"Le jeu d’équilibre de Meloni entre le plan Mattei et l’entente avec l’Albanie."
30/01/2024
Italie. Revue de presse.
Le sommet Italie-Afrique hier à Rome avec la présentation du « Plan Mattei » pour l’Afrique, fait les gros titres : « Un plan qui s’élève à 5 milliards. L’Afrique répond « merci, mais écoutez-nous » » (Avvenire), « Le couac africain. L’Union Africaine regrette de ne pas avoir été consultée au préalable » (Repubblica), « Le pacte avec l’Afrique » (Giornale), « Un plan plein de belles paroles » (Domani), « Des projets pour 5,5 milliards d’euros, du soutien et des critiques » (Corriere della Sera). La comparution devant un tribunal hongrois de l’enseignante italienne Ilaria Salis, mains et pieds enchaînés, et accusée d’avoir participé à des violences en marge d’une manifestation d’extrême-gauche en février dernier est aussi largement en une : « La comparution devant le juge : enchaînée et traitée comme un animal » (Repubblica, Stampa, Corriere), « Affaire Salis, la Farnesina [ministère des Affaires étrangères] s’active et convoque l’ambassadeur hongrois » (Il Messaggero).
La militante de gauche Ilaria Salis
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Le jeu d’équilibre de Meloni entre le plan Mattei et l’entente avec l’Albanie » : « Il serait erroné de se demander s’il s’agit uniquement de propagande. C’est-à-dire penser que Meloni aurait obtenu pour Rome juste un tapis rouge pour recevoir les dirigeants africains et européens au lieu des résultats promis sur l’immigration. Car, au-delà de ce qu’elle parviendra à obtenir, il s’agit d’une bonne stratégie. Tant pis si cela représente l’opposé de ce que promettait jusque-là la droite sur les blocus navals. Les projets de développement du continent africain, qui a d’énormes ressources humaines et naturelles, est justement ce que le Président Mattarella a toujours prôné, comme en témoignent ses nombreux déplacements. Après la Chine et la Russie, c’est maintenant à l’Italie (et à l’Europe) de s’assurer une place. La bonne question à poser est plutôt s’il n’est pas trop tard pour rattraper le temps perdu. D’où les propos du président de l’Union africaine qui regrettait de ne pas avoir été consulté au préalable et demandait « des actes concrets » au lieu des promesses non tenues. En revanche, c’est différent sur la question de l’accord avec l’Albanie. On peut se demander à quoi sert d’investir de l’argent pour transférer des migrants à Tirana et construire là-bas des centres d’accueil et qui coûteraient le double que de le faire en Italie ? Le Sole 24 Ore a déjà publié une étude qui montre que les fonds alloués pour l’opération en Albanie seraient plus utiles s’ils étaient utilisés pour d’autres projets. Par ailleurs, cela n’est pas cohérent avec la stratégie du Plan Mattei : vouloir collaborer avec l’Afrique, pas seulement avec les Etats mais avec les Africains. Or, l’entente avec l’Albanie semble répondre à de vieux slogans qui n’ont pas marché. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Romano Prodi, ancien Président du Conseil et ancien président de la Commission européenne, “Le centre-droit reste fort car il n’y a pas encore d’alternative ; Conte (M5S) doit décider de quel côté il est. »
ARTICLE, La Repubblica, M. Bocci « La stratégie anti-vax de la Ligue : « arrêtons les financements à l’OMS » » : « La Ligue part à l’attaque de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le parti de Matteo Salvini demande à interrompre le financement de l’organisation et à utiliser les 100 millions de dollars versés chaque année par l’Italie pour ‘’embaucher plus de médecins et soutenir l’ouverture de nouveaux hôpitaux’’. Il s’agit là de deux objectifs bien ambitieux, car le montant récupéré par l’Italie représenterait des miettes par rapport au fonds sanitaire national s’élevant à 134 milliards. Par ailleurs, l’argent versé par le ministère de la Santé pour faire partie du fonds [indépendamment de la contribution volontaire, ndlr] ne concerne qu’une contribution de de 16 millions d’euros par an. La Farnesina de son côté verse 73,2 millions de dollars. C’est une somme qui, si elle n’était pas dépensée, n’irait certainement pas au système sanitaire national mais à d’autres projets de coopération. Par ailleurs, l’Italie verse une contribution bien plus basse par rapport à d’autres pays : l’Allemagne en verse 855 millions et la France 160. C’est pourtant la ligne adoptée par la Ligue, par le biais du sénateur Claudio Borghi, dont les déclarations dévoilent ses intentions : ‘’l’OMS a prouvé son inefficacité pendant la pandémie, elle veut pourtant plus d’argent, plus de pouvoir et la liberté de décider de nos vies, peut-être en accord avec certains grands groupes privés’’. L’OMS a aussi fortement soutenu les vaccinations, une action très critiquée par Borghi. Par ailleurs, Borghi explique que ‘’l’OMS le fait par le biais dunouvel accord international sur la prévention des pandémies, l’énième dont les citoyens ne savent rien du tout’’. C’est donc cela qui inquiète le monde rouge-brun, composé de ceux qui s’opposent aux vaccins et des souverainistes. C’est ce monde très varié qui a saturé les boites mail de la Présidente du Conseil Meloni et du ministre de la Santé demandant à ce que l’Italie n’adhère pas à ce ‘traité’. C’est pourtant ce qui était prévu dans les conclusions du dernier G7 en décembre, où l’on réaffirmait ‘’l’engagement à renforcer la gouvernance, les normes internationales et les règlements par le biais de futurs pactes internationaux sur la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies’’. Dans ce document, signé par tous les dirigeants et donc aussi par Meloni, l’accord de l’OMS est justement cité. »
