"Salvini cherche à vider Forza Italia, tandis que Meloni s'efforce de maintenir le parti debout afin d'empêcher la déstabilisation de l'alliance."
06/09/2023
Italie. Revue de presse.
La réunion des chefs de parti de la majorité aujourd’hui autour de la loi de finances fait les gros titres : « Budget, les partis demandent 40 milliards pour le fonds limitant la hausse des prix de l’essence mais il n’y en n’a que 8,5 » (Corriere della Sera), « La réunion de la discorde » (La Repubblica), « Budget, la Ligue tente à nouveau de proposer un moratoire fiscal » (La Stampa), « Entente sur une loi de finances sobre » (Il Messaggero). Repubblica revient sur la polémique autour des déclarations d’A. Amato sur le drame d’Ustica lors de sa conférence de presse hier : « Amato : « je demande à Macron de dire la vérité sur ce qui se passait sur la base militaire de Solenzara » ».
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, M. Guerzoni, A. Logroscino : « Le dîner de la Présidente Meloni avec 200 parlementaires : maintenant il faut une loi de finances sans faux pas » : « Serrer les rangs, au sein du parti et du gouvernement. Giorgia Meloni veut donner un coup d’accélérateur à l’action du gouvernement, comme elle l'a dit dimanche sur le circuit de Monza. Pour aller plus vite sur les dossiers, éviter les incidents parlementaires et calmer les ambitions électorales des partis, la Présidente du Conseil a décidé d'agir en parallèle sur deux fronts, le gouvernement et les groupes parlementaires. Avec les siens. Ce soir, au Palais Chigi, elle prendra un apéritif (de travail) avec les secrétaires et les chefs de groupe, une réunion après la pause estivale pour dessiner les contours de la loi de finances et faire le point sur les réformes constitutionnelles. Et hier soir, à la surprise générale, la cheffe du gouvernement, en version cheffe de parti, a dîné avec tous les députés, ministres et sous-secrétaires de Fratelli d’Italia, une armée de 200 politiques. Une fête quelque peu berlusconienne, au cours de laquelle Giorgia Meloni fait le tour des tables, entre accolades et rires, et montre vouloir partager avec les siens la responsabilité de cette phase politique. Les deux jours de réunion révèlent l'état d'esprit avec lequel la première ministre s'est plongée dans la préparation d'une loi de finances qu'elle juge "complexe". Peu d'argent et beaucoup de problèmes, suscités par la concurrence entre les partis en vue des élections européennes de 2024. Voici donc l'appel à "avancer unis", à "ne pas déclencher de tensions" et à ne pas utiliser les mesures de la loi de finances pour récolter des voix. C’est un avertissement qu’elle adresse tout d'abord aux vice-présidents Salvini et Tajani, afin qu'ils cessent de faire sans cesse de la surenchère. La deuxième loi de finances du gouvernement est pour Meloni le défi politique le plus important depuis qu'elle est au Palais Chigi, et la Présidente en est consciente. "Nous n'avons pas le droit à l'erreur", est le sens de son raisonnement. La priorité pour le Palais Chigi est celle d’assurer la stabilité des comptes, dans un cadre rendu encore plus difficile par "le désastre du Superbonus", comme le définit Meloni, avec une facture pour l’Etat qui risque d'atteindre 110 milliards d’euros. L'intention est de ne pas nuire à la crédibilité de l'Italie et ne pas dépasser les objectifs en matière de dette et de déficit." Ce soir, le ministre Giancarlo Giorgetti pourrait annoncer les premiers chiffres sur la base desquels établir combien de ressources seront allouées aux principales mesures d'une loi de finances. Luciano Malan, chef du groupe FdI au Sénat, résume les priorités du paquet financier voulu par Meloni et Giorgetti: " La croissance, le travail, les entreprises, la famille, la natalité et les bas revenus. Il est aussi question d’un ‘bonus essence’, de deux milliards, qui serait financée par l'augmentation des recettes de la TVA sur les carburants. La Présidente pourrait également aborder la question de la réforme constitutionnelle, qu’elle espère présenter au Parlement d'ici fin septembre. D'autre part, le sujet du seuil de 3% pour les élections européennes, qui a agacé la Ligue e Forza Italia, ne devrait pas faire l’objet de discussions. »
