"Le Troisième Pôle et Fratelli d’Italia scellent une entente sur le terrain de la justice."
07/12/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur la réforme présentée par le nouveau ministre de la Justice, Carlo Nordio (Frères d'Italie), prévoyant notamment une limitation du recours aux écoutes téléphoniques pour les enquêteurs et la séparation des carrières entre procureurs et juges du siège. Cette réforme suscite des critiques de la part d’une partie des syndicats de magistrats : « Ecoutes téléphoniques, Nordio accuse » - Selon le Garde-sceaux, elles seraient surtout utilisées pour discréditer les personnalités politiques visées par des enquêtes. L’Association Nationale des Magistrats s’y oppose, Meloni défend la réforme (Corriere della Sera), « Justice, un défi lancé aux enquêteurs » - Meloni soutient le ministre ; le troisième pôle de Renzi salue la réforme (La Repubblica), « Justice, voici l’agenda de Nordio : moins d’écoutes téléphoniques » - Le ministre annonce sa réforme, qui prévoit aussi la séparation des carrières entre magistrats du siège et procureurs (La Stampa), « Nordio : on constate des abus sur l’utilisation des écoutes téléphoniques » (Il Messaggero), « Nordio bloque les magistrats de gauche » (Il Giornale). L’appel lancé hier par le Président de la République Sergio Mattarella afin que le gouvernement respecte les engagements pris pour le Plan de Relance national, est aussi cité en Une « Mattarella : il faut honorer les engagements pris sur le PNRR » (Corriere della Sera, Repubblica).
Carlo Nordio
Les JT couvrent essentiellement le sommet européen sur les Balkans occidentaux, avec les déclarations de la Présidente du Conseil sur le projet de réforme de la justice présenté par le ministre Carlo Nordio, l’appel lancé hier par le Président de la République Sergio Mattarella afin que le gouvernement respecte les engagements pris pour le Plan de Relance national et les élections de mi-mandat en Géorgie, aux Etats-Unis.
ARTICLE, La Repubblica, E. Lauria et L. Milella « Les limites fixées aux procureurs et les écoutes téléphoniques, le défi de la droite sur la justice » - Le ministre Nordio présente sa réforme au Sénat et critique les juges : « Depuis Tirana, la Présidente du Conseil Giorgia Meloni a voulu immédiatement apporter son soutien au projet de réforme de son ministre de la Justice Carlo Nordio qui a dans son viseur l’action des magistrats : la séparation des carrières, la limitation du recours aux écoutes téléphoniques et le caractère obligatoire de l’action pénale. Ainsi, ‘’le gouvernement partage l’approche expliquée par le ministre’’, affirme Meloni, en ajoutant ‘’il faut surmonter certains points critiques, l’utilisation des écoutes téléphoniques et la façon dont elles sont publiées dans les journaux sont sans doute une thématique sur laquelle réfléchir, comme la séparation des carrières dont on discute depuis des années’’. Dans son allocution de 55 minutes devant le Sénat, Nordio reprend la rhétorique berlusconienne en la matière et tente de relancer les réformes du « Cavaliere » qui avaient échoué. Tout en assurant un certain équilibre avec son prédécesseur, Marta Cartabia, notamment sur la justice réparatrice et sur les mesures alternatives à la prison. Donc, il n’y aurait pas de rupture avec la réforme Cartabia ni d’obstacles sur les projets du PNRR. Les attaques très dures lancées contre les enquêteurs demeurent, toutefois. Ces derniers seraient les protagonistes d’une action pénale devenue ‘’arbitraire voire capricieuse’’, en dépit de la présomption d’innocence, celle-ci aussi chère à Cartabia. Les réformes de Nordio, dont l’institution d’une Haute cour pour sanctionner les magistrats, sont toutes des piques lancées, en clé berlusconienne, à la magistrature. Le Cavaliere avait joué toutes ses cartes, sans gagner. Nordio tente d’y revenir et annonce ‘’une profonde révision’’ des normes sur les écoutes téléphoniques qui, ‘’pour une diffusion arbitraire et inappropriée’’ seraient devenues un instrument de délégitimation politique. »