Claudio Borghi
COULISSES, Il Messaggero, A.Bulleri, F.Malfetano, « Ilaria Salis, Meloni et Tajani troublés par les images ; il faudra mettre la pression sur Orban lors du Conseil européen » : « Giorgia Meloni en avait déjà l'intention depuis un certain temps. Toutefois, lorsqu'hier, alors qu'elle dirigeait les travaux de la conférence Italie-Afrique, elle a regardé les images du traitement réservé à Ilaria Salis, pieds et mains entravés, dans une salle d'audience hongroise, , la Présidente du Conseil n'a pas voulu attendre encore. Après s’être entretenue avec le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani - avec lequel l’entente est absolue sur ce point - Meloni a d'abord demandé la convocation de l'ambassadeur hongrois à Rome à la Farnesina, puis a ordonné à la structure diplomatique du Palais Chigi d'organiser une rencontre en tête-à-tête avec le président hongrois Viktor Orbàn, en marge du Conseil européen qui se tiendra ce jeudi. Un sommet au cours duquel, d'ailleurs, la relation entre Meloni et Orban sera au centre de l’attention : Meloni est en effet considérée comme l'une des rares dirigeantes qui pourrait jouer les médiateurs avec le Hongrois, pour éviter que Budapest ne bloque à nouveau les Vingt-sept sur le chapitre des fonds pour l'Ukraine. Cette perspective semble désormais s'éloigner au vu du traitement réservé à l'enseignante milanaise de 39 ans, incarcérée depuis février 2023 à Budapest, accusée de blessures aggravées contre deux néo-nazis lors des manifestations du "Jour de l'honneur". Les images, en effet, étaient trop dures pour ne pas susciter une réaction du gouvernement italien. L'entretien avec le représentant du gouvernement d’Orban à Rome, Ádám Zoltán Kovács, ne se limite pas toutefois à l’affaire Salis, sur laquelle le gouvernement se mobilise à tous les niveaux (Farnesina, Palais Chigi, ministère de la Justice). Le gouvernement traite l’affaire avec prudence, pour des raisons évidentes. La Hongrie est un État membre de l'UE, avec son propre système judiciaire. Et il ne serait pas possible pour un autre pays européen d'entrer dans le fond des décisions concernant un prisonnier, même s’il est italien. "Bien sûr, la justice hongroise est souveraine. Nous pouvons agir, comme nous le faisons, par la voie diplomatique, en faisant tout ce qui est possible pour améliorer les conditions difficiles dans lesquelles elle est détenue" a déclaré le ministre de la Justice, Carlo Nordio. L'objectif reste celui indiqué par le père d'Ilaria après sa conversation avec Nordio : si la justice hongroise assigne la Milanaise de 39 ans à résidence, l'Italie pourra intervenir pour demander que sa peine soit exécutée ici plutôt qu'à Budapest. Même si la voie est étroite, le gouvernement a l'intention de tenter cette piste, en se servant également d’éventuels accords et conventions européennes. L'objectif est de mettre fin à un traitement qui, avec les images d'hier, a perturbé l'exécutif jusqu'au plus haut niveau. »
ANALYSE, La Stampa, de M. Sorgi, « Les agriculteurs et le pire ennemi de la Présidente du Conseil » : « Il est sans aucun doute exagéré de parler de ‘’révolte’’, mais la protestation des agriculteurs contre les hausses de taxes introduites par l’Europe et contre le gouvernement Meloni qui les a validées, en partie contre l’avis de la Coldiretti [principale organisation représentant l’agriculture italienne], est un ennemi de taille pour la Présidente du Conseil. Des militants antivaccins se mobilisent aussi, tentant de prendre la tête des manifestants, alors même qu’auparavant Fratelli d’Italia et la Ligue avaient été des alliés. Pour le moment, ils s’en prennent au ministre de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, qui accuse les journalistes d’amplifier la protestation, qui reste pour l’instant contenue mais qui croît de jour en jour. Après avoir envahi le Piémont, ils s’en prennent au gouvernement en l’accusant de ne pas avoir su éviter l’augmentation de la pression fiscale sur les agriculteurs. Les revendications sont parfois confuses, certains reprochant au ministre Lollobrigida d’avoir davantage pensé à ses propres équipes qu’aux nouveaux fonds pour l’agriculture, d’autres s’indignant des salaires des dirigeants de la Coldiretti, dans un crescendo chaotique qui génère les premières divisions au sein du mouvement. La convergence entre antivaccins et agriculteurs en lutte était toutefois assez inattendue, deux groupes sociaux qui n’ont pas grand-chose en commun à part le fait de s’en prendre au gouvernement formé de partis qu’ils considéraient comme proches. La campagne électorale a ainsi été lancée plus tôt que prévu, contraignant le gouvernement à se mettre à l’abri afin que la protestation ne prenne pas trop d’ampleur. Plusieurs catégories pourraient bientôt s’apercevoir qu’elles ont également des raisons de protester, comme par exemple les médecins du secteur public avec la baisse de leurs retraites. Le risque est qu’en répondant aux revendications des agriculteurs, le gouvernement déclenche une vague de mobilisations d’autres secteurs qu’il aurait bien du mal à gérer. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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