"La lutte permanente entre Rome et Paris sur le thème des migrants."
09/12/2022
Italie. Revue de presse.
Alors qu’hier la plupart des journaux titraient sur la première de la Scala et « l’ovation de Milan au Président Mattarella », les médias parlent tous ce matin de la « pendaison, en Iran, du premier manifestant condamné à mort » - « Iran, faisons cesser l’horreur » (Stampa), « Etudiant pendu et on tire sur les femmes : l’Iran hors de contrôle » (Messaggero). Les journaux ce matin titrent aussi sur ce qu’ils perçoivent comme une reprise des tensions entre France et Italie dans la perspective du Med9 qui se tient aujourd’hui à Alicante : « La lutte permanente entre Rome et Paris » sur le thème des migrants (Repubblica), « L’Italie prête à ré-accueillir les migrants qui ont fui au-delà des frontières » - « Macron refuse la rencontre avec Meloni » (Stampa).
Le Corriere évoque « la proposition européenne sur une limite pour le paiement en espèces de 10.000 euros » tandis que le Messaggero publie un entretien du ministre Lollobrigida (Frères d'Italie) sur le « Plan de relance : des modifications sont possibles sur l’énergie et les infrastructures » et le Sole annonce : « appels d’offres, 7,2 milliards en octobre – Pnrr : ‘’entonnoir’’ de 20 milliards en fin d’année ».
ENTRETIEN, il Messaggero, de Francesco Lollobrigida, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, « Sur l’énergie et les infrastructures, le PNRR peut être modifié » : {L'ouverture de von der Leyen à une modification du PNRR] est une victoire pour l'Italie. Ou en tout cas une défaite pour ceux qui invoquaient l'intangibilité d'un plan difficile à mettre en œuvre et qui, dans ce cas, aurait entraîné la perte de certains "fonds non utilisés". On pourra revoir par exemple les fonds mis sur les tracteurs électriques, qui sont ensuite introuvables sur le marché, aux projets sur l'énergie, les infrastructures et plus encore. Au niveau européen, je suis heureux que notre gouvernement ait été un protagoniste pour convaincre l'UE d'éliminer la viande et le vin des produits classés comme nocifs pour la santé. Entre-temps, il faut dire qu'en seulement 30 jours depuis l'entrée en fonction du gouvernement, nous avons lancé une loi de finances qui lance des signaux forts : éviter la désertification du secteur industriel, un soutien sur le coût de l'énergie, un modèle de bien-être destiné aux plus faibles, un engagement à créer de nouveaux emplois en luttant également contre des formes de privilèges qui n'ont pas grand-chose à voir avec les politiques actives. Dans le même temps, le spread, n'a pas augmenté ici ; les réactions européennes, qui me semblent bonnes ; les opinions favorables sur le gouvernement ou des forces politiques qui l'expriment, qui selon les sondages est en progression. Sur le plafond au paiement en liquide, il n'a de sens qu'au niveau européen, et on ne peut pas dire qu'un plafond plus élevé facilite l'évasion. Sous le gouvernement Monti, par exemple, le plafond était plus bas mais l'évasion était plus élevée. Sans compter que dans d'autres pays, je pense à l'Allemagne, il n’y a pas de plafond. Nous nous sommes donné une perspective et une vision, sur la base du programme présenté. Le gouvernement va durer cinq ans, nous ne voulons pas faire comme d'autres forces politiques qui ont cherché à obtenir de la popularité facilement à court terme avec des mesures ponctuelles. Des primes exceptionnelles au revenu de citoyenneté, bien sûr. Pour redistribuer la richesse, il faut d'abord la créer. Une immigration légale et ordonnée est nécessaire, mais le décret sur les flux doit être pris au début de l'année 2023 et non à la fin comme c'est le cas actuellement. Nous ne voulons pas créer de nouveaux esclaves, mais des travailleurs bénéficiant d'un traitement décent et également d'une formation adéquate. C'est pourquoi nous en parlons également avec plusieurs États africains. Il faut d'abord déterminer quels sont les besoins réels une fois que la demande intérieure de main-d'œuvre a été épuisée, puis calculer le nombre d'immigrants que nous pouvons accueillir. Il en va bien sûr autrement des réfugiés, qui doivent toujours et dans tous les cas être "accueillis" ».
