"L’Italie n’aura pas recours au mécanisme européen de stabilité. Meloni signe sa promesse "de son sang" ; le budget dans le chaos avec 44 nouvelles corrections à apporter."
23/12/2022
Italie. Revue de presse.
Les dernières étapes du projet de Loi de Finances, qui fera l’objet d’un vote de confiance ce soir au Parlement, fait la une de la presse italienne. La Repubblica et La Stampa mettent en avant les modifications que doit encore subir le budget présenté par Giorgia Meloni alors que d’autres quotidiens reprennent ses dernières déclarations sur le Mécanisme européen de stabilité, auquel elle « promet de ne pas recourir » tout en ouvrant à la ratification de la réforme du MES : “Un budget à réécrire” (La Repubblica), “Une Loi de Finances présentant 44 erreurs” (La Stampa), “‘[L’Italie] n’aura pas recours au mécanisme européen de stabilité’, Meloni signe sa promesse “de son sang’’ »; le budget dans le chaos avec 44 nouvelles corrections à apporter” (Corriere della Sera), “L’Italie n’aura pas recours au MES” (Messaggero). Les suites de l’affaire du Qatargate continuent également de faire la une de certains journaux.
Les JT couvrent essentiellement les déclarations de Giorgia Meloni concernant le recours au MES et son déplacement aujourd’hui en Irak où elle rencontrera les soldats italiens, le vote de confiance au Parlement ce soir sur la Loi de Finances.
Le Mes : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/qu-est-ce-...
Giorgia Meloni rencontre les soldats italiens en Irak.
ARTICLE, G. Colombo, Repubblica, « 44 erreurs bloquent la loi de finances. Le vote final est reporté » : « Quarante-quatre thèmes soulignés en rouge dans la loi de finances - entre autres sur les communes, le télétravail, le bonus culture pour les jeunes, à corriger - : dans les dix-huit pages du document, remis hier à la Chambre par le service général de comptabilité de l’Etat quatre heures plus tard que l’horaire prévu, l’expression récurrente est ‘’pour éviter des dépenses sans couverture financière’’. A neuf jours du précipice que représente l’exercice provisoire, la loi de finances n’est pas prête. L’idée d’un passage rapide dans l’hémicycle se transforme en cauchemar : on pourrait voter la veille de Noël et cette course contre la montre risque d’être encore plus ardue après la marche arrière sur les contenus de la loi de finances. Le PD dénonce le fait que le gouvernement a mal fait les comptes et a confié aux services techniques du budget le choix de couper tel ou tel amendement – ex : celui comprenant une dotation de 450 millions pour les villes - de la liste comprenant des ressources plus importantes que celles mis à disposition quand l’examen des modifications a débuté au Parlement. Sur la carte culture pour les jeunes de 18 ans, Italia viva attaque : ‘’une gestion embarrassante, une honte, du jamais-vu ici’’ dit Marattin. Dans ce chaos ressort aussi l’amendement pour abattre les sangliers errants dans les secteurs urbains et la demande des Verts-gauche d’élargir le périmètre des modifications. Enrico Letta écrit sur twitter qu’ ‘’aucun gouvernement n’a traité le Parlement de cette façon’’. Après des heures de tension, la conférence des chefs de groupe se réunit pour établir le calendrier : le vote débutera aujourd’hui à 20h30 puis ce sera la course pour que toutes les autres étapes soient respectées. La dernière est attendue le 24 à l’aube. Les parlementaires, la valise déjà prête pour rejoindre leur famille pour le réveillon, sont saufs. Un député de Frères d'Italie ironise : ‘’en Russie le général hiver commande, ici c’est le général Panettone’’. Mais la loi de finances n’a pas fini de générer des tensions ». [Le Panettone est une brioche de Noël.]