COULISSES, Corriere della Sera, F. Verderami : « Ainsi Salvini a changé d’avis, les tensions avec Meloni sur les équilibres dans la coalition » : « Si la Présidente veut aller vite, c’est parce qu’elle a beaucoup de sujets à gérer. Un air électrique souffle sur la droite, et nous ne sommes qu'en septembre. Alors, pour éviter le chaos en décembre, le gouvernement a entamé la saison des réunions : après une réunion politique, il s'apprête à discuter du projet de loi de finances avec sa majorité. Mais entre-temps, les hostilités se poursuivent, à l'image de la dernière escarmouche sur l'abaissement du seuil d'accès au parlement de Strasbourg de 4 à 3 %. L'affaire remonte à la mi-mai, lorsque les Verts ont demandé au parti de Meloni d'aligner le seuil pour les élections européennes sur celui du parlement national. Toutes les forces de la majorité étaient favorables à cette demande, qui intéressait d'ailleurs les centristes au pouvoir. Mais trois mois et demi plus tard, Salvini a changé d'avis. Et en annonçant son opposition à la réforme, il met en difficulté la Présidente, qui avait indirectement dirigé les négociations. Une date en particulier représente un véritable tournant pour les relations au sein de la coalition : le 12 juin, jour de la mort de Berlusconi. Depuis, les attaques de la Ligue contre Forza Italia se sont multipliées et, dans le même temps, les inquiétudes de FdI quant à la stabilité électorale du parti de l’ancien président se sont accrues. Sans le Cavaliere, Salvini cherche à vider Forza Italia, tandis que Meloni s'efforce de maintenir le parti debout afin d'empêcher la déstabilisation de l'alliance. La réduction du seuil à 3% représenterait une sorte de parachute d'urgence pour les politiques de Forza Italia, bien que même parmi les représentants de la droite on craigne que la solution ne soit pas suffisante. Mais au-delà des prévisions, il est clair que Meloni et Salvini ont des intérêts opposés sur le destin de Forza Italia. La stratégie du leader de la Ligue est aussi celle de barrer la route à Renzi, qui a les mêmes intentions que lui. Mais il s'agit également d'une manœuvre défensive. Une fois l'ère du Cavaliere terminée, Salvini craint une chute dans les sondages. Et il sait qu'un tel résultat confirmerait le succès du projet de Meloni : une coalition basée sur FdI entourée seulement de figurants. Ce sujet n'est pas le seul élément de tension à ce stade entre Salvini et Meloni. Sur la réforme des provinces, les alliés-rivaux ont aussi une approche différente. Tout est comme ça au sein de la droite : une compétition quotidienne et usante, garantie par l'absence d’opposition compétitive qui, au moins pour l’instant, protège la majorité. Et qui lui permet de réfléchir sans trop d’inquiétude aux prochaines élections locales. »
ARTICLE, La Repubblica, « Le Grand Centre tente Tajani (Forza Italia) et Renzi. L'idée d’une grande liste pour ne pas se compter l'un l'autre » par Antonio Fraschilla : « On tente de déchiffrer le "non" catégorique d'Antonio Tajani et de Matteo Renzi à l’abaissement du seuil de 4 à 3% pour se qualifier aux Européennes. Pourquoi ceux qui pourraient en être les principaux bénéficiaires se sont-ils empressés de dire non immédiatement ? Probablement pour pouvoir ouvrir un dialogue, bien que nuancé, entre toutes les forces qui se réfèrent au centre afin d'éviter un bain de sang aux prochaines élections européennes : de Forza Italia à Noi Moderati, de l'Udc à Il Centro, le nouveau parti de Renzi après la rupture avec l'Azione de Calenda. Des dialogues qui seraient en cours, bien que démentis officiellement par les principaux dirigeants, à commencer par l'ancien Premier ministre et ancien secrétaire du PD Renzi, qui réitère le soutien en Europe à Emmanuel Macron et l'intention de rester avec les libéraux européens et de ne pas rejoindre le Parti populaire. Mais il est clair que quelque chose bouge, et cela est