"Migrants, Rome négocie avec Berlin."
03/10/2023
Italie. Revue de presse.
L’expression de la Présidente du Conseil G. Meloni sur la décision du tribunal de Catane ayant abouti à la remise en liberté de 4 migrants tunisiens fait les gros titres, « Meloni défie les juges : « quelqu’un veut nous bloquer » » (La Stampa), « Une erreur dans la réaction » (Avvenire), « Meloni attaque les juges, le gouvernement en difficulté cherche des ennemis » (Domani), « On critique une juge alors qu’elle fait son devoir » (Fatto Quotidiano, Unità). La réforme européenne du Pacte asile et migrations fait la Une du Corriere : « Migrants, Rome négocie avec Berlin ». La finalisation de la loi de finances, « Les femmes partiront à la retraite à 64 ans » (Messaggero), « Les revenus supérieurs à 100 000 euros ne bénéficieront des déductions fiscales » (Sole) et le prix Nobel de médecine décerné aux pionniers du vaccin à ARN messager sont aussi mentionnés.
Les JT couvrent essentiellement les secousses sismiques d’hier soir près de Naples, les données de l’Istat confirmant une baisse du taux de chômage, le débat politique après la décision du tribunal de Catane de remettre en liberté de 4 migrants tunisiens, et enfin le 10e anniversaire du drame des 368 naufragés à Lampedusa.
Sur X, le hashtag #Terremoto (séisme) domine suite au tremblement de terre, hier soir, dans les environs de Naples et des Champs Phlégréens.
COMMENTAIRE, La Repubblica, de S. Folli, « Meloni, les migrants et les deux Europe » : « Cela laisse perplexe de voir un Président du Conseil s’exposer personnellement et directement. Giorgia Meloni ne se défile pas, du reste elle promeut une figure forte de chef de l’exécutif à l’anglaise : elle critique le chancelier Scholz pour les politiques migratoires allemandes et attaque la juge de Catane qui a invalidé le dernier décret du gouvernement. Au centre des deux épisodes, il y a les migrants. Pourquoi la question est-elle si délicate en ce moment ? L’avenir du pays ne dépend qu’en partie des questions financières, économiques, des comptes publics, du ‘’spread’’ qui se sont le lot de tous les gouvernements, en particulier à l’automne, bien qu’accentués cette année par le contexte international et l’inflation. La Présidente du Conseil a compris que la popularité ne dépend pas seulement des politiques économiques qui n’influent sur la vie des gens que sur le moyen-long terme. En revanche l’impact est on ne peut plus immédiat lorsqu’il s’agit de quelques milliers de migrants clandestins qui s’amassent sur une petite île, devenant la métaphore d’une invasion redoutée du territoire national. Dans l’imaginaire collectif d’au moins une partie de la population et de la sphère politique, c’est ce qui effraie et qui va être bien plus déterminant pour les choix électoraux. Giorgia Meloni s’en prend donc à Scholz, aux ONG, à la juge de Catane consciente de pouvoir remporter la bataille de l’opinion publique. Et si Salvini s’y met lui aussi, l’allié-rivale redouble d’une agressivité qui ne lui fait pas défaut. Cela génère un sentiment d’anxiété généralisé, les thèmes sont les mêmes depuis des années, de même que le bras de fer entre politique et justice. L’Europe, impuissante face à la pression migratoire, semble de plus en plus précaire. Y a-t-il une réponse de la gauche face à ce malaise ? Rien de définitif ni de convaincant de ce côté pour le moment. Les réponses prônant l’éthique et la solidarité ne font écho qu’auprès d’une minorité de l’opinion publique. La droite parle de sécurité, de contrôle des frontières externes de l’Europe, et même si elle est loin d’avoir obtenu des résultats jusqu’à présent, le message adressé à l’électorat est clair et implicite : elle est la seule à pouvoir s’emparer du sujet migrations. Par ailleurs, la frontière sud, la Méditerranée, continue à ne pas être une priorité pour l’UE. L’actualité montre que les pays du Nord continuent à se protéger en priorité d’une immigration venue de l’Est. L’immigration rebat les cartes dans tous les pays, et gauches et droites se confondent sur ce point (Scholz, Fico, Orban…). C’est un avantage théorique pour Meloni : elle aussi a recueilli des voix de divers bords. Le problème de l’Italie est qu’elle doit gérer la frontière maritime sud. Nos alliés devraient au moins être la France et l’Espagne, puisque les autres sont tournés vers l’Est. Ce sont deux Europe sans centre de gravité. »
