"Meloni annonce un "caddie à prix fixes" pour les courses."
29/09/2023
Italie. Revue de presse.
La réunion des ministres de l’Intérieur de l’Union Européenne d'hier, marquée selon la presse par des divergences entre Rome et Berlin notamment sur le rôle des ONG en mer, fait les gros titres : « Migrants, un coup de frein sur le pacte européen » (Corriere della Sera), « Migrants, L’Italie bloque l’entente en Europe » (La Stampa), « Migrants, L’Italie exprime son désaccord sur les ONG » (Il Messaggero), « Le bluff allemand enfin dévoilé » (Il Giornale). Les thématiques économiques sont aussi citées « L’alerte du Spread sur les marchés » (La Repubblica), « Le Spread s’envole pour atteindre 200 points » (La Stampa), « Un budget en pente raide et des mesures pour contrer l’inflation » (Avvenire)
SONDAGES, La Repubblica, d’I. Diamanti, « Après le Covid, la crainte de l’étranger revient, deux tiers des Italiens sont pour la fermeture des frontières » : « Le phénomène migratoire est à nouveau au centre des préoccupations des Italiens après un long moment sans que l’immigration ne soit considérée comme un problème sérieux. Le Covid puis l’invasion russe en Ukraine étaient plus importants. Mais le contexte politique italien a lui aussi changé, de même que le contexte international. Ainsi, un récent sondage Demos indique que l’opinion selon laquelle les migrants représentent un ‘’danger pour l’ordre public et la sécurité des personnes’’ atteint 45%, le chiffre le plus élevé depuis 2007 (et qui avait atteint son niveau le plus bas en 2012-2013, à 26%). La remontée avait été amorcée autour de 2018, au moment de la campagne pour les élections législatives en Italie. La Ligue de Salvini a construit son succès sur la peur de l’étranger. En réalité, les flux migratoires ces dernières années ont eu un impact relatif et répondaient en partie au besoin de main-d’oeuvre. Du reste, beaucoup d’entre eux arrivaient d’Europe de l’Est, ce qui semblait moins inquiéter l’opinion, alors qu’aujourd’hui les arrivées augmentent et, d’après le Ministère de l’Intérieur, surtout en provenance d’Afrique. En 2023, 123 863 ont été enregistrées, contre 65 517 à la même période en 2022 (environ 40 000 en 2021). Ainsi, 64% des interrogés sont pour une fermeture des frontières soit 10 points de plus que l’année dernière. Les disparités émergent surtout entre les différentes tendances politiques et l’âge des personnes interrogées : il n’y a que chez les 18-29 ans que l’idée que l’Italie doit davantage s’ouvrir vers le monde domine, à 58%, tandis qu’elle n’est approuvée que par 27% des 45-64 ans). Le clivage entre gauche et droite est net lui aussi, toutefois il est surprenant de voir que les électeurs de la Ligue sont moins ‘’extrêmes’’ : 77% sont pour davantage de contrôles aux frontières contre 88% pour Fratelli d’Italia et 80% de Forza Italia. Aux yeux des électeurs et de l’opinion c’est donc bien à Fratelli d’Italia que revient la défense du pays face aux ‘’autres’’. A l’opposé, seuls 32% des électeurs du PD veulent plus de contrôles et 68% plaident pour l’ouverture. »
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Antonio Tajani, vice-Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, « Sept bateaux d’ONG qui se dirigent vers Lampedusa ce n’est pas un hasard, Berlin doit donner des explications » : La fracture persiste, voire se creuse. « L’annonce de sept bateaux d'ONG, dont certains battant pavillon allemand, se dirigeant vers Lampedusa confirme notre inquiétude et notre analyse, et ce que je venais de dire à la ministre Baerbock", attaque Antonio Tajani, de retour de Berlin, non sans amertume, après sa rencontre avec son homologue allemande, Annalena Baerbock. Le vice-Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères italiens ne cache pas son étonnement ni une pointe d'irritation. ‘’Cela me semble vraiment étrange, inquiétant. Le jour où une proposition est faite (en Conseil JAI, ndlr), tous ces navires arrivent. Est-ce une coïncidence ? Qu’y a-t-il derrière tout ça ?", s'interroge le chef de la Farnesina. Déjà dans l'après-midi, maintenant sa position aux côtés de la ministre allemande qui plaidait quant à elle pour les financements de ces navires, il avait qualifié les ONG d’"aimants à migrants irréguliers, tous ramenés sur nos côtes ».