Francesco Lollobrigida
INTERVENTION, Gian Carlo Caselli, magistrat, Stampa, «Les écoutes téléphoniques sont indispensables contre la mafia» : « Elles sont très utiles pour capter les voix des chefs et de leurs complices. Les écoutes ne peuvent se résumer à des abus. Carlo Nordio, nouveau ministre de la Justice, a parlé de la crise de la justice pénale devant les Commissions justice de la Chambre et du Sénat. Fort de ses 40 ans d’expérience dans la magistrature, il l’a fait sur un ton péremptoire, comme s’il voulait indiquer le doigt levé la route à prendre (la sienne) que seuls les aveugles ne peuvent voir. Il suggère un recours aux écoutes préventives, mais elles ne sont pas utilisables lors des procès. Sur la séparation des carrières, elle ne convient à personne. Il faudrait se concentrer sur les normes de sécurité sur le lieu de travail : il faut créer un parquet spécifique comme le demande Guariniello. »
ARTICLE, Repubblica, E. Lauria/A. Ziniti, « Migrants, nouvel affrontement Rome-Paris. L’Elysée : ‘’les problèmes demeurent’’ - “Aujourd’hui à Alicante la présidente du Conseil comptait rencontrer Macron pour calmer les choses, mais un ‘’non’’ est arrivé : ‘’pas de rencontre bilatérale, nous attendons [la présidente du Conseil] en France’’. Le Palais Chigi : ‘’nous n’avons pas reçu d’invitation’’ » : « Les tensions demeurent entre la France et l’Italie. Le Conseil affaires intérieures à Bruxelles, que le ministre Piantedosi a défini comme ‘’décevant’’ suite au refus de faire entrer la Bulgarie et de la Roumanie de l’espace Schengen, n’est pas allé au-delà d’un soutien politique générique au Plan d’action pour la Méditerranée. En mer, trois bateaux humanitaires avec plus de 500 migrants à bord demandent un port sûr et risquent d’être les détonateurs d’une nouvelle crise européenne sur la gestion des flux migratoires. L’Italie n’a aucunement l’intention de changer de ligne sur les Ong qui font ce que le Viminal appelle des ‘’secours systématiques’’ : elle proposera un accueil uniquement pour les personnes fragiles. Une précision rude de l’Elysée arrive et fait monter la tension : ‘’Selon nos informations, Madame Meloni continue à chercher une date dans son agenda pour sa visite à Paris’’, ce à quoi le palais Chigi répond par un sec démenti : ‘’aucune invitation n’est arrivée, et nous supposons que de telles invitations ne se font pas à travers la presse’’. Nouvel incident diplomatique donc à quelques heures du MED9. Et pourtant, il y a seulement trois jours à Tirana, Meloni avait dit qu’il n’y avait ‘’aucun problème avec la France’’»
COULISSES, Repubblica, T. Ciriaco/A. Ginori, « ONG, Meloni maintient le blocus. De représailles en soupçons, la paix avec Macron est reportée » : « Ils n’arrivent même pas à organiser un face à face. Question de forme, et problème abyssal de fond. Giorgia Meloni aurait sûrement volontiers accepté une bilatérale à Alicante, mais Macron verra uniquement Sanchez. Distance politique, fossés personnels, représailles masquées sous des prétextes de protocole. Pas de paix entre les leaders, surtout sur le thème des migrants. Et les divergences sont profondes car le positionnement politique du gouvernement italien est un soufflet infligé aux demandes françaises : où est-il écrit que nous sommes le seul port d’Europe qui doive accepter les débarquements ? La loi du premier port d’arrivée devrait toucher particulièrement Malte et l’Italie – la ‘’zone Sar’’. C’est ce que soutient Paris et que répètent les sherpas de Macron : ‘’il est important que tous les pays européens assument cette responsabilité’’. Mais ce n’est certainement pas la philosophie qui guide Meloni. Depuis Paris, on dit cependant qu’un face à face informel pourrait avoir lieu – au sujet duquel le Palais Chigi ne sait rien. Le soupçon est que Macron ait dans le collimateur le gouvernement de droite pour des raisons de politique intérieure. Il faut dire qu’il existe un autre moment pour se parler : le 13 décembre à Paris lors de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine, mais pour le moment c’est le Ministre Tajani qui devrait représenter l’Italie ».
ARTICLE, Corriere della Sera, de Stefano Montefiori « ‘’Meloni sera à Paris’’, ‘’pas d’engagement ni d’invitation’’ : nouvelles tensions entre les deux gouvernements » : « L’image d’Emmanuel Macron et de Giorgia Meloni à Tirana, cordiale, laissait supposer la fin des difficultés entre la France et l’Italie. Mais il y a apparemment encore du chemin à faire. Hier, une source de l’Elysée a indiqué que ‘’Madame Meloni continue à chercher une date pour sa visite à Paris, comme elle s’y était engagée le mois dernier par rapport à l’Ocean Viking’’. Le Palais Chigi a démenti. Nous sommes donc face à un malentendu important, une incompréhension sur une question formelle qui confirme cependant une difficulté à se comprendre de manière plus générale. Meloni et Macron se verront aujourd’hui à Alicante, ‘’à une table en format plus restreint, puisqu’il y a neuf Etats’’ a souligné l’Elysée ».