COULISSES, La Repubblica, de T. Ciriaco et F. Tonacci, « Etincelles au sein du gouvernement sur l’envoi d’armes [à l’Ukraine], Tajani (Forza Italia) brûle les étapes, coup de froid de Crosetto (Frères d’Italie) » : « Dans le discours officiel, l’Italie ne vacille pas et son soutien à Kiev contre l’invasion russe reste ferme. Elle annonce même la huitième livraison d’armes à Kiev, qui devrait être prête pour Noël. Le vice-Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani en a parlé en tête-à-tête avec Zelensky à Kiev lors de leur rencontre bilatérale qui a précédé le Conseil affaires étrangères informel, puis l’a annoncé à la presse. Le Président ukrainien a quant à lui décerné à Tajani la récompense de l’ordre de Iaroslav le Sage ‘’en reconnaissance de la grande qualité du rôle joué par le gouvernement italien et de la profonde amitié entre les deux pays’’. Outre le paquet d’armes, Tajani a promis d’accorder à l’Ukraine ‘’la plus grande priorité lors de la présidence italienne du G7’’. La liste exacte des armements que le gouvernement italien envisage de fournir à Kiev n’est pas claire. ‘’Nous verrons ce que nous pouvons fournir à présent’’ explique Tajani après l’envoi de Samp-T il y a quelques mois, ‘’il n’y a pas que des armes létales dans la liste potentielle mais aussi des équipements, comme des viseurs nocturnes par exemple, la liste doit encore être définie avec le ministre de la Défense Guido Crosetto. […] Mais la ligne reste inchangée : aucune arme fournie par l’Italie ne doit frapper le territoire de la Fédération [russe] : nous ne sommes pas en guerre avec la Russie’’. Toutefois, habituellement, c’est le ministère de la Défense qui annonce le détail des aides militaires, et non la Farnesina. Lorsque Repubblica demande confirmation au ministre Crosetto, la réponse est glaciale : ‘’je prends acte’’. Les sept paquets d’aide militaires précédents ont presque épuisé les réserves italiennes de matériel militaire. Cette pénurie doit être gérée en prévoyant l’éventuel achat de nouvelles armes à livrer ensuite à l’Ukraine. La Défense italienne en discute depuis longtemps avec Kiev. Mais Crosetto est lui aussi aux prises avec une Loi de Finances qui s’annonce rigoureuse. La Défense aurait préféré éviter une annonce publique retentissante. Il y a d’ailleurs d’autres raisons à cela, relevant davantage de la politique interne. Depuis de nombreux mois, l’exécutif reste très discret au sujet des envois d’armes car la Ligue est très critique et la position atlantiste de Giorgia Meloni se heurte aux résistances des partenaires de la majorité, à commencer par Matteo Salvini. C’est aussi une question de popularité : les sondages montrent que l’opinion publique de tous les pays occidentaux apprécie de moins en moins la guerre. Les électeurs du centre-droit en particulier sont les plus critiques. La Loi de Finances s’annonce déjà plus rigoureuse et les Italiens sont aux prises avec la hausse des prix : mieux vaut ne pas ne pas faire trop de publicité autour d’un effort militaire nécessaire mais peu rentable en termes de popularité. Tajani affirme à Repubblica que la ‘’décision sur le huitième paquet d’armes a été partagée et prise par l’ensemble de la majorité’’. A Kiev, le ministre italien des Affaires étrangères a également rencontré le Premier ministre Denys Shmyhal afin d’évoquer la reconstruction de la ville d’Odessa pour laquelle l’Italie a offert son patronage. Une conférence s’est également tenue avec le système