"Les suites de la rébellion du groupe Wagner en Russie."
26/06/2023
Italie. Revue de presse.
Les suites de la rébellion du groupe Wagner en Russie et les possibles retombées sur les équilibres au Kremlin dominent les gros titres « Mystère sur le sort du chef des rebelles russes » (Corriere della Sera), « La roulette russe » (La Repubblica), « Tajani (Forza Italia) : ''et maintenant faisons entrer l’Ukraine dans l’Otan'' » (La Stampa), « Putsch en Russie, Biden savait » (Il Messaggero), « Les risques et les inconnues pour les marchés après la révolte » (Sole 24 Ore), « Mystère sur le trésor du putsch, Prigojine a disparu des radars » (Il Giornale).
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, « Départ des tanks et fin des barbelés. Moscou prétend retourner à la normalité mais Poutine est plus seul » par Marco Imarisio : « En ce premier dimanche d'été, les seules personnes au travail sont les ouvriers qui descendent les dizaines d'affiches accrochées aux lampadaires de la perspective Leninskiy. “Patrie, honneur, sang, courage“. La nouvelle campagne de recrutement de la Brigade Wagner n'a plus de raison d'être. Si les hommes d'Evgenij Prigozhine avaient décidé d'aller jusqu'au bout, ils seraient entrés dans la ville par cette grande avenue qui relie l'autoroute au centre de la capitale. Plus tôt, à l'aube, nous avions vu quelques soldats de l'armée russe déplacer les chars qui rétrécissaient l'espace de la chaussée, enlevant aussi les sacs de sable et les barbelés mis en place pour les protéger. C'est vraiment fini. Les doutes sur un éventuel retournement de l'insurrection militaire disparaissent. Devant le ministère de la Défense deux soldats fument une cigarette devant l'unique camion de garde. La Douma semble sans surveillance. Les camions de l'armée qui, samedi, surveillaient Kitay Gorod, le quartier commerçant, ont abandonné leur poste pendant la nuit. Seule la place Rouge reste fermée, mais c'est devenu une habitude, depuis cet hiver elle est de plus en plus rarement ouverte au public. Ce qu'il reste de la marche de Wagner sur Moscou est impossible à voir à l'œil nu, mais on peut l'entendre. Malgré sa brièveté, l'insurrection a montré la vulnérabilité du système de pouvoir poutinien, frappant son cœur de force, sa charnière. Prigozhine a montré qu'en Russie, il est possible de conquérir une ville d'un million d'habitants comme Rostov sans tirer un seul coup de feu, puis d'arriver aux portes de Moscou sans rencontrer la moindre résistance. Le match nul sur lequel s'est achevée l'épreuve de force ne change rien à l'ampleur de cette blessure. Ce n'est pas un hasard si, hier après-midi, la première chaîne publique a diffusé des "images exclusives" de Poutine au Kremlin pendant le soulèvement, en fait des séquences de son discours prises dans un autre coin du studio, comme pour dissiper l'idée que le commandant en chef ne contrôlait pas totalement la situation. Immédiatement après, une courte interview a été diffusée, enregistrée le 21 juin, dans laquelle il déclare que sa journée "commence et se termine par l'opération militaire spéciale". Konstantin Malofeev, quant à lui, bénit la Vierge Marie de ne pas avoir plongé la Russie "dans l'abîme d'une guerre civile". Mais lorsqu'il passe aux remerciements terrestres, l'oligarque mystique qui a joué en 2014 un rôle majeur dans le financement des milices pro-russes du Donbass, aujourd'hui propriétaire du réseau Tsargrad devenu l'organe de référence de l'ultranationalisme, réunit dans la même phrase Poutine " pour la sagesse et le pardon de ceux qui ont péché " et Prigozhine avec ses " glorieux " héros de Wagner : " Pour le courage de savoir s'arrêter ". Des signes d'équidistance venant de personnalités insoupçonnées, qui montrent que les idées extrêmes du financier mercenaire des milices continueront à circuler d'une manière ou d'une autre dans la société russe, où elles sont désormais enracinées. Au coucher du soleil, l'enseignant de Tver s'apprête à remonter dans le bus. "Mais à votre avis, que peut-il se passer maintenant ?" demande-t-elle en regardant l'une des étoiles rouges qui coiffent les tours du Kremlin. Qui peut le dire ? »
Konstantin Malofeev
