"Arrestation du chef de la mafia sicilienne Matteo Messina Denaro, recherché depuis trente ans."
17/01/2023
Italie. Revue de presse.
L’arrestation du chef de la mafia sicilienne Matteo Messina Denaro, recherché depuis trente ans, domine largement les Unes de la presse italienne. La presse souligne la fin de la fuite d’un des plus dangereux « parrains » siciliens, auteur de plusieurs assassinats et principal commanditaire de la mort du juge Giovanni Falcone, ainsi que le succès de l’Etat sur la mafia sicilienne. « Le parrain des massacres a été arrêté » (Corriere della Sera), « Le dernier des assassins » (La Repubblica), « Le dernier Parrain » (La Stampa), « Le Parrain des massacres » (Il Messaggero). Le décès de l’icône du cinéma italien Gina Lollobrigida est aussi cité avec couverture photographique en Une « Adieu à Lollobrigida, la merveilleuse » (Corriere, Repubblica, Messaggero). Enfin, le quotidien économique Sole 24 Ore titre en Une sur la démission du Ceo de Vivendi A. de Puyfontaine du Conseil d’administration de Telecom Italia « Telecom, énième déchirure de la part de Vivendi » - L’actionnaire français veut une rupture avec le passé et avoir les mains libres sur le réseau ».
Les JT couvrent essentiellement la découverte de la planque du chef de Cosa Nostra arrêté hier à Palerme, les déclarations du président de la République Sergio Mattarella, de la Présidente du Conseil Giorgia Meloni et de plusieurs hommes politiques évoquant une ‘’journée historique’’ suite à l’arrestation du chef mafieux, le ralentissement de la croissance économique et démographique en Chine, et la disparition de l’actrice italienne Gina Lollobrigida.
COMMENTAIRE, Repubblica, C.Bonini, « La manifestation d'une victoire » : « La capture de Matteo Messina Denaro, qui avait été présenté par Toto Riina comme son dauphin, montre l’extraordinaire résilience des magistrats et agents de police qui n’ont jamais arrêté leur travail. L’enquête s'est heurtée à cette bourgeoise mafieuse qui, profitant d'une rente foncière, se situait dans une zone grise entre connivence consentie et distraite. Pour comprendre leur poids, de rappeler que Messina Denaro a grandi sur les terrains de la famille de Staiti d'Ali et que son frère Salvatore avait travaillé dans leur banque sicilienne, tandis qu’Antonio d'Ali fut désigné par Berlusconi sous-secrétaire à l’Intérieur. Ainsi pendant trente ans, et comme cela avait été le cas avant pour Toto Riina et Bernardo Provenzano, Matteo Messina Denaro a pu jouir de réseaux de complicité, de connivences, d’intérêts partagés. Un réseau capable de supporter au fil des années le poids de plus d'une centaine d'arrestations. La magistrate Teresa Principato a déclaré à la Repubblica que "chaque fois que nous étions proches du fugitif il se passait toujours quelque chose. Il y avait des informations qui d'une manière ou d'une autre fuitaient. Il se passait toujours des choses bizarres dans notre enquête. La vérité est que nous sommes face à un grand fugitif de la mafia qui a un rapport fort avec les réseaux maçonniques et la politique." Matteo Messina Denaro serait aussi le gardien des archives que Toto Riina avait pu faire disparaître après son arrestation en raison des défaillances des perquisitions de son domicile. Y compris le fameux papier qui contient les demandes de la mafia à l’État pour l'arrêt de l'escalade des violences dans les années 1990. Girogia Meloni a aussi pu, par sa rhétorique, transformer un jour important de la lutte anti-mafia en un chapitre de son récit politique. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de C. Reale, « ‘’Le bien l’emporte sur le mal’’, mais certaines zones d’ombre continuent à peser sur les institutions siciliennes » : « Hier, à Palerme, la Présidente du Conseil Giorgia Meloni a invité toutes les forces politiques à ‘’ne pas faire de la lutte anti-mafia un sujet de division afin de ne pas rendre service au crime organisé’’. De l’autre côté, les institutions siciliennes viennent de passer une année sous le signe d’un retour en politique des ‘’imprésentables’’, c’est-à-dire d’anciens hommes de pouvoir éloignés et condamnés pour leurs liens – présumés ou avérés – avec la mafia. L’ancien Président de la région, Totò Cuffaro, a ainsi passé cinq années en prison avant de fonder son propre parti et de faire son retour à l’Assemblée régionale l’année dernière. L’ancien bras droit de Silvio Berlsuconi, Marcello dell’Utri, lui aussi condamné, s’est taillé un rôle de poids dans la désignation des figures politiques. Par exemple l’été dernier, lors des élections administratives à Palerme, la droite tournait à vide et ce sont précisément Cuffaro et dell’Utri qui ont pesé en faveur de Roberto Lagalla ensuite élu maire de Palerme, et ce malgré plusieurs polémiques ayant secoué sa campagne. La veille du vote, deux candidats figurant sur les listes de Forza Italia et Fratelli d’Italia et qui l’avaient soutenu, ont été incarcérés pour avoir demandé leur aval à plusieurs chefs mafieux. Une situation similaire s’est produite plus tard pour la Présidence de la région Sicile remportée par Renato Schifani, lui aussi candidat choisi avec les faveurs de Cuffaro et Dell’Utri. Pourtant, l’ancien Président du Sénat, poursuivi pour révélations d’informations confidentielles dans le cadre de l’affaire Montante, a largement remporté les élections malgré des soutiens quelque peu encombrants. Hier, les commentaires des deux élus, Schifani et Lagalla, étaient évidemment très enthousiastes, évoquant ‘’la grande victoire de l’Etat sur la mafia’’ ou encore celle du ‘’bien contre le mal’’. C’est dans cette atmosphère que le président de l’organisation Anti-mafia de la région Sicile, le démocrate Antonello Cracolici, a souhaité célébrer ce moment, ‘’sans divisions’’, avec tous les députés de la Commission. Malgré tout, l’année qui vient de s’écouler a été vécue dangereusement par la politique sicilienne et de nombreuses zones d’ombre persistent, que ce monde politique doit encore éclaircir. »
Giorgia Meloni rend hommage à Palerme au juge Falcone assassiné en 1992 par la mafia.
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco et E. Lauria, « ‘’Aucune négociation [avec la mafia]’’ affirme Giorgia Meloni, mais l’affaire sur les écoutes téléphoniques éclate » : « Deux heures après l’arrestation de Matteo Messina Denaro, Giorgia Meloni atterrissait hier à l’aéroport de Palerme pour une journée d’hommage aux victimes de la mafia, de satisfaction et de célébrations. Mais les attaques et les soupçons visant le gouvernement ne manquent pas. Des polémiques circulent notamment sur les circonstances ayant permis l’arrestation de ce ‘’super-fugitif’’ et une présumée médiation entre l’Etat et la mafia. ‘’Cela voudrait donc dire que nous n’avons pas de juges et de forces de l’ordre qui soient à la hauteur pour vaincre la mafia ? », s’agace Giorgia Meloni. ‘’C’est une thèse que je ne soutiendrai jamais, nous n’avons pas besoin de nous mettre d’accord avec les mafieux pour les vaincre’’ insiste-t-elle préférant mettre en avant ‘’le mérite et les compétences’’ des enquêteurs. Elle félicite les juges et les carabiniers affirmant qu’ils peuvent ‘’compter sur le gouvernement pour mener ensemble cette bataille’’. L’événement permet à la Présidente du Conseil d’effacer quelques faux pas politiques récents et de revendiquer notamment le choix de son gouvernement sur la prison à vie sans conditionnelle pour les coupables de crimes mafieux, la peine la plus dure. Elle annonce qu’elle proposera officiellement de faire du 16 janvier ‘’une journée de célébration des hommes et des femmes qui ont permis de faire avancer la lutte contre la mafia’’. L’exécutif a par ailleurs confié au Garde des Sceaux une réforme de la justice selon laquelle le recours aux écoutes téléphoniques ne serait bien plus restreint qu’à l’heure actuelle, hormis pour les délits mafieux et de terrorisme. Une hypothèse qui a déjà provoqué des tensions avec la profession. Le procureur de