ARTICLE, Corriere della Sera, Paola di Caro, "Meloni, L'Italie ne prendra pas le Mes. Je peux le signer de mon sang" : « Meloni affirme que ses deux premiers mois de gouvernement ont apporté un démenti à tous ceux qui prédisaient une "catastrophe". Elle affirme qu'elle est "née dans la conflictualité, et l'unique chose qui lui fait peur est de décevoir". Elle aborde ensuite le sujet du Mes: "l'Italie n'utilisera pas le Mes", elle peut "le signer de son sang.(...) Cela ne veut pas dire que le parlement ne pourra pas approuver la réforme, comme l'on fait tous les autres pays de l'Union Européenne". G. Meloni réitère ensuite son soutien à l'Ukraine, où elle a l'intention de se rendre dans les premiers mois de 2023. Elle déclare qu'il est nécessaire de renforcer son autonomie européenne sur la scène internationale, puis termine avec l'immigration : "le problème ce ne sont pas les réfugiés, ce sont les milliers de migrants irréguliers. Ceux que nous accueillons, ce sont ceux qui ont suffisamment d’argent pour payer les passeurs. Oui il y a une tension entre la France et l’Italie sur les migrants. Je la revendique. En France ils ont accueilli un seul bateau et ils sont en colère. La France et l’Allemagne n’ont repris que 117 migrants".
COMMENTAIRE, La Repubblica, « Meloni, la ténacité ne suffit pas » par Stefano Cappellini : « Giorgia Meloni a grandi dans un environnement politique où le poids de la figure du chef est bien supérieur à celui qu’il occupe dans les autres formations politiques. Depuis son arrivée à Chigi, elle a essayé de restituer cet imaginaire du chef par son attitude, ne serait-ce qu’en exigeant qu’on la désigne au masculin (« président » du conseil, ndlr). Mais plus Meloni s’efforce de démontrer qu’elle maitrise la situation, qu’elle sait ce qu’elle doit faire et comment, plus la réalité se charge de lui apporter un démenti et de faire sauter le vernis doré de la rhétorique, avec un pas en avant, et deux en arrière, une annonce et deux reculs. La manière dont la loi de finances est gérée est objectivement un désastre, une démonstration de dilettantisme et d’improvisation inégalée même dans le passé récent, tandis que la majorité au parlement par son attitude a démontré à quel point le slogan de Meloni pendant sa campagne, « nous sommes prêts », était un mensonge. Hier, invitée de Porta a Porta (émission de rai uno, ndlr), elle a dit qu’elle n’a « peur de rien », conformément à sa conception du chef héritée du passé, avant de rajouter un plus humain et sincère ‘j’ai simplement peur de décevoir’. Même les petites faiblesses physiques, comme celles qui l’ont empêché de prendre part au sommet d’Alicante, absence qui a alimenté des spéculations malintentionnées, apparaissent comme des moments fugaces de vérité en contrepoint du récit grotesque de ce gouvernement qui montre ses muscles, patriote et inflexible, qui combat les forces occultes et puissantes qui voudraient s’opposer à leur plan. « Je connais les forces avec lesquelles je dois traiter, les obstacles, c’est un travail très difficile, et il y aura des embûches sur notre chemin mais je n’ai rien à perdre » a expliqué Meloni dans l’émission de Bruno Vespa. »
Giorgia Meloni à l'émission Porta a Porta
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Francesco Lollobrigida (Frères d'Italie), ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, « Dans le budget, il y a des points forts et nous irons de l’avant » : « Pour la première fois, les élections se sont tenues en été, nous n’avions le temps que d’approuver ce qui avait déjà été préparé mais Giorgia Meloni et la majorité ont voulu une Loi de Finances plus politique. Je pense que malgré toutes les difficultés, elle est parvenue à préparer l’Italie du futur. Les débats au Parlement font partie du processus démocratique, il n’y a pas d’anomalies. Notre stratégie est d’accroitre la richesse produite afin de la redistribuer. Nous agissons en faveur de l’équité, du soutien aux plus vulnérables et aux entreprises, et pour la simplification des procédures. Si nous avions eu davantage de ressources, nous serions allés plus loin comme par exemple sur la réduction des charges fiscales afin d’augmenter le salaire net ou encore sur les retraites, la formation et la santé. Si la situation en Ukraine se stabilise, nous pourrons revoir ce budget et prendre de nouvelles mesures. Il me semble que le voyage de Zelensky aux Etats-Unis est le signe d’une accélération vers une paix juste, pas celle qu’on obtient par la destruction du plus faible. La ministre du Travail prépare une plateforme afin de mieux faire coïncider offre et demande. Des centaines de milliers de demandes justifient nos décrets sur les flux migratoires : si des migrants peuvent prendre ces emplois, ceux qui perçoivent le revenu de citoyenneté le peuvent aussi. Concernant l’affaire du Qatargate, si ce qui émerge est vrai, c’est très grave : ceux qui parlaient de droits humains vendaient en fait nos intérêts à des puissances étrangères. Nous, nous avons toujours voulu une Europe forte mais consciente des limites qui ont pénalisé l’Italie. »