ARTICLE, La Repubblica, C. Sannino « La pique lancée par le Garde des Sceaux prépare la voie de l’entente avec le Troisième Pôle » : « Les propositions venant du ministère de la Justice coïncident avec les souhaits de Renzi et de Calenda. Le Troisième Pôle et Fratelli d’Italia scellent une entente sur le terrain de la justice, qui pourrait annoncer une sorte de soutien extérieur du parti centriste au gouvernement. Ce n’est pas un hasard si la majorité s’apprête à déposer à la Chambre un projet pour la séparation des carrières des magistrats et qui peut compter sur le soutien de Renzi (Italia Viva) et de Calenda (Azione). Alors que Nordio, au sein de la Commission de la justice, s'en prenait aux procureurs et à leurs prétendus délits " inutiles " - tels que l'abus de pouvoir ou le trafic d'influence, – l’ordre du jour d'Enrico Costa, le délégué du groupe Azione, a été adopté à la Chambre. Cela engage le gouvernement à faire effectuer par l'Inspection générale du ministère de la Justice "un contrôle" des actes motivés par lesquels les procureurs de la République expliquent l'intérêt public et justifient la tenue de conférences de presse et la diffusion de communiqués sur les coups de filet ou les initiatives en cours. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Les raisons de cette accélération sur la justice » : « Que l’on partage ou pas le contenu de l’allocution du ministre de la Justice au Sénat, sa signification politique est très claire. Il s’agit d’une accélération sur le terrain le plus épineux, celui de la réforme de la Justice. Nordio a été explicite, voire méprisant, sur tous les sujets clivants, allant de l’abus dans le recours aux écoutes téléphoniques, des excès des gardes-à-vue ou encore de la séparation des carrières. Certains ont évoqué une sorte de « révolution du garantisme » mais il est certes que Nordio a été cohérent avec sa posture libérale, comme en témoignent tous ses articles et interventions dans le débat public. Cela implique non seulement une modification de la Constitution mais aussi une confrontation politique qui sera très dure, au Parlement comme dans le pays. Et il en sera de même avec certains secteurs de la magistrature. Meloni, qui n’a pas hésité à soutenir immédiatement la ligne de son ministre, avait besoin d’un sujet fort pouvant réunir sa majorité, allant de Berlusconi à Salvini, pour une réforme qui s’annonce longue et pouvant durer plusieurs années. Il fallait par ailleurs sortir de la défensive, à la suite des polémiques sur le paiement en liquide et les critiques de la Banque d’Italie. »
ARTICLE, Corriere della Sera, M-T. Meli, « Guerini (PD, ancien ministre de la Défense) à la tête du Copasir. Son bras-droit est un fidèle de Meloni : Giovanni Donzelli » : « Les délais de l’élection du président du Copasir n’a pas été dû, comme certains l’ont dit, à un blocage de Giuseppe Conte car ce dernier aurait voulu obtenir au préalable l’assurance d’emporter la direction du comité de surveillance de la Rai pour un membre du M5S (parmi les noms les qui circulent, celui de Ricciardi devrait l’emporter). Conte avait en fait donné son accord à Guerini il y a une vingtaine de jours. Ce sont les dissensions au sein de la droite qui ont provoqué ce ralentissement : Forza Italia soutenait Licia Ronzulli pour la vice-présidence du Copasir et la Ligue y voulait Claudio Borghi. Deux candidats que Meloni jugeait inadaptés pour le poste, et pas seulement elle à vrai dire. Guerini lui va très bien. D’abord, parce qu’elle a eu l’occasion de le connaître durant la longue phase de transition entre le gouvernement Draghi et le sien ; ensuite, l’ex-ministre de la Défense est une garantie d’atlantisme et de cohérence sur le front du conflit entre Russie et Ukraine ; enfin, Meloni ne voulait pas une élection divisant les oppositions (ce poste va aux minorités en général). Le nom de Guerini rassemble. Même le troisième pôle (Ettore Rosato a été élu secrétaire du Copasir) était d’accord. Conte s’est résolu à accepter Guerini, alors qu’il avait eu un dur face-à-face avec lui vers la fin de son gouvernement. Guerini n’a pas fait de déclarations, par respect pour le rôle qu’il occupera avec la sobriété qui le caractérise ».
