"L’alerte sur les comptes publics résonne en Europe et les projecteurs sont braqués sur le "cas de l’Italie"."
06/12/2022
Italie. Revue de presse.
Le rapport de la Banque d’Italie, critiquant certaines parties de la loi de finances, notamment la hausse le seuil minimum pour l’obligation des commerces d’accepter les paiements par carte bancaire, fait les gros titres de la presse italienne. « Loi de finances, le coup de froid avec la Banque d’Italie » - Les critiques concernent le paiement en liquide et l’abolition du revenu de citoyenneté. Le gouvernement fait savoir qu’il ira de l’avant sans vouloir alimenter d’autres polémiques (Corriere della Sera), « L’assaut à la Banque d’Italie » - Le secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil, Fazzolari, attaque l’institution « elle fait part des intérêts des banques ». Via Nazionale donne un avis défavorable à la loi de finances (La Repubblica), « Tensions élevées entre le gouvernement et la Banque d’Italie » - Via Nazionale fait part de ses doutes sur le paiement en liquide et l’abolition du revenu de citoyenneté (La Stampa). La mise en œuvre du Plan National de Relance est également mentionnée « Meloni : [les fonds du] Plan de Relance ne suffisent pas » - Selon la Présidente du Conseil, le fonds européen ne prendraient pas en compte les retombées de la guerre en Ukraine (Il Messaggero), « PNRR, c’est la course contre la montre : 26 jours pour réaliser les 25 objectifs nécessaires pour obtenir la troisième tranche de fonds » (Sole 24 Ore). Enfin les soupçons sur l’existence d’un réseau policier chinois en Italie menant des activités de surveillance de ses ressortissants sous couvert de coopération entre polices sont aussi cités en Une « Le réseau italien de la police parallèle chinoise » - Onze centres irréguliers serviraient à surveiller les dissidents chinois (Repubblica, Messaggero).
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de F. Fubini, « Sur le Plan de Relance, l’Italie va de l’avant ; ‘’L’UE doit en faire davantage’’ estime le gouvernement » : « Au moins 90% des objectifs de dépense du Plan de Relance doivent encore être atteints. Dans les prochaines années, l’Italie devra encore approuver des dizaines de réformes liées au PNRR. La Présidente du Conseil estime qu’‘’aujourd’hui, le PNRR ne suffit plus’’, a-t-elle répété hier, évoquant notamment la guerre en Ukraine et la crise énergétique. Le groupe d’experts du gouvernement pour le suivi de la réalisation des projets va être réactivé. Mais un communiqué du Ministre de l’Economie sur le sujet devrait rassurer les plus inquiets. Sur les 25 réformes (sur 55) qui restent à approuver d’ici la fin de l’année, toutes ont été lancées et presque toutes en sont déjà à un stade avancé. C’est notamment le cas de la ‘revue des dépenses’, de la ‘’cybersecurité’’ ou de la réforme pour la transition numérique des administrations locales. Le ministère le plus en retard semble être celui de l’Environnement, à qui il reste 6 objectifs sur 9. Un des points encore en suspens concerne la loi sur la Concurrence, écrite mais qu’il faut encore faire entrer en vigueur. Or les communes et les régions tentent encore d’atténuer la sévérité de certaines normes en faveur des sociétés publiques locales. Dans l’ensemble, Mario Draghi semble toutefois avoir laissé un chantier sans retard trop importants, bien que la phase la plus difficile se profile dans les prochaines années. Idem pour les dépenses et les fonds à employer : la tâche devrait s’annoncer moins difficile que prévu pour Giorgia Meloni. Le rapport du 5 octobre dernier montre comment la plupart des fonds ont déjà été versés pour les programmes nationaux et qu’ils seront pris en compte dès qu’ils auront reçu la certification européenne. Ce serait notamment le cas des travaux ferroviaires dépassant largement les 3,6 milliards et qui apparaissant officiellement dans le PNRR, ou encore les constructions de bâtiments (là aussi, bien plus que les 2,7 milliards officiels auraient été dépensés), ou les bonus aux entreprises. Pour l’instant les alertes ne semblent pas tant justifiées que ça. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « La première fracture avec l’establishment » : « Deux mois et demi après les élections du 25 septembre, le gouvernement de droite fait face à une première évaluation, notamment du point de vue politique. Dans le camp de la gauche, on pariait sur l’idée qu’il n’allait pas durer longtemps, en raison des contradictions entre les souverainistes et les pro-européens. Or, la majorité, bien que nerveuse, apparait bien solide. Le point de force de cette coalition demeure le tempérament et la force de volonté de la Présidente du Conseil. Mais il y a encore des pièges le long du chemin pour une majorité qui doit encore définir son propre horizon à long terme. Ce qui implique la nécessité d’éclaircir les relations avec l’establishment italien et européen. Face aux critiques soulevées par la Banque d’Italie, la réponse démesurée du Secrétaire d’Etat Fazzolari nous révèle qu’il persiste des zones d’ombres, et la Présidente du Conseil en est sans doute consciente. Il est vrai que jusque-là, Fratelli d’Italia a évité le bras-de-fer avec l’establishment financier. Par ailleurs, la loi de finances montre une continuité substantielle avec Draghi, à part certains aspects plus identitaires. Et c’est justement ces derniers points que la Banque d’Italie a plus particulièrement pointés. Meloni avait annoncé que sur le sujet du seuil du paiement en cash, un débat était en cours avec Bruxelles. Un peu comme pour dire : nous avons pris notre décision, mais le cas échéant, si nécessaire, nous respecterons les règles européennes. Donc, le gouvernement « souverainiste » envoie des messages sur des sujets somme toute secondaires sans toutefois défier les institutions car il sait qu’il n’en sortirait pas gagnant. Si elle maintenait une norme identitaire, somme toute une victoire pour elle, cela signifierait paradoxalement ternir sa crédibilité en Europe. Malgré la prudence dans ce budget, le gouvernement n’a pas su éviter les critiques de la Banque d’Italie, avec de probables répercussions auprès de la BCE. Un signe que la lune de miel avec les autres institutions est terminée. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de C. Tito, « L’alerte sur les comptes publics résonne en Europe et les projecteurs sont braqués sur le ‘’cas de l’Italie’’ » : « Le risque que l’Italie devienne un ‘’cas’’, c’est-à-dire que les comptes publics de l’Italie rallument l’attention de l’UE sur Rome, est de plus en plus concret. L’audition d’hier avec les dirigeants de la Banque d’Italie est la dernière brique d’un mur que l’exécutif de droite est en train de construire autour de lui-même. Le problème est le manque de recettes solides pour financer le budget du nouveau gouvernement. Certains ministres européens de l’Economie se sont rendus hier à Rome, ainsi que le commissaire aux Affaires économiques Paolo Gentiloni. Ce dernier a annoncé que la Commission européenne devrait exprimer son avis sur la Loi de Finances italienne en début de semaine prochaine. Cela fait deux semaines que le gouvernement italien tente d’éviter ce moment, depuis que la Commission avait présenté ses recommandations économiques, le 22 novembre. L’Italie était alors absente. Une douzaine de pays avaient alors été visés par le ‘’mécanisme d’alerte’’. Ce n’est pas le cas de l’Italie dont la loi de Finances fera l’objet d’une réunion spécifique. Elle risque ainsi de faire figure d’exception, de façon encore plus visible. C’est aussi la confirmation que les doutes autour de la Loi de Finances italiennes sont bien réels. Il ne s’agit pas d’une simple formalité. Les déclarations critiques de la Banque d’Italie (paiement électroniques limités, hausse du plafond des paiements en liquide et surtout financement du Budget) ont provoqué une sorte d’effet domino. La Commission est très attentive aux jugements qu’elle exprime, au même titre que ceux de la BCE ou du FMI. Or si les calculs de la Banque d’Italie sont corrects, 4,2 milliards manquent à l’appel pour financer le nouveau budget présenté par l’exécutif. Il y aura des échanges et des éclaircissements entre le ministère italien de l’Economie et Bruxelles. Mais le risque que le verdict le plus sévère puisse être attribué à l’Italie (‘’seulement partiellement conforme aux recommandations’’) n’est plus si abstrait. Cela n’aurait pas de conséquences immédiates, tant que le pacte de stabilité reste suspendu, et l’Italie s’apprête à demander une nouvelle année de suspension, jusqu’en 2025. Mais c’est le stigma apposé sur l’Italie qui compterait le plus, notamment auprès des marchés financiers. Face au spectre de la récession, l’UE met en garde sur la nécessité de ‘’politiques budgétaires aptes à garantir une dette soutenable et à augmenter la croissance potentielle’’. Or l’Italie sera contrainte de creuser sa dette si elle ne trouve pas davantage de recettes. »