COULISSES, Corriere, R. Frignani, « Les amendements, les sept navires en mer : comment l'accord a été rompu. ‘’C’est une provocation’’, et Piantedosi (Indépendant) quitte la table » : « Sept navires d'ONG engagés en Méditerranée pour secourir les migrants : c’est ce qui a convaincu le gouvernement italien, alors que la réunion était en cours à Bruxelles, de la nécessité d'interrompre les négociations sur le règlement relatif à la gestion des crises. Car - c'est ce qu'expliquent le Palais Chigi, la Farnesina, le Viminal - si le texte était passé tel qu'il avait été modifié ces dernières heures, personne n'aurait pu arrêter les débarquements et surtout "les tentatives de pression sur les Etats, en particulier sur l’Italie". Pour comprendre ce qui s'est réellement passé, il faut revenir au mois de juillet, lorsque la volonté de faire passer le dernier acte du "pacte sur l'immigration et l'asile", qui contient justement la modification de certaines règles européennes, était discutée. Pour l'Italie, il s'agit d'un accord fondamental, car il reconnaît et concrétise pour la première fois l'obligation de solidarité des Etats membres envers les pays de première arrivée des migrants. Au cours de l'été, c'est l'Allemagne, soutenue par d'autres pays de l'UE, qui a décidé d’en bloquer l'adoption. Le Parlement européen a donc décidé de bloquer temporairement le débat sur deux autres règlements du pacte migratoire et demandé à l'Allemagne et aux autres pays de parvenir à un accord. Le ministre de l'intérieur Matteo Piantedosi arrive à Bruxelles mercredi pour la réunion du Conseil et des amendements commencent à circuler, mais il est surtout indiqué que le nouveau texte devra être approuvé lors de la réunion. Or, il découvre que ces amendements concernent principalement les associations et les ONG, et demandent qu'"un paragraphe soit inséré à l'article 1 du règlement pour légitimer les activités des acteurs non étatiques, y compris les ONG", mais qu'il n'y ait pas d'obligation quant à la manière dont ils doivent agir. Ce passage est considéré comme inacceptable. D'autre part, la décision de l'Allemagne d'allouer des fonds du budget fédéral "afin de pouvoir mener des activités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale, à proximité des eaux territoriales libyennes ou tunisiennes, et de transporter ensuite les migrants recueillis vers l'Italie" pèse encore lourdement sur les relations entre les deux pays, malgré la mission effectuée hier par le ministre des affaires étrangères, Antonio Tajani. M. Piantedosi étant attendu à Palerme pour une réunion de longue date avec ses collègues libyen Emad Trabelsi et tunisien Kamel Fekih, a donc demandé plus de temps pour une médiation pour arriver à la signature de l'accord. C'est alors qu'arrive la nouvelle des sept navires engagés en Méditerranée, que le gouvernement interprète comme une "provocation". Piantedosi quitte le Conseil et, entre-temps, la protestation du gouvernement devient formelle à l'égard de ses partenaires pour une attitude jugée "inacceptable". La riposte italienne est la présentation d'un amendement visant à imposer que "les migrants transportés sur les navires des ONG soient automatiquement accueillis par le pays du pavillon du navire". L'objectif du gouvernement est clair et affiché : si l'Allemagne veut soutenir les ONG, c'est très bien, à condition qu'elle accepte aussi les migrants transportés. La proposition n'est pas adoptée et la réunion reportée. »
