"Meloni demande à Michel un fonds souverain et l’unité sur la question migratoire."
31/01/2023
Italie. Revue de presse.
Le transfert pour des raisons de santé de l’anarchiste A. Cospito dans une prison de Milan, ainsi que le débat sur le régime d’isolement strict fait les gros titres de la presse italienne « Cospito transféré tout en restant en régime d’isolement » - Après cent jours de grève de la faim, l’anarchiste a été transféré de Sassari à Milan. Nordio (Frères d'Italie) : sa santé est préservée (Corriere della Sera), « Cospito défie le gouvernement : stop au régime d’isolement pour tous ceux qui y sont soumis » - L’anarchiste est déterminé à continuer sa grève de la faim, mais le gouvernement ne cède pas et laisse la magistrature décider de son sort (La Repubblica), « Cospito transféré à Milan. Nordio refuse de modifier le régime de mise à l’isolement (La Stampa). La visite à Rome du Président du Conseil Européen Charles Michel est aussi citée « Meloni demande à Michel un fonds souverain et l’unité sur la question migratoire » (Corriere della Sera), « Meloni fait pression sur l’UE pour des aides en commun » (Il Messaggero, Sole 24 Ore). Enfin, les quotidiens Il Messaggero et Il Mattino titrent en Une sur la réforme de l’autonomie régionale : « Meloni assure qu’il y aura les mêmes niveaux de prestation dans toute l’Italie » - La Présidente du Conseil relance le thème de l’unité du pays, en s’opposant à l’idée de régions de série A et de série B, mais le projet de réforme de Calderoli (Ligue) ignore les niveaux minimum de prestation.
Roberto Calderoli
ANALYSE, La Repubblica, de G. Foschini et F. Tonacci, « A travers une série d’erreurs et de retards, l’Etat italien a fait [du détenu anarchiste Alfredo Cospito] un symbole » : « Au cours de ces derniers jours marqués par une forte tension et plusieurs attaques attribuées à la mouvance anarchiste, il y a eu un moment où la Présidence du Conseil et le ministère de la Justice ont eu vraiment peur. La prison de Sassari (Sardaigne) venait d’informer que le détenu anarchiste de 55 ans Alfredo Cospito avait perdu connaissance après une grève de la faim. ‘’On ne sait pas combien de temps il pourra encore tenir comme ça, dans ces conditions et soumis au régime 41-bis [régime d’isolement strict]’’ avaient déclaré les agents pénitentiaires. Rome s’est alors demandée comment le point de non-retour avait ainsi pu être frôlé. Le détenu a été condamné avec la circonstance aggravante de terrorisme pour plusieurs attaques contre des forces de l’ordre sans causer de victime, et pour avoir blessé par balle un ingénieur et dirigeant du nucléaire. Beaucoup jugent qu’il s’agit d’un cas de justice mal rendue et, pour tous, un cas à l’épilogue potentiellement désastreux. Cospito avait entrepris une grève de la faim en octobre, alors que la prison de haute sécurité dans laquelle il se trouvait ne pouvait pas le prendre en charge dans cette situation. A l’époque, l’investiture du gouvernement était imminente et les autorités régionales et le département national de l’administration pénitentiaire avaient chacun commencé à se renvoyer la responsabilité. Dès lors, rien n’avait été fait pour mieux prendre en charge le détenu. La question du régime d’isolement est complexe. Le Garde des Sceaux Carlo Nordio a été saisi afin de révoquer le régime le plus dur d’emprisonnement pour ce détenu à la lumière de nouveaux éléments et de décisions ayant fait jurisprudence en matière de délit d’association terroriste. Là aussi, les semaines ont passé sans que rien ne soit fait et ‘’un homme risque de mourir alors qu’il se trouve sous la responsabilité de l’Etat’’ déclarent des sources connaissant le dossier. »
Carlo Nordio
PREMIER PLAN, La Repubblica, « Sur la question de l’autonomie, le dernier mot revient à la Présidente du Conseil ; voici la réforme portée par la Ligue » : « Une commission paritaire entre l’Etat et les Régions sera chargée de définir les ressources attribuées à chaque administration locale, les ‘’niveaux essentiels de prestations’’ seront définis par décrets par la Présidente du Conseil et le tout ne devra engager aucun nouveau frais dans le budget de l’Etat. Les éventuelles nouvelles fonctions et compétences locales seront décidées dans un second temps. Le projet de réforme de l’autonomie différenciée des régions sera présenté aujourd’hui en pré-Conseil des ministres par la Ligue par le ministre des Affaires régionales Calderoli. Le texte attribue un rôle central à la Présidente du Conseil