ENTRETIEN, Il Messaggero, d’Eugenia Roccella (Frères d'Italie), ministre pour la Famille « Allocations familiales, un chèque unique pour tous sans distinctions de revenu » : « Le chèque unique a été une innovation positive mais il avait quelques inconvénients, par exemple il pénalisait les foyers nombreux. Nous avons voulu donner un message important dans la loi de finances. Nous avons déjà commencé le travail pour corriger de manière structurelle tout ce qui ne va pas. Aider les familles face à la flambée des prix des factures a été notre priorité. L’ajustement des allocations familiales à l’inflation sera automatique et dispose déjà des ressources nécessaires. Il se fera à chaque mois de mars. L’objectif est de découpler le montant des allocations familiales des revenus des bénéficiaires, afin de rendre cet instrument universel. Il y a un problème de liberté de choix pour les femmes : selon les études, la majorité des femmes veulent deux enfants, mais en ont au plus un, voire aucun. Outre les raisons économiques, il existe des raisons culturelles Q. Vous parlez des mères. Mais comment se fait-il que l'augmentation du congé parental ne concerne pas aussi les pères ? Dans cette loi de finances, les ressources sont limitées, nous sommes donc partis d'un constat : seuls 7 % des pères demandent un congé parental. Il n'y a aucun préjugé idéologique et nous sommes prêts à augmenter les fonds à l'avenir. Q. Le PNRR prévoit des milliards pour les crèches et les maternelles, mais les différents appels d’offre, même si corrigés par la suite, présentent encore des problèmes. On risque que ces fonds aillent là où on en a moins besoin, au détriment des villes du Sud. Selon les derniers chiffres, le Mezzogiorno a reçu jusqu'à présent plus de la moitié des ressources du PNRR pour les écoles maternelles’’. »
Eugenia Roccella
ARTICLE, M. Galluzzo, Corriere della Sera, « Meloni : les critiques de Bankitalia ne portent pas sur le fond. Sa rencontre avec Scholz » - : « Giorgia Meloni est arrivée à Tirana alors qu’une instruction du ministère de l’Intérieur aux préfets de Trieste, Udine, Gorizia venait de sortir sur les migrations. Durant ce sommet, un plan européen a émergé pour réagir aux flux d’immigrés irréguliers sur la route des Balkans. Dans le même temps, le gouvernement italien s’active aussi, en accord avec les autorités slovènes et autrichiennes, pour plus de fermeté. Les entrées sur cette nouvelle route, à l’intérieur des frontières italiennes, sont en augmentation de 203%. Meloni termine le sommet par une rencontre avec le Chancelier allemand et une autre avec le Serbe Vucic : l’Italie encouragera le processus d’adhésion de la Serbie dans l’UE, sans oublier cependant les différences de position sur les rapports avec Moscou. Lors de sa rencontre avec la presse, Meloni défend la loi de finances et clôt les polémiques, estimant que Bankitalia n’a pas fait ‘’de critiques de fond’’ sur celle-ci et que ‘’ça signifie qu’elle est bien faite, nous avons fait du bon travail dans des délais courts’’. Suite aux déclarations de Mattarella au sujet du Plan de relance, sa réponse semble destinée à calmer les choses : sur l’appel au sens des responsabilités, elle dit ‘’partager les mots du Président : le gouvernement y travaille sans cesse’’. La rencontre avec Scholz portait principalement sur le dossier énergie en vue du Conseil européen. La distance demeure avec Berlin : ‘’actuellement, la proposition de la Commission ne me semble pas suffisante, nous travaillons donc pour l’améliorer’’. Avec Macron, il semble y avoir des signaux de détente : ‘’nous nous sommes vus, le temps était trop court pour une rencontre bilatérale mais l’occasion se présentera bientôt. Les deux gouvernements travaillent ensemble’’, aussi sur le thème des migrants. ‘’La position du gouvernement ne change pas’’ sur les Ong, même si G. Meloni se rend compte que la question ‘’doit être résolue avec une approche qui ne soit pas uniquement italienne’’. »
Giorgia Meloni et le chancelier social-démocrate allemand Olaf Scholz
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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