COULISSES, La Repubblica, E. Lauria et A. Ziniti « Le report pour jouer aux enchères mais c’est aussi une compétition au sein de la droite italienne » « Au Palais Chigi la porte du dialogue est encore ouverte et il y a encore l’espoir que les raisons de l’Italie soient écoutées voire, en partie, accueillies. La sensation est donc qu’à la fin, l’Italie donnera son feu vert. Certes, le Pacte sur les migrants pourrait être adopté même sans les voix de l’Italie. Ce que le Palais Chigi laisse filtrer est l’espoir que Bruxelles comprenne la nécessité d’arriver à une entente sur l’accord avec la plus large majorité possible. Les tractations vont de l’avant. Quant à la coalition de droite, la majorité apparait unie. Même le modéré Tajani a adhéré à la théorie selon laquelle l’Allemagne serait derrière ce complot de débarquements de migrants sur l’Italie. En réalité, derrière le « non » italien au Pacte sur les migrants il y a une compétition au sein de la droite italienne. Salvini fait pression quotidiennement sur les politiques d’immigration, poussant Meloni à adopter une posture de plus en plus dure. Or la Présidente du Conseil ne peut pas se permettre que le gouvernement donne son feu vert à un pacte « anti-Crippa » (selon le nom du député de la Ligue qui a attaqué le plus durement sur les ONG). Meloni risquerait alors de laisser de l’espace politique à son allié Salvini, en quête de popularité auprès des électeurs les plus extrémistes. »
COULISSES, La Repubblica, T. Ciriaco « Macron fait pression sur Meloni pour obtenir le soutien à la candidature d’Ursula von der Leyen » : « D’après ce qu’affirment des sources informées du contenu de la rencontre de mardi entre Emmanuel Macron et la Présidente du Conseil Meloni, le Président français aurait demandé à cette dernière de faire un choix. Elle peut décider si soutenir la réélection d’Ursula von der Leyen ou bien de choisir le front du « non » de Matteo Salvini et de Marine Le Pen. Meloni, qui ne s’attendait pas à une approche aussi directe, décide de temporiser. Elle hésite et veut évaluer les pour et les contre d’une décision cruciale. Macron lui aurait expliqué que l’hypothèse d’une alliance entre populaires et conservateurs est inexistante. En revanche, la possibilité d’une réélection d’Ursula est une chose concrète. Pour que cela se fasse sans coups de théâtre, il faudrait qu’elle puisse compter sur le soutien de pays qui, à ce stade, n’ont pas prévu de voter pour elle. Meloni pourrait alors lui permettre de reconduire son mandat en évitant des surprises. Macron lui aurait montré les retours politiques immédiats : la possibilité de participer au jeu qui compte, d’avoir un rôle incisif sur les équilibres de la nouvelle Commission et orienter le débat à Bruxelles sur la réforme du Pacte de Stabilité et sur les tractations autour des migrants. Elle obtiendrait alors des concessions qu’elle pourrait revendiquer en campagne électorale. Paris pourrait aussi faire de garant pour Berlin, en raison des liens étroits entre les deux capitales. Pour ce faire, Meloni doit abandonner Salvini, ou plutôt les slogans antieuropéens et renoncer à toute prétention impossible, comme celle de reporter encore la ratification du MES. Le Président Macron tente de montrer, par cette mutation du melonisme, que le souverainisme n’est pas payant. Cela vaut aussi bien pour la dirigeante de Fdi que pour Marine Le Pen. Pour Meloni, soutenir von der Leyen signifie prendre des risques : cela pourrait pousser Salvini à sortir de l’exécutif et amener la dirigeante de Fdi à chercher une autre [improbable] majorité. Cette opération séduction de l’Elysée pourrait aussi représenter un piège pour elle. Une chose est sûre, le Président Macron a raison quand il dit que le moment des grands choix approche pour Mme Meloni. »
ARTICLE, Corriere della Sera, F. Fubini, «Le spread atteint les 200 points puis redescend. Le coût des bonds du Trésor pèse sur le projet de loi de finance»: « Hier, le Ministère de l’économie procédait aux ultimes retouches sur la Note d’ajustempnt au document sur l’Économie et les Finances (NADEF) pour prévoir le financement du pont sur le détroit de Messine, les aides pour les retraites les plus modestes ou encore celles aux familles. Cependant, sur les marchés, les grands investisseurs internationaux transformaient les nouvelles prévisions italiennes en un piège. S’ils n’ont pas encore une idée complète de la NADEF, ils ont en revanche saisi que le déficit italien passera de 4 à 14 milliards