puisque l’attribution de nouvelles fonctions et des ressources humaines matérielles et financières qui en découlent dépendront de ces fameux niveaux essentiels de prestation. Ce n’est pas anodin puisque le débat animé des dernières semaines portaient notamment sur le rôle du Parlement dans la définition de ces niveaux essentiels de prestation. Chacune des régions devra passer son propre accord avec l’Etat, pour une durée ‘’qui ne dépassera pas dix ans’’. Mais le processus ne sera pas simple ni même court. ‘’Nous ne nous résignons pas à l’idée qu’il puisse y avoir des citoyens, des services, des territoires, de première et de seconde classe : nous voulons une seule Italie avec des services et des droits égaux pour tous’’ a souligné Giorgia Meloni. Devant un parterre de 7 000 maires et le Président de la République Sergio Mattarella, la Présidente du Conseil se veut rassurante sur sa volonté et celle de son gouvernement ‘’d’unir le pays’’. C’est un message adressé à la Ligue et au ministre Calderoli, l’auteur de ce projet qui pousse un peu plus loin le régionalisme italien. La Ligue s’empresse de répondre à l’unisson revendiquant les mêmes intentions au nom de ‘’l’efficience et de l’autonomie’’. La Présidente se veut la garante de l’équilibre constitutionnel dans une intervention délicate et fait barrage aux points les plus radicaux de la réforme voulue par les léghistes. Fratelli d’Italia est confiant quant au fait que le texte a été bien édulcoré par rapport aux prévisions initiales. Mais cela ne suffit pas à apaiser toutes les craintes. »
affiche de la Ligue durant l'été 2022 : Luca Zaia et Matteo Salvini
ARTICLE, La Repubblica, T. Ciriaco « Meloni plaide pour un nouveau fonds européen mais le soutien de Michel ne suffira pas » : « L’entrevue avec Charles Michel pemet à Giorgia Meloni d’éclaircir deux points fondamentaux des négociations avec Bruxelles. Tout d’abord, il existe un large front européen qui fait pression pour activer dans l’immédiat un fonds souverain européen pouvant assurer également aux Etats ayant une dette publique importante un soutien à leurs entreprises et en assurer la compétitivité. Ensuite, cette perspective plait aussi à Paris, mais elle est entravée par Berlin (qui est concentrée sur les aides d’Etat nationales) et ne verra le jour que dans plusieurs mois. Des délais qui inquiètent le Palais Chigi. L’idée d’élargir le SURE est elle aussi écartée. Sur quoi Rome peut-elle alors espérer ? Sur une plus grande liberté de modulation des fonds de cohésion et du Plan de relance, de manière à libérer les ressources dans des temps assez brefs. C’est un dossier sur lequel le ministre pour l’Europe Fitto a beaucoup travaillé et qui représente la seule vraie avancée dans un scénario pas très favorable à l’Italie. Charles Michel confirme sa prise de distance avec von der Leyen et épouse la position française, qui n’est pas trop loin de celle de l’Italie. C’est un élément qui rend une visite de Meloni à l’Elysée possible (mais pas encore confirmée) avant le sommet européen. Michel déclare à l’issue de la rencontre : ‘’Nous sommes bien conscients que l’Europe doit protéger ses entreprises avec courage en assurant une parité de conditions pour tous les Etats membres’’. C’est ce que Rome demande ouvertement. Or, Scholz préfère repousser cela en été, comme le confirme le projet du document de la Commission en vue du sommet. Cela malgré les pressions de Meloni pour qu’on ne se limite pas à un relâchement des conditions d’aides d’Etat qui ne favoriserait que l’Allemagne et les pays ayant une petite dette. A ce stade, Meloni devra se contenter d’une plus grande flexibilité sur les fonds existants. A moins d’une avancée dans les dix prochains jours, le bilan du prochain Conseil européen sera bien maigre. Quant au fonds européen, il ne verra le jour que s’il est possible de persuader Berlin qu’un marché unique peu compétitif est nuisible aussi à l’Allemagne. »
Charles Michel et Giorgia Meloni