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, de Paolo Zangrillo (Forza Italia), ministre de la fonction publique : « Dans le cadre du PNRR, 35 900 recrutements sont lancés. De nouveaux contrats tout de suite avec la reprise de l’économie " par Gianni Trovati : « En novembre, nous avons débloqué trois contrats - santé, école et collectivités locales. C'est près de 5 milliards d'euros pour 2,2 millions d’employés, 85 % des effectifs, mais nous visons toujours à améliorer la situation actuelle. L'aspect économique est important mais ce n'est pas la seule nouveauté : les contrats innovent en matière de qualification professionnelle et améliorent les carrières, alliant mérite et formation qui, associés au sens du service public, sont des éléments clés de la motivation des salariés. Nous devons aussi nous concentrer sur l'évaluation des performances et dans la reconnaissance du mérite. J'espère que les partenaires sociaux le pensent aussi. Pour les recrutements au titre du Pnrr en 2022 et 2023 nous aurons une augmentation des fonctionnaires. Six concours ont été organisés pour le Plan, avec des classements déjà publiés pour un total d'environ 14 000 postes à durée indéterminée et à durée déterminée. Mais la fonction publique a aussi besoin de connaissances et de compétences, qui doivent être exploitées au maximum. Il faut travailler sur la motivation, la passion et la fierté d'appartenance pour une fonction publique compétitive et attractive, notamment auprès des jeunes, avec des investissements importants dans l'orientation depuis les lycées jusqu'aux universités. L'administration doit entrer dans l'éventail des choix qui s'offrent aux nouvelles générations. »
ARTICLE, La Stampa, F. Capurso « L’autonomie des régions divise la majorité, Meloni invite à la prudence mais Salvini dément qu’il s’agisse d’un simple « caprice » » : « Le sujet est abordé avec beaucoup de prudence par la Présidente du Conseil, afin d’éviter d’attiser la colère, qui avait déjà provoqué une querelle entre le gouvernement et les régions du Sud ces dernières semaines. Meloni assure qu’il n’y aura aucune accélération ‘’il faut d’abord un échange sur les compétences et les fonctions, qu’il faudra faire ensemble et sans préjugés. Le gouvernement veut travailler à un nouveau modèle de collaboration à partir de la coordination entre les politiques de l’Etat et régionales’’. C’est précisément ce que les présidents des régions du Sud voulaient entendre. Meloni a voulu convaincre qu’aucune région ne sera abandonnée car il y a une volonté ‘’d’assurer la cohésion nationale’’ et donc il n’y aura pas de disparité entre les citoyens. C’est donc une nouvelle méthode que le ministre pour les affaires Régionales Calderoli (Ligue) accepte sans broncher. Mais il veut néanmoins accélérer et pour cela il a prévu une feuille de route. Dans la loi de Stabilité, on prévoit une task force devant faire ‘’un monitorage pendant six mois pour vérifier les niveaux essentiels de prestations, les coûts et les normes standards’’ fait-il savoir. Le ministre léguiste sait bien que les présidents du Sud demandent de la prudence et de l’équité. Entretemps, le vice-Président du Conseil Salvini, qui fait de l’autonomie régionale une bannière identitaire – cela aussi pour calmer les mécontentements au sein de son parti – fait pression car cette bataille ‘’n’est pas un caprice politique mais elle aide la compétition en gâchant moins d’argent’’. Or, le Ministre Tajani est bien plus prudent, puisque Forza Italia a ses fiefs en Calabre et Sicile, et rassure : ‘’le gouvernement lancera un groupe de travail composé de ministres et qui évaluera toutes les requêtes des régions pour une autonomie qui soit juste et équitable’’. Alors que les présidents des régions du Nord craignent l’enlisement. Fontana (Ligue), président de la Lombardie, montre du doigt ceux qui ‘’sur la base de principes et pas de contenus, veulent bloquer l’autonomie’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
Giorgia Meloni
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