"Le dilemme de Giorgia Meloni", à la suite des élections en Espagne.
25/07/2023
Italie. Revue de presse.
Le résultat des élections en Espagne continue d’être très commenté dans les médias italiens (« Duel pour le gouvernement en Espagne » Corriere della Sera, « La vague noire a été arrêtée » La Stampa).
Les JT couvrent essentiellement le violent orage de grêle qui a touché Milan cette nuit, les incendies autour de Palerme en Sicile, l’alerte rouge à la canicule pour 16 villes du centre et du sud de la péninsule, le sommet de la Fao et les propos de Mattarella qui juge ‘’déplorable la décision de Moscou’’ après le retrait de la Russie de l’accord sur les céréales.
EDITORIAL, S. Folli, Repubblica, « Le dilemme de Giorgia Meloni » - « Elle peut rester aux côtés de Vox, malgré la défaite, ou faire de Fratelli d'Italia un parti conservateur, certes, mais pas extrémiste, allié en Europe aux Populaires » : « Après les élections espagnoles, un dilemme politique certain se pose pour Giorgia Meloni. Peut-elle continuer à s'engager aux côtés de Vox, malgré la défaite qui place le parti pro-franquiste entre 12 et 13 % ? Ou bien doit-elle suivre la voie prise jusqu'à présent, avec l'objectif de faire de Fratelli d'Italia un parti conservateur, certes, mais pas extrémiste, allié en Europe avec les Populaires ? La présidente du Conseil n'est pas dépourvue d'un certain manque de scrupules qui lui permettrait de rectifier le tir au nom d'un opportunisme évident. On l'a vu avec le Hongrois Orbán : il y a encore un an, il était son interlocuteur privilégié, aujourd'hui il est passé dans l’ombre. La raison principale en est le soutien de Budapest à la Russie dans la guerre en Ukraine, alors que notre gouvernement de centre-droit suit la ligne atlantiste de soutien inconditionnel à Zelensky. Sur l’Espagne, en revanche, nous avons assisté à un spectacle plutôt incohérent. Une Meloni déjà bien installée au Palais Chigi, et donc en voie de transformation, qui lui a permis de se lier avec Ursula von der Leyen et le Cdu-Csu allemand (courant Weber), et pourtant aussi fièrement aux côtés d'Abascal que lorsqu'elle était encore dans l'opposition. Avec le recul, il est facile de reconnaître que ceux qui ressemblent le plus au gouvernement Meloni d'aujourd'hui sont les Populaires de Núñez Feijóo. Il n'est pas facile pour Meloni de se reconnaître comme l'expression italienne, dans une tonalité de droite modérée, du Parti populaire européen. En tout cas, pas avant les élections européennes de 2024. Plutôt que de bouleverser l'équilibre européen de l'année prochaine, tout porte à croire que l'objectif de Giorgia Meloni est de gagner un espace de sécurité dans l'establishment européen et de consolider son enracinement en Italie. Les événements de cette semaine, certes troublés par le résultat du vote espagnol, ne font que renforcer cette perspective. Ou cette ambition. D'abord la conférence sur les migrants et la relation avec l'Afrique, à laquelle la France n'a pas été invitée pour marquer la reprise de l'initiative autonome de l'Italie. Ensuite, la visite officielle à Washington, un moment crucial pour définir le profil international du gouvernement de centre-droit, y compris vis-à-vis de la Chine. »
EDITORIAL, A. Cazzullo, Corriere, « La défaite des souverainistes et les signaux lancés à l’Europe » - « Le résultat des élections [espagnoles] porte un coup à l'alliance possible entre le PPE et la droite à Bruxelles » : « Ça ne fonctionne pas. Du moins pas en Espagne, et probablement en Europe non plus. Les peuples des grands pays européens n'ont pas tellement envie d'être pris en étau entre les souverainistes et cette nouvelle version conservatrice et un peu sinistre des populaires. Parce qu'ils sont attachés aux droits et aux libertés. Et parce qu'ils savent, ou du moins sentent, que le souverainisme, c'est la fin de l'Europe ; et qu'à eux seuls, l'Espagne, la France et l'Allemagne ne comptent plus pour grand-chose dans le monde global. Le vent qui traverse l'Europe, de la Finlande à la Grèce, est un vent de droite, comme on le verra aussi en Hollande. Reste à savoir de quelle droite il s'agit ; chaque pays fait sa propre histoire. En Pologne, les Populaires de Tusk et les souverainistes de Kaczyski sont armés l'un contre l'autre. En