ARTICLE, Il Foglio, D. Canettieri « L’entente Meloni-Michel sur les migrants et les aides, entre Paris et l’après Ursula » : « Lors du point de presse au Palais Chigi, plusieurs au sein du gouvernement sont restés surpris en se demandant ‘’mais, ils ont échangé leur discours ?’’ En effet, Michel s’est empressé à déclarer ‘’les frontières de l’Italie sont les frontières de l’UE et il faut donc une mobilisation communautaire’’. Il manquait juste qu’il cite le « Plan Mattei » en Afrique de Meloni. Une chose est claire : Michel n’hésite pas de répéter la nécessité de coopération avec les pays africains, en soulignant que ‘’les rapatriements et les admissions ne sont pas suffisants’’. Cette entente regarde vers Paris, et donc à la visite que la Présidente du Conseil devrait faire à Emmanuel Macron dans les prochains jours, avant ou après le Conseil Européen. Certains croient voir, derrière cette harmonie, des ententes pouvant regarder le futur de la Commission, quand en 2024 Ursula von der Leyen terminera son mandat qui tient par l’accord vacillant Ppe-Pse. Les propos de Michel semblent dessiner le chemin d’une revendication italienne le soir où le Conseil Européen devra trancher. Même histoire pour la réponse au plan anti-inflation du Président Biden. L’hypothèse d’un fonds pour la souveraineté européenne avant l’été pourrait se concrétiser. Meloni insiste sur un plan pouvant protéger les entreprises mais avec des conditions équitables pour tous les pays membres. Michel semble être sur la même ligne. Les deux sont aux prises avec les résistances allemandes à l’idée d’un SURE-bis pour l’énergie. Au Palais Chigi, on tient à souligner ‘’vous voyez ? Petit à petit…’’. La stratégie de Meloni est d’ailleurs toujours la même : donner l’impression de ne pas être isolée tout en évitant de trop se plier aux logiques qu’elle a toujours critiquées. Dans le Grand Tour que Meloni va faire ces jours-ci (Suède, Allemagne) manque l’Elysée. Au gouvernement, on n’exclut pas une visite imminente, à condition qu’elle serve à la cause. Le déjeuner avec Michel, pour plusieurs, doit être vu dans cette perspective : celle d’un pont vers Macron. »
PREMIER PLAN, Messaggero, de F. Malfetano, “Visite à Olaf Scholz, ‘’il faut que Berlin fasse preuve de solidarité’’ ; négociation sur la question des migrants » : « ‘’Aligner les agendas’’ et ‘’expliquer à Berlin qu’elle ne peut pas ne penser qu’à elle’’. Ce sont les objectifs de la visite de la Présidente du Conseil italienne qui se rendra vendredi en Suède puis en Allemagne, en vue du Conseil européen des 9 et 10 février. Il s’agit de convaincre ses interlocuteurs de sa bonne disposition et d’expliquer la position de l’Italie sur les aides européennes et les migrants. Ou encore ‘’que l’Europe a besoin d’être unie et que l’Italie a retrouvé un rôle d’acteur de premier plan’’ disent des sources au sommet de l’exécutif. Giorgia Meloni travaille au dialogue avec tout le monde, même avec les ‘’frugaux’’ et la colère provoquée par le soutien exprimé ouvertement par Scholz à Enrico Letta lors de la campagne électorale semble oubliée. Elle entend convaincre le chancelier allemand d’adhérer à la proposition d’Ursula von der Leyen pour la création d’un fonds souverain européen afin d’accélérer la transition verte et répondre au plan massif anti-inflation des Etats-Unis. Elle entend relancer la compétitivité de nos entreprises grâce à des nouveaux fonds communautaires dédiés et augmenter la flexibilité des ressources déjà en place (Plan de Relance notamment). Le Palais Chigi attire en revanche l’attention sur le risque ‘’de distorsion et d’affaiblissement du marché interne’’ que causerait un assouplissement des règles sur les aides publiques. L’autre volet portera sur la Méditerranée : Giorgia Meloni demandera à nouveau une révision complète de la politique migratoire de l’Union. Lors des réunions européennes elle demandera une ‘’action conjointe, efficace et rapide’’ sur les rapatriements de migrants irréguliers. Meloni est assez ferme sur sa position et souhaite le dépassement réel des accords de Dublin. Elle préfère largement le Plan d’Action sur la Méditerranée centrale en 20 points annoncé par la Commission européenne en novembre et qui semble paralysé depuis le début de la présidence suédoise de l’UE. Une entrée en vigueur dans de brefs délais semble peu probable. La Présidence du Conseil est plutôt optimiste, notamment parce qu’en juin la présidence tournante passera à l’Espagne, plus intéressée par la question. En extrême recours, une action solitaire de l’Italie pourrait être envisagée. Les récents accords avec la Libye peuvent être vus comme une démonstration quant à la ‘’collaboration’’ qui peut facilement être établie avec les pays d’Afrique du Nord. »
Mateusz Morawiecki