Palerme, Maurizio De Lucia, est revenu sur la question hier lors de la conférence de presse sur l’arrestation de Messina, ‘’sans les écoutes on ne peut pas mener d’enquête sur la mafia’’ a-t-il affirmé. Une prise de position qui ne laisse pas la Présidente du Conseil indifférente, elle rappelle que ‘’pour ce genre de délits personne n’a jamais remis en question le recours aux écoutes téléphoniques’’. Le soir, à la télévision, Giorgia Meloni revendique à nouveau le mérite de cette victoire, donnant une dimension politique au fruit de plusieurs décennies de travail, ‘’plusieurs dirigeants internationaux m’ont écrit, c’est une victoire que le monde entier reconnait, sauf une partie de l’opposition’’. »
ENTRETIEN, Libero, de Matteo Piantedosi, ministre de l’Intérieur italien « ‘’C’est la victoire de toute l’Italie’’ – ‘’La capture de Matteo Messina Denaro est un message lancé à la criminalité. L’Etat finit toujours par l’emporter’’» : « Matteo Piantedosi l’avait souhaité, il y a environ une semaine à Agrigente : ‘’j’espère être ministre de l’Intérieur quand Matteo Messina Denaro sera arrêté’’. Et c’est arrivé hier matin. Le ministère croule sous les messages de félicitations. ‘’La grande émotion qu’a vécu le pays transparait à travers les applaudissements aux magistrats, aux carabiniers, aux forces de police. Cette capture était fondamentale comme signal à donner à la criminalité organisée dans le plan anti-mafia. Nous assistons à une victoire de toutes les forces du pays, profitons de ce moment d’unité nationale. L’Etat est là et il gagne. Le succès obtenu est basé sur un long travail.’’ »
COULISSES, La Stampa, M. Bresolin « L’UE félicite l’Italie sur le MES » : « Les tensions liées à la ratification du mécanisme européen de sauvetage (MES) continuent de créer de l’embarras au sein du gouvernement italien. Cette fois-ci, toutefois, pour des raisons opposées à celles connues jusqu’à présent. L’heure n’est plus aux pressions de Bruxelles pour son adoption rapide mais, au contraire, aux félicitations reçues pour les signaux positifs venant de Rome. D’abord le vice-président de la Commission Dombrovskis (‘’il semblerait y avoir des progrès’’), puis l’Irlandais Donohoe, qui préside la réunion des ministres financiers de l’Europe (‘’je veux reconnaitre le travail en cours au sein du gouvernement italien’’). Des propos qui n’ont pas facilité la tâche du ministre Giorgetti. Le ministère de l’Economie a ainsi tenu à préciser que ‘’la décision relève du Parlement’’, inquiet du fait que le raz-de-marée de louanges venant de Bruxelles puisse agiter à nouveau cette partie de la majorité qui, à ce stade, ne veut pas se résigner à l’idée de ratifier la réforme du MES. Au sein du gouvernement, on craint le spectre d’une motion de confiance, puisqu’en novembre le Parlement avait exhorté l’exécutif ‘’à ne pas approuver le projet de ratification du MES’’. On attend pour ce faire un signal venant des Chambres, mais cela ne semble pas évident, d’autant que l’on se trouve en période préélectorale (pour les régions de Lombardie et du Latium). Il est plus probable qu’on puisse avancer sur ce dossier seulement après les échéances électorales prévues dans moins de quatre semaines. A Bruxelles, tout le monde semble en être conscient. Le nouveau directeur exécutif du MES, Pierre Gramegna, qui a eu une rencontre hier avec Giorgetti, a déclaré –en aidant le ministre sur ce point- que ‘’tout est entre les mains du Parlement italien’’ et que ‘’nous devons respecter sa volonté’’. Pour Giorgetti, le passage du dossier du MES au Parlement est un parcours délicat et il faudra agir avec la plus grande prudence. Des faux pas ne sont pas permis au moment où les discussions sur la création d’un nouveau fonds commun pour aider l’industrie européenne ont atteint un point culminant. Ce n’est pas le moment de soulever des barricades car il faudra aussi rassurer les partenaires européens sur le MES. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
Les commentaires sont fermés.