également démontré par la vive réaction de Maurizio Lupi de Noi Moderati, qui avait demandé que le seuil soit abaissé . Ce n'est pas un hasard si cette réponse évoque Renzi : "Le seuil de 3% pour les élections européennes n'est pas une question sur laquelle construire des barricades", répète Lupi, "mais à ceux qui disent qu'accorder un seuil plus bas est un cadeau à Renzi, je dis qu'il faut faire attention parce qu'à force de lui courir après, on le fait devenir ce qu'il n'est pas. Il prend sa propre initiative politique, légitimement, comme il l'a déjà fait en détruisant le troisième pôle avec Calenda". Lupi est contre les listes multi-symboles, à moins qu'il n'y ait clairement une liste de Populaires européens, mais il craint le dialogue possible entre Renzi et Tajani et veut mettre en garde son allié. »
ENTRETIEN, Il Messaggero, de Matteo Piantedosi (Indépendant), ministre de l’Intérieur « L’action de police à Caivano n’est qu’un début. Il y aura de nouvelles mesures pour contrer le phénomène des gangs de mineurs » : « ‘’Nous voulons commencer justement par les réalités difficiles comme celle de la banlieue napolitaine de Caviano, mais pas seulement. L’opération d’hier, qui a vu se déployer 400 agents pour effectuer 76 perquisitions, représente un premier pas concret vers la récupération de la zone, notamment sur le plan sécuritaire. Nous sommes en train de mettre en place un plan inter-institutionnel prévoyant des investissements et des ressources pour surmonter les conditions de dégradation et de marginalisation sociale où les organisations criminelles trouvent un terrain fertile, notamment auprès des jeunes. Il ne peut y avoir que des actions de police. A Caivano, il faut aussi offrir des opportunités : pour cela, il y a un programme de requalification du centre sportif dont la gestion sera confiée à la Police d’Etat par le biais de son organisation sportive « Fiamme Oro ». La solution pour sortir d’une situation de dégradation est une présence plus importante de l’Etat pour le contrôle de la légalité mais aussi de donner des réponses sur le plan social, éducatif et culturel, des infrastructures sportives. Le gouvernement est sur le point d’adopter un paquet de mesures pour assurer une sécurité plus forte dans nos villes. La lutte contre le phénomène grandissant de l’utilisation d’armes par des mineurs est sans doute l’un des objectifs. ’’ »
ARTICLE, Repubblica, A. Ginori « En déplacement à Paris, Schlein fait pression sur Meloni et l’Elysée ‘’l’Italie a droit de connaitre la vérité’’ » : « ‘’Le droit à la vérité est avant tout un droit des parents des victimes, mais c’est aussi un droit qui appartient à toute l’Italie’’. Elly Schlein, en tournée en vue des élections européennes, mène à Paris la bataille pour faire lumière sur le drame d’Ustica. Même si l’étape à Paris était prévue pour tisser les alliances pour la campagne du prochain printemps, impossible pour la dirigeante du Parti Démocrate de ne pas se mettre du côté de ceux qui demandent la vérité. Schlein fait pression sur Giorgia Meloni, demandant un pas formel afin d’obtenir des éclaircissements également de la part de la France. Pour cela, elle a été critiquée par Carlo Calenda ‘’ce n’est pas à elle de le demander mais au gouvernement italien’’, souligne-t-il. Le sens des propos de Schlein est le suivant : la France d’E. Macron est appelée à donner sa contribution pour faire lumière sur la nuit du 27 juin 1980. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de C. Tito, « Nouvelle difficulté sur les comptes [publics], Bruxelles reverra à la baisse les estimations de croissance européenne ; Rome et Berlin tremblent » : « Une nouvelle tuile s’abat sur les comptes italiens ou plutôt sur la politique économique du gouvernement Meloni. Les prévisions que la Commission européenne présentera lundi prochain s’assombrissent pour l’Europe, l’Allemagne mais aussi pour l’Italie, remettant en cause l’optimisme de mai dernier. C’est une ombre qui s’étend sur la loi de finances que l’exécutif italien est en train de préparer. Les coupes pourraient bien être ‘’très conséquentes’’. Afin de respecter les engagements pris à travers le dernier ‘’document d’Economie et de Finances’’. Il y a quatre mois, Bruxelles avait estimé la croissance du PIB européen à 1% pour 2023 mais cette estimation devrait être revue à la baisse d’au moins 0,2 point. Idem pour l’Italie, sinon pire : en mai le PIB était de +1,2% provoquant la liesse de la majorité mais ce chiffre n’est plus d’actualité. Les derniers chiffres de l’Istat estimaient plutôt la croissance du PIB à +0,7 cette année. La mauvaise saison touristique cet été, le taux élevé d’inflation et les conséquences du ralentissement volontaire de la ‘’locomotive’’ allemande sont probablement à l’origine de ce résultat. La croissance de l’Allemagne sera probablement proche de zéro, se rapprochant donc de la stagnation voire d’une véritable récession qui fait planer sur le Vieux Continent le pire cauchemar : la stagflation (récession et forte inflation). Cette situation aura des conséquences très lourdes et en particulier pour l’Italie. Giorgia Meloni doit se préparer aux restrictions budgétaires. La croissance du PIB à 1% et le rapport déficit PIB à 3,7 semble de plus en plus lointains et toutes les promesses électorales formulées il y a moins d’un an s’éloignent également. Les différents ministères se disputent déjà en vue du Document programmatique de finances qui devra être remis à la Commission européenne et se concentre sur trois chapitres du budget : santé, retraites, éducation. C’est là que les experts cherchent d’éventuelles ‘’économies’’ mais ce sont aussi les sujets les plus délicats pour l’opinion publique et pour les relations au sein de la coalition de gouvernement. Rome et Bruxelles soulignent la nécessité d’une Loi de Finances ‘’prudente’’ comme l’avait déjà dit le ministre de l’Economie Giorgetti, agaçant ainsi le vice-président du Conseil et ministre des Transports Salvini. Une situation qui inquiète Bruxelles et met le gouvernement face à un choix : prendre tout de suite les mesures permettant de respecter les engagements pris (coupes budgétaires) ou bien attendre et espérer une inversion de tendance pour 2024. La seconde option est risquée et implique une possible Loi de Finances correctrice au printemps, en pleine campagne pour les européennes. »
ENTRETIEN, Il Giornale, d’Adolfo Urso, ministre des Entreprises et du Made in Italie « Si l’Europe a changé d’avis sur l’électrique, c’est aussi grâce à l’Italie » : « ‘’Sur les dossiers évoqués lors des différentes sessions européennes, le groupe de ceux qui, comme l’Italie, déplorent une approche idéologique allant contre les intérêts industriels et d’emploi de l’Union même, devient de plus en plus large. L’Italie a imposé sa vision et maintenant d’autres pays partagent ce que nous avions dit en premiers. Il faut garder la possibilité, pendant un certain temps, de produire et de vendre les e-fuels mais aussi les bio-fuels. Sur ce secteur, l’ENI est en train de faire des pas en avant considérables. Cela en attendant que l’électrique deviennent plus efficace et accessible. Sur Stellantis, ce gouvernement est en train de faire ce que l’exécutif de l’époque de la création du groupe aurait dû faire : demander d’augmenter les investissements, même pour les projets électriques, en mettant en sécurité toute la filière italienne. Avec le ministre Bruno Le Maire, il y a une pleine harmonie dans la volonté de convaincre l’UE sur la nécessité de protéger l’industrie européenne. Cela par le biais d’actions comme la lettre sur l’euro 7 que nous avons signée avec sept autres pays, dont la France. Tel que conçu par la Commission Européenne, l’euro 7 est irréalisable et ne sera jamais réalisé, surtout après la démission de Timmermans. Son dossier a été confié à des commissaires qui semblent avoir une vision moins idéologique. J’ai souvent des échanges avec Le Maire, mais aussi avec l’allemand Habeck. L’Italie, la France et l’Allemagne sont les géants de l’automobile en UE.’’ »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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