ENTRETIEN avec Katalin Novák, Corriere, M. S. Natale, « La Hongrie est avec Kiev, nous ne voulons pas la Russie. Meloni ? Une amie » : « Pour son premier interview à un journal étranger, depuis qu’elle est devenue en 2022 à 44 ans la première femme et la plus jeune présidente de la République hongroise, Katalin Novák expose sa vision du monde depuis la Hongrie d’Orbán. Très proche du leader souverainiste, déjà numéro 2 du parti et ministre de la Famille, elle se définit chrétienne, conservatrice, fière de représenter sa patrie, et amie de Giorgia Meloni. Aujourd’hui elle rencontre le président Mattarella à Rome. Presqu’un an après le début de la guerre en Ukraine, la Hongrie s’oppose aux sanctions contre la Russie et à l’envoi d’aides militaires à Kiev, mais ne met pas son veto sur les décisions de l’UE. Quels sont les objectifs et propositions de Budapest ? La question est de savoir comment arrêter l’agression russe en évitant une troisième guerre mondiale. Notre objectif est un cessez-le-feu immédiat. Nous sommes dans le camp des Ukrainiens, nous sommes en train de les aider au-delà de nos forces, un million de réfugiés sont arrivés en Hongrie. L’Europe ? Je crois que c’est juste de dire avec fermeté : assez ! Poutine a franchi le Rubicon. Quant aux moyens, il y a et il doit y avoir des différences entre les pays. Nos possibilités sont aussi différentes. Qu’est-ce qui doit prévaloir : l’unité ou la liberté d’affirmer les intérêts de chacun ? Je ne vois pas de contradiction. Le défi pour l’Europe est de trouver l’unité en acceptant que nos cultures soient diverses et similaires. La base commune se trouve dans les racines judéo-chrétiennes. L’UE peut encore être un succès, si nous parvenons à prendre des décisions communes et unanimes. A quel point les relations avec la Russie de Poutine comptent-elles ? Existe-t-il un Russie de Poutine ? Pour moi il y a seulement la Russie qui est dirigée par Vladimir Poutine. La Russie était, est et sera. La même chose vaut pour la Hongrie et pour les relations entre les deux pays. Actuellement Moscou nous fournit 55 % des besoins de pétrole et 80 % du gaz. Nous sommes en train de travailler pour réduire substantiellement cette dépendance au plus vite. Quand un pays souverain est sous attaque armée nous ne pouvons pas demeurer silencieux. Le souvenir de l’impérialisme et du pouvoir soviétique est encore trop vif. Nous ne les avons pas voulus en 1956, nous ne les avons pas voulus en 1989 et nous ne les voudrions pas non plus aujourd’hui. Les rapports avec le gouvernement italien et la première ministre Meloni ? Aujourd’hui l’Italie a un gouvernement patriote, nous sommes heureux de travailler avec des leaders qui défendent les intérêts de leur nation et avec qui il est possible de parler avec un respect réciproque. Avec Giorgia Meloni nous sommes amis depuis des années. Je la connais comme une personne forte, avec des valeurs conservatrices, ouverte au monde, qui aurait donné sa vie pour la Patrie. Une personne de parole et fiable. De nombreux pays, comme l’Italie, demandent davantage de coopération dans l’accueil des migrants. Désormais la position de la Hongrie est quasi-universelle. L’UE a besoin de frontières fortes à l’extérieur et ouvertes à l’intérieur. Il faut aider les réfugiés, éliminer les causes de leur départ, renvoyer ceux qui arrivent de manière irrégulière, et limiter le nombre de migrants économiques qui arrivent de manière légale. Et accepter les idées différentes. Il ne peut y avoir d’obligations. L’UE vous a sanctionné sur l’État de droit. Comment procéderez-vous avec les réformes ? Nous sommes dans l’Union depuis 19 ans, nous avons appris les mécanismes et les règles. Nous prétendons aux mêmes pleins droits que les citoyens de n’importe quel autre pays. Une place à la table de Bruxelles. Et la souveraineté à Budapest. La Hongrie est un Etat de droit démocratique. Personne jusqu’à ce jour n’a réussi à démontrer le contraire. J'espère que ce bras de fer indigne prendra fin le plus rapidement possible. Vous avez été ministre de la famille. La proposition hongroise sur la natalité ? Le plus d’enfants on a, le moins d’impôts on paye. Une femme avec au moins quatre enfants ne payera jamais plus l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Comment répondez-vous à l’accusation que la Hongrie discrimine les femmes et les personnes LGBTQ+ ? En Hongrie tout le monde peut vivre librement, les lois protègent aussi les minorités sexuelles. Les valeurs familiales traditionnelles sont protégées par la Constitution : le père est un homme, la mère est une femme, et le mariage est une union d’amour entre un homme et une femme. »
Katalin Novák
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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