ENTRETIEN, La Stampa, d’Antonio Tajani (Forza Italia), ministre des affaires étrangères « La Russie sort affaiblie de cette crise mais nous ne sommes pas en guerre contre Moscou » : « La Russie est maintenant plus faible. Il y a des failles importantes qui ont fait surface dans son système militaire, qui avait le groupe Wagner comme fleuron. Je perçois une fissure au sein également de l’opinion publique russe et Poutine n’en sort pas renforcé. Je voudrais toutefois souligner une chose de manière très claire : nous ne sommes pas en guerre contre la Russie et en aucun moment nous n’avons soutenu le projet du groupe Wagner. Nous défendons l’indépendance de l’Ukraine, nous n’agissons pas pour intervenir en Russie. La situation était délicate et nous avons contacté les 5 300 citoyens italiens qui se trouvent en territoire russe. Tout le monde se porte bien. Q. Le Président américain Joe Biden a appelé les dirigeants de France, d’Allemagne et d’Angleterre mais pas l’Italie. Pourquoi ? Il y a une grande considération de la part des Etats-Unis. Nous avons participé au G7 avec Blinken, samedi, et ce dernier a fait l’éloge du travail du gouvernement et de la Présidente du Conseil Meloni lors de la conférence de presse. L’Italie est fondamentale pour l’unité du front européen et cela doit être rappelé à tous. Q. L’Italie continuera-t-elle à envoyer des armes en Ukraine ? Tant que leur indépendance est en péril, nous les aiderons. Nous verrons de quelle manière et dans quelle forme. Si nécessaire, même avec les armes, en informant comme toujours le Parlement. Q. L’aide de l’Italie pourrait ne plus prévoir l’envoi de matériel militaire… Nous sommes déjà en train de travailler pour la reconstruction, par exemple. Il n’y a pas que les aides militaires, il est possible d’envoyer des aides de type civil et stratégique. Q L’Italie pousse-t-elle pour que l’Ukraine entre dans l’Otan ? Il est encore trop tôt pour l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan ; il faut d’abord arriver à la paix, mais des premiers pas peuvent être faits vers une adhésion dès le sommet qui se tiendra à Vilnius en juillet, donnant vie au Conseil Otan-Ukraine, que l’Italie soutient avec conviction. Il est temps que la Russie comprenne qu’il faut se retirer de l’Ukraine, son l’opération éclair a échoué et maintenant on voit même des problèmes internes à la Russie. Cela devrait faire réfléchir les Russes’’[…] »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Guido Crosetto (Frères d’Italie), Ministre de la défense : "Moscou poursuit ses bombardements et l'Italie reste aux côtés de l'Ukraine. Il faut faire tout notre possible pour la diplomatie » : "En Russie, y a un affrontement entre des milices privées, qui se sont développées au fil du temps, et les forces armées. Il est difficile pour tout le monde de prédire l'issue et de comprendre la logique profonde, mais une chose est sûre : les événements ont révélé une faiblesse chronique de la Russie. Nous devons nous intéresser aux conséquences pour nous et pour l'Ukraine. Il est clair que la médiation est celle de Poutine, par l'intermédiaire de Loukachenko, mais même si son image est ternie, je me demande si une bête blessée est plus docile ou plus dangereuse. Car la guerre, même dans les dernières heures difficiles, ne s'est jamais arrêtée. C'est pourquoi, aujourd'hui plus encore qu'hier, l'Ukraine a besoin de notre aide, mais aussi de l'effort maximal de chacun pour une solution diplomatique. [S’agissant de la politique intérieure italienne] je ne ressens pas ces tensions terribles dont on parle, je ne les vis pas. Il y a des tiraillements, mais je serais inquiet si dans une majorité il n'y en avait pas. Ce sont des relations naturelles entre alliés. Sur le MES, nous sommes appelés à prendre une décision. Nous avions une position historique il y a quelques années, puis l'instrument a évolué. Nous devons discuter entre nous pour savoir dans quelle mesure l'Europe considère cet instrument comme nécessaire et comment nous, au centre-droit, le voyons en tant que coalition et en tant que gouvernement. Nous devons raisonner sur les avantages et les inconvénients, sans préjugés. C'est pourquoi il faut s'asseoir et raisonner : le ministre Giorgetti est meilleur que les meilleurs ministres européens, il connaît les choses, les risques réels, et