et que la voie choisie par la NADEF ne respectera pas les règles européennes en ne redescendant au dessous des 3% de déficit qu’en 2026. Ce dernier point met en doute la possiblité (ou la volonté) de la BCE de mettre en place son “bouclier” pour venir au secours des obligations italiennes – un doute qui pourrait inciter les investisseurs à mettre à l’épreuve la BCE en vendant leur Bonds du Trésor italiens. La NADEF a ainsi déclenché un mouvement plus large, en faisaint réapparaitre les “justiciers obligataires” du déficit, qui imposent une discipline budgétaire aux gouvernements, et réclament un rendement toujours plus important avant d’acheter des parts massives du déficit. Hier, les rendements des obligations allemandes se sont envolés à 3%, les britanniques à 4,5%, et les françaises ont dépassé les 3,5% – alors qu’à Paris naissait la conviction que le signal parti de Rome était à l’origine de ce mouvement. Si cela est en partie vrai, d’autres facteurs doivent être pris en compte, notamment le projet de loi de finances français qui prévoit également un important déficit pour 2024, mais surtout l’explosion de la dette publique américaine. En outre, l’augmentation du prix du baril de Brent – poussé par un accord entre Riyad et Moscou – laisse présager une nouvelle augmentation des taux des banques centrales. Cependant, au Ministère de l’économie, les négociations pour obtenir des financements continuent comme si de rien n’était, et comme si il n’y avait pas eu un brusque changement d’atmosphère sur le cout du déficit – ou bien comme si personne ne voulait le croire. »
PREMIER PLAN, Repubblica, D. Longhin : « Meloni annonce un ‘caddie à prix fixes’ pour les courses, mais les factures s'envolent » : « L'augmentation du coût de la facture d'électricité pour la dernière partie de l'année a gâché l'ambiance festive qui régnait hier au Palais Chigi. La présidente du Conseil Giorgia Meloni, accompagnée du ministre des Entreprises Adolfo Urso (Frères d’Italie) et du ministre de l'Agriculture Francesco Lollobrigida (Frères d’Italie), a invité les 32 associations qui ont adhéré ou qui ont soutenu le protocole anti-inflation trimestriel à fêter le lancement du ‘caddie italien’ à partir du 1er octobre. Dommage que les effets de cette initiative en termes d'économies pour le portefeuille des Italiens ne soient pas encore vérifiés, alors que l'augmentation de la facture est déjà quantifiable. Selon la dernière mise à jour de l’Arera, l'Autorité de l'énergie, la facture d'électricité sera 18,6 % plus élevée au quatrième trimestre de l'année pour les familles qui ont un contrat sur le marché protégé. Concrètement, cela représente une augmentation de 120 euros de plus par an, selon les estimations de l’Union nationale des consommateurs. Le Conseil des ministres de lundi a décidé d’introduire une contribution de 300 millions, qui sera proportionnée à la taille de la famille et qui sera automatique pour ceux qui bénéficient déjà des aides pour l’électricité. ‘’ Peut-être que de nouvelles aides seront nécessaires", déclare le ministre de l'Environnement et de la Sécurité énergétique, Gilberto Pichetto Fratin (Forza Italia), "je ne suis pas pour les aides à vie, mais tant qu'elles sont nécessaires, il faut les maintenir ". L’initiative de soutien aux courses des Italiens avec ce caddie débute dimanche avec des milliers de produits de première nécessité, alimentaires et non-alimentaires, à prix fixes ou réduits, dans les rayons des supermarchés et des petits commerces. Elle se poursuivra jusqu'à la fin du mois de décembre, y compris pendant la période de Noël. Il y aura non seulement des pâtes, du lait, du sucre, des œufs, du riz, mais aussi des savons, du gel douche et des couches. À ce stade ont adhéré plus de 22 000 points de vente dans toute l'Italie, mais au ministère dirigé par Urso, ils sont certains que d'autres se joindront. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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