ARTICLE, Stampa, I. Lombardo/F. Olivo, « Macron refuse la rencontre avec Meloni » : « Les Français admettent que sur l’immigration, des dissensions demeurent. La présidente du Conseil, fait-on savoir à Chigi, n’a pris aucun engagement pour une visite à Paris. Et aucune invitation n’est parvenue de Paris. « Une invitation qu’on ne fait pas normalement par voie de presse ». La France, comme dans beaucoup de pays occidentaux, fait des briefing avant des sommets internationaux majeurs, pour informer les journalistes sur l’agenda du sommet et les bilatérales prévues. Le gouvernement italien ne le fait pas et souvent subit les informations qui arrivent. C’est ainsi qu’hier, durant le briefing classique, en répondant à une question d’un journaliste, l’Elysée a expliqué qu’aucune bilatérale n’était prévue à l’agenda. Même si ‘à l’évidence, ils se croiseront’. Même discours pour la visite à Paris, qui est normalement l’une des premières étapes avec Berlin pour les présidents du Conseil italiens après leur entrée en fonction ». L’évocation dans le brief d’une recherche de date par Meloni a rendu furieux le palais Chigi, alors qu’il y a un mois, c’est un communiqué italien remerciant la France pour l’accueil du bateau Ocean Viking qui avait rendu Paris furieux. Engagement qui n’aviat jamais été vérifié au niveau diplomatique avec les Français, et que Chigi avait déduit par une dépêche citant une source anonyme du ministère de l’intérieur français. Meloni continue sur la même route et répond, piquée au vif, confirmant une distance avec Macron qu’elle ne cherche à dissimuler que quand elle est en public. A ce stade, il semble donc improbable qu’elle se rende à Paris pour la conférence du 13. Aussi car elle veut savoir d’abord s’il y aura des leaders de poids comme Biden et Scholz. La même distance demeure avec l’Espagne de Sanchez. Il y a un vide, en effet, dans le calendrier du MED9 : la question migratoire fera partie uniquement à la limite du chapitre ‘’divers’’. Le gouvernement espagnol ne veut pas introduire des thèmes sur lesquels les invités sont en désaccord et ne souhaite pas s’immiscer dans la polémique entre l’Italie et la France qui a débuté le mois dernier. »
ARTICLE, Messaggero, « Meloni, plan sur les migrants : les rapatriements doivent être gérés par l'UE. Tensions avec la France » de Alberto Gentili, « Surmonter le mécanisme de redistribution des migrants qui "ne fonctionne pas et n'a jamais fonctionné". Lancer un système de retours dans les pays d’origine géré directement par l'Union européenne. Lancer un grand plan pour le développement de l'Afrique. Et faire de la Méditerranée, grâce à ses gazoducs, "le grand centre d'approvisionnement énergétique de l'Union". Ce sont les points que Giorgia Meloni, aujourd'hui à Alicante, mettra sur la table du sommet EuroMed-9 auquel participent, outre l'Italie, l'Espagne, la France, le Portugal, la Grèce, Malte, Chypre, la Slovénie et la Croatie. D’après l'Élysée, le positionnement qu’elle prendra sur ces sujets sera proche de celui d'Emmanuel Macron. Mais une rencontre bilatérale entre les deux dirigeants est exclue. Et si Paris fait savoir qu'on "continue à travailler sur les migrants avec l'Italie", indiquant un objectif commun ("tous les États européens doivent se sentir responsables et s'engager de manière constructive"), la tension entre l'Élysée et Rome reste vive. Selon des sources proches de Macron, il subsiste entre les deux pays "des divisions sur la question de la responsabilité des sauvetages en mer : les problèmes n’ont pas été résolus" après l'affaire Ocean Viking. Et ils ajoutent qu'ils "attendent toujours l'indication d'une date" pour une visite officielle de Meloni à l'Elysée. Le Palazzo Chigi a répondu sèchement : "Nous n'avons pas connaissance d'un quelconque engagement pour une visite à Paris. La présidente du Conseil n'a pas non plus reçu d'invitation officielle, et nous supposons que certaines invitations ne se font pas par voie de presse". Commentaire lapidaire d'un ministre proche du dossier : " Paris nous provoque ". Au-delà des escarmouches avec la France, Meloni veut affirmer la "responsabilité" des migrants au niveau européen. La question de la redistribution de ceux qui débarquent sur les côtes italiennes et européennes reste à démêler. Meloni, a-t-on dit, veut le mettre de côté. Car, expliquent-ils au Palazzo Chigi, "nous ne pouvons pas accepter l'idée que l'Italie laisse entrer tout le monde et demande ensuite à l'Europe de les redistribuer". Ça n'a pas marché et ça ne marchera pas...".
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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