête avant de l’avoir réellement, c’est le cas de Giorgia Meloni lorsqu’elle a annoncé avoir ‘’une idée’’ pour la Présidence de la Commission européenne. En réalité, c’est surtout un ‘’profil-type’’ qu’elle a en tête. Elle sait du reste que même après le scrutin, elle ne pourra pas balayer toutes les réserves autour de son candidat. Les élections du 9 juin détermineront les rapports de forces entre les (nombreuses) familles européennes mais les négociations seront menées par les gouvernements de chaque pays et le Parlement, or Strasbourg jouera cette fois un rôle important, plus que par le passé. Selon les projections d’Europe Elects, les Populaires, Socialistes et Libéraux devraient obtenir la majorité absolue avec 404 sièges sur 720 et U. von der Leyen pourrait ainsi être reconfirmée pour un second mandat. N’oublions pas toutefois que le vote est secret et qu’au Parlement européen les ‘’francs-tireurs’’ sont historiquement nombreux. La candidature d’U. von der Leyen aura donc besoin du soutien d’un autre groupe, comme les Verts ou les Conservateurs dirigés par Giorgia Meloni. Or si la présidente sortante de la Commission européenne devait échouer, le PPE qui bénéficie de la majorité relative, devra proposer un autre candidat. Antonio Tajani pourrait en faire partie. Giorgia Meloni ne pourra alors pas tout de suite proposer son propre candidat face à son adjoint à la Présidence du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Pourtant, la Présidente du Conseil qui avait laissé entendre ces dernières semaines que le candidat qu’elle voulait promouvoir à la Présidence de la Commission serait extérieur au gouvernement. En réalité, elle ne souhaite pas modifier la structure de son exécutif pour des raisons politiques car cela pourrait avoir un effet domino sur l’ensemble des équilibres de la majorité, voire aboutir à un pénible remaniement. Cela laisse entendre qu’elle préfère le ‘’plan A’’ pour la Commission européenne, soit la reconduction d’U. von der Leyen. Les jeux de pouvoir à Bruxelles pourraient même lui permettre de décrocher une vice-présidence pour l’Italie, qui sait. Mais la Présidente du Conseil pourrait surtout gagner en crédit pour protéger son commissaire en vue des délicates auditions au Parlement européen. Une audition qui n’a rien d’une formalité, comme s’en souvient Emmanuel Macron : il y a 4 ans, la commissaire qu’il avait indiquée, Sylvie Goulard, avait finalement trébuché au terme d’un règlement de compte organisé par le chef du PPE, M. Weber. Un affront que le Président français avait dû subir, malgré le fait qu’il était alors un leader puissant en Europe et non un souverainiste isolé. Meloni n’a pour l’instant identifié que le profil de son futur commissaire, ce que confirme un important membre de son parti Fratelli d’Italia, et la liste des candidats potentiels serait longue, du chef des renseignements Belloni à l’ancienne ministre Moratti. »
ARTICLE, il Messaggero, M. Ajello : « Les élections européennes et la compétition italienne pour savoir qui est le plus pacifiste » : « Plus la Russie progresse dans sa guerre, plus l’Europe et l’OTAN lèvent les tabous sur une défense militaire plus franche de l’Ukraine, plus Moscou émet des menaces terrifiantes, comme celle d’une attaque nucléaire, et plus la campagne italienne pour les européennes s’axe sur le pacifisme. Ce pacifisme sans limite était, au début du long chemin vers les élections européennes, l’apanage d’une certaine gauche aveugle, idéologique et démagogue. Mais plus on avance et plus le pacifisme électoral se diffuse dans toute la classe politique. C’est là la vraie surprise de cette fin de campagne, la compétition effrénée de tous contre tous pour savoir qui est le plus opposé à la guerre. Au Parti Démocrate, la secrétaire Elly Schlein est dans l’embarras face aux propos de l’ex-rédacteur en chef de Avvenire, journal catholique et pacifiste : « Si les alliances, au lieu de promouvoir l’humanité, promeuvent la guerre, alors il faut les dissoudre », a-t-il déclaré. Si « la ligne qui vaut est celle du parti, et nous sommes pour la défense de l’Ukraine et la recherche de la paix », comme l’a rappelé la secrétaire générale, il plane comme une gêne dans ce parti divisé entre néo-pacifistes et soutiens indéfectibles de l’Ukraine. Mais le pacifisme philo-russe d’un homme comme Vannacci, candidat de la Ligue, existe aussi et donne au camp néo-pacifiste une impression de déjà-vu – celle d’un axe Ligue-M5S où Giuseppe Conte attaque les gouvernements occidentaux qui seraient en train de nous « entraîner vers la troisième guerre mondiale ». Même Giorgia Meloni, qui insistait sans faillir sur le soutien à l’Ukraine, parle moins de ce sujet dernièrement, puisqu’elle sait que le pacifisme de ses alliés pourrait saper ses résultats électoraux. Il faudra toutefois rester vigilant au poids de ces questions dans les urnes. Antonio Noto, analyste extrêmement attentif à l’actualité, explique que ‘’ce ne sont pas les revirements de ces derniers jours qui changeront la donne, les partis qui se sont déjà positionnés sur la question de la paix sont les plus à mêmes d’attirer ce genre de voix’’. Et il ajoute : ‘’dans cette campagne, il manque un thème fort. Face au vide ambiant, la question de la paix est au centre des élections, mais je ne parlerais pas d’un tournant pacifiste, plutôt d’une volonté de rassurer de la part des partis’’. Même Antonio Tajani, européiste et atlantiste convaincu, s’efforce de rassurer en répondant aux pressions de l’OTAN que ‘’la constitution nous empêche d’utiliser des armes contre la Russie’’. Pour Noto, ‘’l’interventionnisme qui se diffuse dans les institutions internationales et européennes inquiète l’électorat italien, et les partis se livrent donc une bataille à celui qui réussira le mieux à le tranquilliser’’. Mais certains, à défaut de rassurer les foules, les échauffent, car le pacifisme est une des faces du populisme. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, L. Palmerini, « Les réponses en suspens de la Présidente du Conseil à propos de l’OTAN et de Kiev » : « Les élections européennes mettent sur le devant de la scène les dilemmes que pose la guerre en Ukraine et, surtout, l’utilisation d’armes fournies par l’OTAN pour frapper le territoire russe. La peur d’une escalade, qui est très partagée par les Italiens, pousse Meloni à se désolidariser de Stoltenberg ou d’Emmanuel Macron. Mais alors qu’adviendra-t-il après le scrutin ? Pourra-t-elle vraiment se détacher de Washington et des alliés ? À la vue des choix faits jusqu’ici, il est probable qu’elle conserve sa ligne atlantiste. En effet, c’est grâce à celle-ci qu’elle a obtenu le soutien des Etats-Unis et de l’UE, grâce à sa position pro-Kiev qui lui garantit une sorte de ‘’certificat de fréquentabilité’’ internationale. Un véritable bouclier pour le gouvernement, malgré sa dette publique et la présence d’un vice-président du conseil, Matteo Salvini, au passé prorusse. Mais, même si elle représente la garantie que cette digue ne se brisera pas, comment interpréter sa prise de distance avec le chef de l’OTAN ? On le sait, les campagnes sont souvent le temps des mensonges, ce sont donc les déclarations post-élections qui compteront, et elles seront déterminées par les équilibres politiques européens à l’issue du vote. Hier encore, Viktor Orban déclarait : « le futur de la droite en Europe est entre les mains de deux femmes : Marine Le Pen et Giorgia Meloni, tout dépendra de leur capacité à collaborer ». Mais comment coopérer sur les questions extérieures ? Orban, Meloni et Le Pen ont tous les trois des positions différentes sur la question ukrainienne. L’enjeu sera donc le suivant : le 9 juin, quelle forme aura cette alliance des droites, et qui fera des concessions à qui ? Difficile d’imaginer Giorgia Meloni prendre ses distances avec les choix qu’elle a fait jusque-là pour s’aventurer dans les terres inconnues des souverainistes, surtout quand une période compliquée semble s’ouvrir pour le pays qui va devoir faire face à l’entrée en vigueur du pacte de stabilité. »
ENTRETIEN, La Stampa, d’Adolfo Urso, ministre des entreprises et du Made in Italy « L’Europe doit agir rapidement et imposer des droits de douane contre les véhicules chinois » : « ‘’À propos de la production des semi-conducteurs, à Catane nous aurons l'investissement le plus important autorisé par la Commission européenne qui fera de la vallée de l'Etna le plus grand pôle de microélectronique de la Méditerranée, avec à ses côtés la plus grande usine photovoltaïque d'Europe, 3Sun d'Enel, sur la production de laquelle les aides publiques de la Transition 5.0 sont orientées. D'ici la fin de l'année, nous pourrons compter sur au moins 10 milliards d'investissements dans la microélectronique en Italie. Concernant les primes pour l’achat de voitures électriques, le plan a été conçu pour les modèles construits en Italie. Sur les voitures chinoises, il faut imposer des droits de douane, comme l’a dit hier le commissaire Dombrovskis. Biden les a portés à 105%, il faut que l’Europe s’active à son tour.’’ »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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