Allemagne, le barrage d'Angela Merkel, qui a fixé une limite claire à la droite, a tenu pendant près de vingt ans et a gouverné avec les sociaux-démocrates pendant trois législatures sur quatre. Son successeur Friedrich Merz a ouvert la possibilité d'accords locaux avec Alternative für Deutschland (qui ne fait pas partie des conservateurs européens dirigés par Giorgia Meloni, mais du groupe de Salvini et Marine Le Pen) ; cependant, un gouvernement Cdu-Afd reste très improbable. En France, le populisme sombre de Le Pen et le populisme « rouge » de Mélenchon ne s'unissent pas, tandis que la droite républicaine et la gauche réformiste ont élu Macron à l'Élysée à deux reprises et trouveront quelqu'un d'autre dans quatre ans. En Italie, c'est différent : tout compte et nous n'avons peur de rien. La droite libérale, la droite post-fasciste et la droite fédéraliste (pour ne pas dire séparatiste) se sont unies en janvier 1993 et ont toujours conservé une majorité relative, à l'exception des rares occasions où elles se sont divisées. Pour comprendre comment cela s'est produit, on a peut-être trop parlé de l'héritage du fascisme, mis hors-jeu le 25 juillet 1943, et pas assez de celui du communisme, qui, en Italie, n'a baissé le drapeau qu'après l'effondrement du mur, dans un contexte de divisions, de pleurs et de films-documentaires : ce retard a également pénalisé la gauche et l'a condamnée à être presque toujours minoritaire. En Espagne, on parle moins de Franco qu'en Italie de Mussolini ; mais on en parle beaucoup plus que lorsque Franco venait de mourir. En juin, il est certain que l'Europe votera, toute l'Europe. Les conservateurs sont dans le jeu ; mais il est très peu probable que l'Union soit gouvernée par l'axe entre eux et les populaires, du moins tant qu'il y aura Macron à Paris et Scholz à Berlin. On ne peut pas diriger l'Europe sans les deux pays les plus importants, et encore moins sans Madrid. Enric Juliana, le plus cultivé des commentateurs espagnols, qui connaît bien l'Italie pour y avoir été correspondant, a titré hier son commentaire dans La Vanguardia : "L'Espagne freine la vague Meloni". Mais Giorgia Meloni doit être considérée comme vaincue si sa "vague" est bien celle, autarcique et morose, de Vox. Si c'est celle d'une droite pro-européenne et libérale, elle peut encore s'avérer être une longue vague. »
ENTRETIEN, La Repubblica, de Elly Schlein, secrétaire du Parti démocrate : « ''Les batailles du côté du peuple arrêteront les droites. Au sein du PD, il y a maintenant de l'espoir’’ » : « "Une nouvelle époque s'ouvre pour l'Europe, celle de l'espoir et du concret. Car nourrir les peurs n'est jamais un bon choix. Grâce au vote espagnol, la vague noire a été arrêtée. Désormais nous avons la preuve que cela est possible, lorsque la politique vise à résoudre les problèmes des gens. Cela a été possible à Madrid, ce sera à l'avenir possible à Bruxelles et à Rome. Sanchez a pu résister parce qu'il s'est occupé des droits et des besoins des citoyens : il s'est engagé en faveur du salaire minimum pour les travailleurs, il a limité le recours aux contrats à durée déterminée, il s'est attaqué sérieusement à l'urgence climatique, il a lutté contre l'inflation et la hausse des prix de l'énergie, tant pour les entreprises que pour les pauvres. En vue des élections européennes, le défi le plus important sera de reconstruire une relation de confiance avec tous ceux qui ont cessé de voter. Je m’intéresse en particulier à ceux qui ne croient plus que la politique puisse être un outil pour améliorer les conditions de vie. Cet été, nous militons sur au moins sept fronts. Le droit à la santé ; le droit au logement ; la question du travail, bien sûr, avec la proposition pour le salaire minimum ; l'urgence climatique ; un plan industriel pour gérer la transition ; la pleine mise en œuvre du PNNR ; la lutte contre l'autonomie différenciée de Calderoli qui risque de diviser irrémédiablement le pays. C'est sur ces points que nous essaierons de regagner la confiance des citoyens. Ce seront les défis avec lesquels nous affronterons les élections européennes. En parcourant le pays, au contact avec les électeurs, je perçois quelque chose de nouveau aujourd'hui, je sens que l'espoir renaît. Le PD est un parti pluriel et le restera. Les congrès servent à définir la ligne politique et non à supprimer le pluralisme interne. Nous sommes entourés de partis personnels liés au leader du jour. Le PD est le seul parti véritablement démocratique et pluriel, c'est notre force". »