entrepreneurial italien à laquelle ont entre autres participé Leonardo, Terna, Fs, Mermec et Dompè. Cet intérêt pour la reconstruction de l’Ukraine se heurte à l’activisme des Français en la matière, qui se sont déplacés et sont plus présents [que l’Italie]. Lors du Forum international des producteurs d’armements organisé il y a quelques jours par Zelensky, la représentation française était la plus fournie, contre seulement deux sociétés pour représenter l’Italie. ‘’Nous organiserons à Kiev un Business Forum Italie-Ukraine au printemps, après la Conférence sur la Reconstruction qui s’est tenue à Rome en avril dernier’’ affirme Tajani, confiant sur le fait que même le changement de gouvernement en Slovaquie ne changera rien au soutien de l’UE. »
ARTICLE, Il Foglio, C. Cerasa « Soyons sérieux sur l’Ukraine, s’il vous plait, c’est l’image même de l’Italie qui est en jeu » : « La nouvelle concernant une prétendue crise du soutien occidental à l’Ukraine est fortement exagérée. Certes, il y a quelque chose qui bouge et qui grince, mais tout cela est assez limité et lié aux campagnes électorales qui changeront peu la donne. Il y a toutefois plusieurs questions intéressantes. La droite italienne parviendra-t-elle à résister à la tentation de se faire influencer par la campagne électorale américaine où les Républicains, au sein desquels se trouvent plusieurs partisans de Trump, alimenteront la méfiance sur le soutien à l’Ukraine ? La Ligue de Salvini parviendra-t-elle à ne pas transformer la défense de Kiev en un terrain de compétition avec le parti de Meloni ? Est-ce que Meloni parviendra à tenir le cap sur le soutien à Kiev malgré les oppositions de ses alliés polonais du PIS ? Le gouvernement Meloni parviendra-t-il à faire une campagne électorale européenne en revendiquant une prise de distance à égard de Trump et Musk et une proximité avec Biden ? Enfin, la majorité parviendra-t-elle à ne pas se diviser au moment où il faudra aborder la question du décret sur la fourniture d’armes à l’Ukraine, sur l’élargissement de l’UE, sur le durcissement des sanctions contre la Russie et sur le financement des fonds européens en faveur de Kiev, comme annoncé hier par J. Borrell ? Sur l’Ukraine c’est la crédibilité même de l’Italie qui est en jeu. »
ARTICLE, Repubblica, « L'Ukraine se rapproche de l'UE, mais l'obstacle des souverainistes de l'Est demeure - Lors du Conseil des ministres des affaires étrangères, M. Borrell est optimiste quant à l'ouverture des négociations et Bruxelles annonce de nouveaux fonds. La Hongrie, la Slovaquie et la Pologne freinent.
ARTICLE, Sole 24 Ore, E. Perrone « Rome-Berlin, un test d’entente pour trouver une solution avant la réunion de Grenade » : « Les contacts s’intensifient entre l’Italie et l’Allemagne pour trouver une médiation sur le texte du mécanisme de gestion des crises migratoires, l’un des piliers du Pacte asile et immigration que la Commission souhaiterait adopter d’ici la fin de la mandature européenne en 2024. La sensation d’une éclaircie vient des propos du ministre de l’Intérieur M. Piantedosi (Indépendant) ‘’je suis confiant sur le fait qu’il y a des marges pour trouver ensemble un point de chute’’. Après la demande italienne au Conseil pour les Affaires intérieures de jeudi dernier de temporiser sur la proposition de médiation présentée par la présidence espagnole (et qui a rencontré la faveur immédiate de l’Allemagne), les équipes sont au travail pour revoir le passage le plus délicat pour Rome : l’exclusion de la mention des ONG comme facteurs d’instrumentalisation des migrations irrégulières. Le sujet n’était pas à l’ordre du jour de la réunion d’hier du Coreper. Toutefois, des sources diplomatiques italiennes confirment qu’une ‘’recherche de solution pouvant satisfaire tout le monte’’ était en cours. ‘’il n’y a pas de crise avec l’Allemagne. Il y a quelques jours on évoquait une crise avec la France et maintenant c’est une idylle. Les deux