c'est à lui d'expliquer son idée à la majorité et d'indiquer le chemin qu'il croit être le bon. Sur la ministre Santanchè, c’est monté en épingle par les médias, c’est agaçant. Il y a un système en place ici pour nuire au gouvernement. Il y a un dossier (presque toujours inventé) qui attend tous ceux qui, en Italie, ont un peu de pouvoir, c'est arrivé à Renzi et à beaucoup d'autres, de tous les partis. Jusqu'à ce que la politique comprenne que ceux qui ont le pouvoir d'entrer dans la vie des gens doivent avoir des contrôles, des blocages, des règles strictes. Sur les européennes, je pense qu'un rapprochement entre les Populaires et les Conservateurs d'une part et les Progressistes et les Socialistes d'autre part peut donner un nouveau souffle à un système coincé dans une alliance PPE-PSE qui a créé trop de groupes de pouvoir intouchables et complètement détachés du monde réel, comme le montre la décision sur les voitures électriques qui ne favorise que la Chine. Il est temps de passer à une véritable alternance. Et de recommencer à représenter ce qu'une société en mutation exige de nous". »
ARTICLE, Corriere della Sera, « MES : le défi du gouvernement dans les négociations avec Bruxelles » par Mario Sensini : « Le problème n'est plus de savoir si, mais quand et surtout comment. Le gouvernement semble désormais disposé à donner son feu vert au Mécanisme européen de stabilité (MES), approuvé par les gouvernements en 2019 et déjà ratifié par tous les autres pays, et vise désormais ouvertement un compromis avec l'Union européenne et ses alliés. Mais en liant la discussion à celle de la réforme du Pacte de stabilité pour contrôler les comptes publics, l'achèvement de l'union bancaire avec le Fonds d'assurance des dépôts et aussi le régime des aides d'État. La mesure de ratification, quant à elle, n'arrivera pas à la Chambre des députés le 30 juin, comme prévu. "Je ne comprends pas pourquoi nous devrions mettre les Italiens en cage pour sauver les banques de ceux qui se trouvent à des centaines de kilomètres d'ici", a déclaré hier le chef de file de la Ligue, Matteo Salvini, en déplaçant l'attention du MES vers d'autres réformes. Le ministre de l'économie, Giancarlo Giorgetti (Ligue), a déjà fait savoir au Conseil Ecofin que l'Italie considère que les exigences en matière de capital qui pèseraient sur les petites banques sont trop strictes, et qu'elle craint une trop grande discrétion dans l'activation du Mécanisme de résolution unique pour les renflouements, un système de dernier recours qui serait couvert précisément par les ressources financières du MES. Surtout, l'Italie demande que le système européen d'assurance des dépôts, le troisième pilier (avec le mécanisme de surveillance et le SGR) de l'Union bancaire, le seul qui n'a jamais été mis en œuvre, soit enfin activé. Un front ouvert depuis au moins quinze ans, qui se heurte toutefois à l'insurmontable désaccord, récemment réitéré, de l'Allemagne. Sur ce dossier comme sur le pacte de stabilité, l’Italie considère qu’elle ne doit plus subir passivement une médecine plus ou moins amère, mais partager et définir avec la Commission les chiffres qui sont à la base des plans et des estimations de l'évolution économique. Avec une plus grande flexibilité car les plans nationaux quadriennaux qui devront être approuvés pour garantir le retour des comptes publics, selon la proposition actuelle de la Commission, ne pourront pas être modifiés même en cas de changement de gouvernement. Je préfère que la dette publique reste entre les mains des Italiens et non des spéculateurs étrangers qui font ensuite leurs propres affaires avec l'argent des Italiens", a encore déclaré M. Salvini hier, peut-être pas par hasard. »