PREMIER PLAN, La Stampa, de P. Baroni, « Le plan pour l’urgence chaleur au travail, nouveaux horaires, pas d’alcool et davantage de télétravail » : « Un ‘’nouveau protocole partagé’’ a fait l’objet d’une réunion à distance ce matin entre le ministre du Travail et le ministre de la Santé et sera proposé aux entreprises et aux syndicats. Il s’agit de fournir des indications plus précises afin de gérer les risques pour la santé encourus par les travailleurs exposés aux grandes chaleurs, qu’ils soient en intérieur ou, surtout, en extérieur. Le document porte sur l’évaluation des risques, le suivi sanitaire des travailleurs exposés, les stratégies préventives et de protection, et la réorganisation des activités, des tours et des horaires de travail. A ce stade, il est prévu que les entreprises veillent à ‘’éliminer ou réduire l’exposition directe des travailleurs aux températures élevées ou perçues comme telles’’ en mettant en place toute une série de mesures pour protéger les travailleurs. Ces derniers sont appelés, de même que leurs représentants syndicaux, à signaler l’absence de mesures ou le non-respect du dit protocole le cas échéant. Le document produit par le gouvernement souligne le risque sérieux pour les travailleurs représenté par les vagues de chaleurs. Pour les personnes travaillant en intérieur, les rythmes doivent être adaptés et les espaces ventilés et/ou climatisés. Pour les personnes travaillant en extérieur les mesures peuvent aller jusqu’au chômage partiel. »
ARTICLE, Il Corriere della Sera, M. Caprara, « L’appel de l’ONU sur le blé. Pour Sergio Mattarella, la décision de la Russie est déplorable » : « Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a présenté un bilan de l’état actuel du monde sur le plan alimentaire alors que se tient jusqu’à demain le sommet sur les systèmes alimentaires de l’Onu à Rome : ‘’plus de 780 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, alors que presque un tiers de toute la nourriture produite est perdue ou gaspillée. Plus de trois milliards de personnes ne peuvent pas se permettre d’avoir une alimentation saine. Deux milliards de personnes sont en surpoids ou obèse, et 462 millions sont en insuffisance pondérale’’. Avant la pandémie de Covid-19, la lutte contre la faim avait accompli des progrès. Mais l’objectif fixé en 2015 de l’éradiquer en 2030 s’éloigne. A l’ouverture de la session plénière du sommet organisé par le gouvernement italien et la FAO, le Programme alimentaire mondial et le Fonds international pour le développement agricole, Giorgia Meloni a signalé un problème parmi les plus urgents : ‘’la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a perturbé les prix mondiaux de l’énergie, contribuant à créer une vague d’inflation ; elle a eu un fort impact sur la distribution des céréales dans le monde et le retrait de la Russie de l’Initiative céréalière Mer Noire aggrave un peu plus la crise de la sécurité alimentaire dans le monde. Nous continuerons à soutenir chaque effort pour la reprise d’une initiative clé, nous exhortons la Russie à reconsidérer sa décision’’. L’appel a été ensuite repris par Antonio Guterres ; ‘’appel particulièrement important’’ estime Sergio Mattarella lors d’une rencontre au Quirinal avec le secrétaire général de l’ONU, précédé par le chef d’Etat tunisien Kaïs Saïed. Le président de la République italienne, habitué à mesurer ses paroles, a jugé « déplorable » la décision de la Russie. Il y a une semaine de cela, le Kremlin n’a pas renouvelé l’accord sur les céréales, qui permettait au blé ukrainien, grâce à la médiation de l’ONU et de la Turquie, d’être exporté en passant par la Mer Noire. Non seulement l’attaque russe de dimanche sur Odessa a fait monter le prix du blé, mais le président Vladimir Poutine a exprimé un des motifs du refus en vue du sommet Russie-Afrique : ‘’Notre pays est capable de remplacer le blé ukrainien tant sur une base commerciale que gratuite’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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