ENTRETIEN, La Stampa, d’Elly Schlein, candidate à la direction du parti démocrate, par Francesca Schianchi, « Le PD doit retrouver son identité et être plus ouvert. Ce budget est injuste, ce sont des dilettantes qui gouvernent » : « Le futur congrès du PD devra proposer un débat sur les thèmes portés par le gouvernement et par l’opposition. Et combler les lacunes de Giorgia Meloni, en nous occupant des inégalités, de la précarité, et de la question climatique. Je ne suis pas inquiète par les sondages [où le PD est en baisse], nous avons connu une défaite électorale très dure, et nous sommes les seuls à avoir ouvert une vraie discussion prou comprendre les erreurs et contradictions de ces dernières années. Nous devons retrouver notre crédibilité. Les questions éthiques sont plus actuelles que jamais, avec le scandale au parlement européen, mais il ne suffit pas de s’indigner, nous devons aussi renforcer les instruments de contrôle des lobby et favoriser la transparence. Je suis favorable à l’introduction de primaires pour le choix des parlementaires, comme nous l’avons fait en 2013. Les règles du PD prévoient déjà de pouvoir recourir au référendum pour les adhérents, afin de faire participer la base militante à la ligne du parti. Ceux qui disent que je suis trop radicale se trompent quand je rappelle qu’il faut introduire un salaire minimum en Italie, cela n’a rien de radical. Il ne faut pas avoir peur que le PD penche plus à gauche mais bien davantage de la popularité que nous avons perdu parmi les plus fragiles. Avant de refaire alliance avec le M5S, il faut d’abord nous redresser et redéfinir une identité claire, sans renoncer à une vision cohérente et compréhensible pour le pays. Une fois que nous aurons fait cela, nous parlerons des alliances. Idem pour le troisième pôle, posons d’abord nos idées et voyons ensuite qui est prêt à travailler avec nous. Sur l’idée d’avancer la date des primaires, je préfère me concentrer sur le débat de fond que sur le calendrier. Je préfère me soucier de qui participe plutôt que d’avancer la date du congrès. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de Frederico Fubini, "Une vitalité (à ne pas gâcher) et des risques": « Malgré le fait que l'Italie soit au bord de la récession, les signes de vitalité du pays ne manquent pas. En 2022, c’était la première fois en quarante ans que le taux de croissance de l'Italie a dépassé celui des États-Unis, du Japon, de la Chine, de la France et de l'Allemagne. Depuis cet été les prix du gaz descendent continuellement, la confiance des consommateurs italiens et du secteur manufacturier repart. L’épargne des ménages et des entreprises est remontée à plus de 1600 milliards d'euros. Il devient donc possible que la récession soit plus brève et moins grave qu’annoncée. Nous sommes entrés dans une phase ou les politiques publiques deviennent fondamentales pour créer les conditions pour que le potentiel du pays s'exprime. Trop longtemps le débat public c'est concentré sur le plafond des paiements en liquide, ou sur le seuil minimum de paiement en carte, ou sur le bouclier sur les délits fiscaux. Mais aucun de ces objectifs ne compte vraiment pour renforcer le moteur de l'économie italienne, l’intégrer encore plus à l’économie européenne. L'année 2023 présentera au moins un grand défi pour l’économie italienne : face au plan de relance contre l’inflation de la Maison Blanche, lundi dernier les ministres de l'économie de la France et de l'Allemagne ont demandé à Bruxelles d'augmenter les aides d'Etat à l’industrie. Mais ce type d'aide favorise surtout les pays qui peuvent en verser le plus, l'Allemagne en premier. L'Italie pourrait travailler avec les autres pays, comme la France, pour mettre en commun des ressources destinées aux filières du futur : technologies vertes, semi-conducteurs, voitures de nouvelles générations. Il faudrait donc du pragmatisme, plutôt que des drapeaux à agiter. »