ARTICLE, la Stampa, Federico Capurso, « Santanchè, l’heure de vérité » : « La ministre du tourisme, Daniela Santanchè (Frères d’Italie), tente de reprendre son souffle, tandis que les enquêtes journalistiques et judiciaires à Milan braquent les projecteurs sur la gestion aventureuse de ses entreprises. Les deux chefs de groupe de la Chambre et du Sénat du Mouvement 5 étoiles ont formellement déposé au Parlement une demande d'information urgente auprès de la ministre de Fratelli d'Italia sur les "faits graves qui ont émergé de l'enquête journalistique de l’émission Report". Elle a fait savoir qu'elle était disponible. Le rendez-vous sera vraisemblablement fixé à jeudi 30 juin. La secrétaire du Pd, Elly Schlein, souhaite obtenir des réponses sur la dette de 2,7 millions d'euros qu'elle doit à l'État et sur laquelle le Pd a aussi posé une question au gouvernement. Schlein demande : "Comment un ministre peut-il avoir une dette envers l'État ? Comment peut-elle ne pas répondre au sujet des employés non payés, ou des employés qui ont été licenciés sans indemnité de départ, alors que les membres du conseil d'administration de cette société, y compris elle-même, encaissaient leurs somptueuses indemnités ? Nous l'attendons dans l'hémicycle". Les propres membres du parti de Santanchè estiment que cette affaire embarrassante leur porte surtout préjudice car leur travail parlementaire est paralysé par l'attention médiatique que la ministre attire malgré elle. Matteo Renzi n’a pas condamné la ministre en disant ne pas vouloir s’attaquer à un sujet qui n'est pas politique. "Mais les Renzistes n'étaient-ils pas, au moins en théorie, dans l'opposition ?", se demande-t-on au Pd, où l'on rappelle que Visibilia, l'une des sociétés gérées par Santanchè, est aussi le concessionnaire publicitaire exclusif du Riformista, le quotidien dirigé par Renzi. Quant à l’opposition, elle attend l’intervention de la ministre à la Chambre et continue à demander sa démission, mais ne compte pas déposer de motion de défiance car si la tentative de renversement échoue, la majorité – et la ministre – pourraient être renforcées. Tout au plus peut-on aller jusqu'à une collecte de signatures en ligne pour demander sa démission, comme le font les Verts. »
Daniela Santanchè
ENTRETIEN, Libero, d’Adolfo Urso (Frères d’Italie), ministre des entreprises et du Made in Italy « Avec la France et l’Allemagne les choses changent » : « Aujourd’hui nous assisterons à la réunion trilatérale Italie-Allemagne-France sur la politique industrielle, qui marque un tournant en Europe. Jusque-là, les décisions étaient prises par le duo franco-allemand. Maintenant, le nouveau format reconnait le rôle plus important du point de vue politique, économique et stratégique de l’Italie. Cette réunion trilatérale portera sur les terres rares et les minéraux précieux, des matières premières fondamentales pour l’autonomie stratégique du continent. Elle se tient quelques jours avant que la Commission présente ses objectifs et ses modalités en la matière. Le même format sera répété en Italie et en France sur la technologie numérique et sur la technologie verte. Ces derniers mois, nous avons activé avec le ministre Pichetto [environnement et sécurité énergétique, ndlr.] un format de discussion pour faire le point sur les ressources en minéraux en Italie, dont le dernier rapport date de 1973. Il y a des gisements qui sont fermés depuis des décennies et qui se trouvent principalement en Ligurie, en Toscane, en Campanie, en Sardaigne, sur la zone alpine et dans des zones protégées. Nous avons le plus important gisement de cobalt en Europe. Nous avons aussi des gisements de titane, de manganèse et de lithium. L’Europe a compris l’importance des terres rares. L’Italie en est riche et nous avons le devoir moral de travailler sur ces matières premières sur notre territoire. L’Italie, la France et l’Allemagne représentent 55% du PIB manufacturier en Europe et, ensemble, nous représentons la troisième puissance manufacturière mondiale, juste derrière les Etats-Unis et la Chine. Notre initiative peut jeter les bases pour une politique industrielle européenne et stimuler l’action des institutions de l’UE. Concernant le secteur automobile, l’Italie produit beaucoup moins de voitures par rapport à la France et à l’Allemagne. Nous sommes le pays avec le rapport le plus bas entre véhicules produits et immatriculations ; il faut donc préserver notre filière et invertir la tendance. Nous misons sur un accord de transition d’ici la fin de juillet avec Stellantis prévoyant une augmentation significative du nombre général de véhicules produits sur notre sol et surtout des modèles technologiquement durables. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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