affirmations sont fausses. Il s’agit de dynamiques normales entre pays européens’’ fait-on savoir. L’objectif est d’arriver à un compromis avant les rendez-vous prévus à Grenade de jeudi et de vendredi, respectivement la troisième réunion de la Communauté politique européenne et le Conseil européen informel. Ce dernier pourrait être l’occasion d’une bilatérale clarificatrice entre Meloni et Scholz. Même si Rome tient à souligner qu’‘’à ce stade cela n’est pas au programme mais c’est cohérent avec le travail en cours pour trouver un point de rencontre, on décidera sur la base des contacts’’. Il est vrai que Scholz subit des pressions internes, notamment par la CDU qui a soutenu la position italienne sur les ONG et indirectement par le président Steinmeier qui avait souhaité que l’on mette ‘’une limite aux entrées’’ de migrants. »
ARTICLE, La Stampa, M. Bresolin: « Le mur de l'Allemagne sur le nouveau Pacte de stabilité » : «La proposition de compromis sur la réforme du Pacte de stabilité, présentée par la présidence espagnole de l'Union européenne, a été accueillie avec une certaine satisfaction à Rome. En effet, au ministère de l'Économie et des Finances, on constate que le document de quatre pages répond aux exigences italiennes, car il reprend tous les points présentés à l'Ecofin de Saint-Jacques-de-Compostelle par le ministre Giancarlo Giorgetti (Ligue). Mais la première rencontre entre les chefs des 27 ministères, qui se sont réunis hier à Madrid précisément pour examiner la proposition de compromis, montre que le chemin vers un accord est encore long. Selon des sources diplomatiques européennes, le gouvernement allemand est loin d'être satisfait de la médiation espagnole. Et ce, malgré le fait que Madrid ait décidé d'inclure dans sa proposition une clause de sauvegarde afin de garantir une réduction annuelle minimale de la dette. Le bras de fer qui s'est engagé hier au niveau technique semble donc destiné à durer. Comme pour le Pacte sur les migrations et l'asile, la réforme des règles budgétaires se joue aussi et surtout entre l'Italie et l'Allemagne, les deux pays qui se trouvent actuellement sur des positions opposées. La présidence espagnole s'étant engagée à rechercher une synthèse entre les positions des deux gouvernements. Mais si sur le front de l'immigration, Madrid a été accusée par Rome d'avoir fait trop de concessions à Berlin sans consulter le gouvernement italien, tandis que dans la médiation sur la réforme du pacte de stabilité, les Allemands estiment que le gouvernement de Pedro Sanchez a trop fait pencher la balance sur les exigences italiennes. Lors de la réunion informelle de l'Ecofin à Santiago, Giorgetti avait appelé à une "règle d'or budgétaire" limitée, avec un plafond sur les dépenses qui ne sont pas prises en compte, une application restreinte pour les investissements "verts" et "numériques" du PNRR et pour les dépenses militaires pour l'Ukraine, et un délai plus long, idéalement jusqu'en 2026. Le document produit par le gouvernement espagnol ne fixe pas de limites temporelles, étend l'application aux dépenses pour le cofinancement national des fonds ordinaires de l'UE et prévoit la possibilité d'invoquer l'augmentation des dépenses militaires parmi les facteurs pertinents pour éviter une procédure. Le sentiment est que Berlin n'acceptera jamais toute la flexibilité proposée et insistera pour restreindre la portée de cette "règle d'or". Il ne sera pas également facile de fixer le chiffre qui identifiera l'ampleur de la réduction minimale de la dette exigée des pays dépassant 60 %. Berlin avait demandé 1 %, l'Espagne est restée vague dans le document de médiation. Berlin voudrait imposer une réduction prédéfinie de la dette, pour chaque année, et non pas en moyenne sur plusieurs années. À Madrid, Rome et Bruxelles, l'optimisme règne cependant. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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