ARTICLE, E. Lauria, Repubblica, « De nouveaux avions de chasse et des chars : l’Italie dirigée par Giorgia Meloni augmentera ses réserves d’armes » - « Les dépenses militaires sont actuellement de 25 milliards par an, soit 1,5% du Pib. Pour arriver à la hauteur de l’engagement avec l’UE, l’Italie doit arriver à 2%: 8 milliards supplémentaires sont donc nécessaires » : « L’Italie de G. Meloni est prête à se réarmer. Elle a exprimé la volonté, à la conférence des Ambassadeurs (et face à quasiment la moitié de son gouvernement), de ‘’renforcer les investissements liés à la sécurité, son idée étant de ne pas faire machine arrière sur le thème des dépenses militaires, ‘’nécessaires pour défendre l’intérêt national’’. L’objectif des 2% du Pib demeure d’actualité. Il est vrai que l’invasion de l’Ukraine a tout changé et les dispositifs militaires étudient la possibilité d’une guerre totale, ce qui signifie plus de moyens pour combattre (avions, bateaux, tanks). Au sein de l’Union européenne, le plan allemand est le plus ambitieux, mais la France aussi étudie une augmentation notable de ses moyens, sans l’avoir à ce stade quantifiée. L’ancien ministre de la Défense Guerini avait dès l’été dernier pris acte des nouveaux scénarii en lançant des programmes fondamentaux et en étalant les fonds sur une longue période. Aujourd’hui, la moitié du budget sert à payer les salaires et les ressources pour l’achat de nouveaux moyens sont donc limitées. Dans la loi de stabilité, rien n’est prévu à cet effet, pour arriver au 2% du Pib prévus dans le Pacte européen signé en 2014 au Pays de Galles. Par le passé, des lois spécifiques avaient été rédigées pour faire face à des exigences de renouvellement des moyens militaires, comme au cours du gouvernement Renzi pour acheter des navires militaires, tandis que le Mise avait financé les hélicoptères ou l’Eurofighter. L’Italie souhaite être protagoniste dans le panorama européen : l’accord déjà signé avec la Grande-Bretagne et le Japon pour la production du Tempest, avion de chasse de sixième génération, et avec la tentative de s’insérer dans le projet franco-allemand pour réaliser des chars européens, le prouve ».
ENTRETIEN, Corriere della Sera, d’Antonio Tajani (Forza Italia), ministre des Affaires étrangères, “L’Occident ne se laissera pas avoir à l’usure, nous œuvrons pour une paix juste » : « Le message lancé à la Russie par la rencontre entre Biden et Zelensky est très clair : l’Occident est uni. Les Etats-Unis et l’Europe soutiendront l’Ukraine jusqu’à l’établissement d’une paix juste, et Moscou doit accepter de négocier, respectant le droit des Ukrainiens à demander l’indépendance et la liberté. L’Italie n’a de cesse de proposer à la Russie des négociations et nous faisons aussi appel à des médiateurs comme la Turquie, le Vatican ou la Chine. Les réseaux et les infrastructures bombardées par les Russes devront être reconstruits rapidement car l’Ukraine a toujours été, et sera de plus en plus, un pays européen. L’Europe aidera Kiev et les entreprises italiennes sont prêtes à y contribuer. Sur le dossier libyen, nous venons d’inviter à Rome l’envoyé du Secrétaire Général de l’ONU pour la Libye. L’Italie soutient sans réserve l’effort des Nations Unies pour rétablir la stabilité en Libye. Le statut quo n’est plus soutenable. De façon générale, nous sommes déterminés à faire davantage compter l’Italie : le commerce international, la politique économique, notre lien avec le ministère des Entreprises et du Made in Italy, tout cela doit créer une synergie de plus en plus forte. Nous devons changer, c’est nécessaire. La capacité à faire système vaut à tous les niveaux, les déplacements de nos ministres à l’étranger sont importants. Et, en particulier des Balkans au Moyen-Orient, la présence de nos contingents est fondamentale, de même que l’interaction de notre ministère avec celui de la Défense. Sous la coordination de la Présidence du Conseil, la politique étrangère de notre pays est définie de concert avec tous les ministres. L’Italie, à part avec Draghi, n’a pas joué un rôle de premier plan ces dernières années. Pour attirer davantage d’investissements étrangers, une réforme administrative est nécessaire, de même qu’une réforme profonde de la justice afin de la rendre plus efficiente. L’accord sur le plafonnement du prix du gaz me semble positif, bien mieux que ce dont nous discutions il y a encore quelques semaines. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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