"L’ultimatum de Macron à la Présidente du Conseil italien, "choisissez entre le dialogue et la ligne de Salvini"."
14/11/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre toujours assez largement sur la question migratoire, en reprenant notamment les déclarations d’hier du porte-parole du gouvernement Olivier Véran et celles du ministre des affaires étrangères italien, Antonio Tajani : « Débarquements, le bras-de-fer le plus dur » - Paris et Berlin critiquent l’Italie mais le gouvernement de Rome assure vouloir aller de l’avant « dans le respect des accords ». La réunion des ministres des affaires étrangères européens se tient aujourd’hui (Corriere della Sera), « L’ultimatum adressé à Meloni » - Le gouvernement français qualifie la Présidente du Conseil de « grande perdante » et lui demande de choisir entre la ligne de Fitto ou celle de Salvini. Un engagement formel sur le respect des termes de l’accord sur les relocalisations a été demandé à l’Italie. Après Berlin, Madrid aussi choisit la ligne de Paris (La Repubblica), « « Un plan de l’UE à hauteur de 100 milliards pour les migrants » » - Le ministre A. Tajani proposera au sommet européen un plan pour l’Afrique et un code éthique commun pour les ONG. Paris insiste : la stratégie italienne est perdante. Macron est attaqué à droite comme à gauche (Il Messaggero), « Les ONG divisent l’Europe » - Paris insulte l’Italie « Meloni est la perdante » et Berlin aussi s’aligne. Tajani appelle à cesser les polémiques et Salvini demande à continuer sur la ligne dure. L’attentat meurtrier d’hier à Istanbul est aussi cité avec large couverture photographique en Une « Une bombe au cœur d’Istanbul » (Corriere), « Istanbul, une bombe provoque un massacre » (Repubblica), « Un massacre pendant un jour de fête » (Il Messaggero).
ARTICLE, Corriere della Sera, F. Basso « Migrants, le défi en Europe : Paris et Berlin partent à l’attaque » : « Les tensions entre Paris et Rome à la suite de l’affaire concernant le navire ONG Ocean Viking semblent ne pas baisser. Le sujet question migratoire en Méditerranée remonte, et le ministre Antonio Tajani le présentera aujourd’hui à Bruxelles à l’attention du Conseil des Affaires Etrangères. Un communiqué de la Farnesina explique qu’à cette occasion sera présenté « un point concernant la coopération en matière de flux migratoires, avec une référence particulière à la gestion des secours prêtés par les navires privés et à l’application des mécanismes effectifs de solidarité européenne ». Hier, le porte-parole du gouvernement français a à nouveau critiqué le refus de l’Italie d’accueillir le navire en qualifiant la décision d’«unilatérale et inacceptable » nécessitant d’une « réponse européenne ». Selon Véran, « l’Italie de Meloni est la grande perdante » car elle « dispose normalement d’un mécanisme de solidarité européenne », notamment avec la France et l’Allemagne qui se sont engagées à relocaliser les migrants « en échange du fait que l’Italie accueille les navires ». Entretemps, les files d’attente à la frontière de Vintimille sont réapparues, en raison du renforcement des contrôles du côté de la police française dans le but de bloquer les mouvements secondaires, comme annoncé par Paris il y a quelques jours. Le ministre de l’Intérieur M. Piantedosi a tenté de faire baisser la tension en expliquant qu’il n’y avait aucune volonté de rompre les liens entre des pays unis par « une fraternité ancienne » et avec laquelle « il est nécessaire de continuer un parcours commun ». Entretemps, le ministre des Infrastructures M. Salvini postait sur les réseaux sociaux à l’attention des ONG « l’étau se resserre, des sanctions, des séquestrations et plus de contrôles, le gouvernement est prêt à la ligne dure sur les débarquements ». C’est là une position claire qui se heurte à celle de Berlin. Hier, l’ambassadeur allemand en Italie a rappelé que « en 2022, 1 300 personnes étaient déjà mortes en Méditerranée. 12% des personnes rescapées ont été sauvées par des ONG. Ces dernières sauvent des vies là où l’aide des Etats fait défaut. Leur engagement humanitaire mérite notre reconnaissance et notre soutien » ».
ARTICLE Corriere della Sera, V. Piccolillo « Le gouvernement tient sa ligne : ce sont des critiques injustes, nous respectons les accords» : « G. Meloni se rend au G20 de Bali en laissant derrière elle les critiques de Paris concernant les 230 migrants de l’Ocean Viking qui n’ont pas été accueillis en Italie et qui ont débarqué à Toulon. La possibilité que se tienne une rencontre bilatérale avec le Président Macron au G20 n’est pas sûre, à ce stade. Cependant, les menaces de rétorsions venant de l’Elysée sur les relocalisations (‘’nous ne prendrons pas les 3 000 migrants de l’Italie ») ou sur les refoulements à la frontière de Vintimille, ne provoquent pas les secousses fortes escomptées et ne perturbent pas la stratégie concertée entre la Présidente du Conseil et la Farnesina, que le ministre des affaires étrangères Antonio Tajani présentera à Bruxelles. La volonté est de faire baisser la tension. Ce n’est pas un hasard si G. Meloni n’a pas répondu (et n’entend pas le faire) aux termes de « grande perdante » venus de Paris. Au contraire, on veut confirmer, comme l’a fait hier le ministre de l’Intérieur Piantedosi, qu’il n’existe aucune volonté de rompre « une fraternité ancienne ». Toutefois, il n’y aura pas de marche arrière, fait-on savoir au Palais Chigi et on répète que les critiques adressées à l’exécutif italien sont « injustes ». Le point de convergence entre le Palais Chigi et la Farnesina est clair : « la plus grande part des flux migratoires retombe sur les pays de première entrée, notamment sur l’Italie ». Le gouvernement de Rome rejette ainsi les accusations d’avoir violé, lors du bras-de-fer avec les navires d’ONG, les accords et les conventions internationales : « toutes les règles et les obligations nationales ont été pleinement respectées » au point que le nombre plus important de sauvetages dans la Méditerranée centrale, souligne-t-on, est « assuré par la Garde côtière italienne ». Dans le but de réaffirmer ces principes, Rome entend rappeler à Bruxelles la nécessité - rendue évidente justement par l’incident diplomatique avec la France – d’atteindre un « équilibre entre responsabilité et solidarité ». Car si la responsabilité retombe sur les pays de premier accès, comme l’Italie, la solidarité ne peut pas lui être niée par les autres pays de l’Union. L’affaire Ocean Viking montre alors que malgré les nombreuses négociations et l’engagement des 22 pays membres, nous sommes encore « loin d’un résultat acceptable ». Ainsi, si la France demande à l’UE de nous punir, en interrompant le mécanisme de relocalisation, le gouvernement italien réaffirme de son côté la nécessité d’un plein soutien de l’UE, de la part de la Commission comme de la part des pays membres. Avec une attention particulière à l’Allemagne, qui a fait entendre sa voix sur les sauvetages en mer, en affirmant la reconnaissance et le soutien aux ONG. A long terme, voici le raisonnement de Rome : la solution ne peut passer que par la collaboration avec les principaux pays d’origine et de transit des migrants. On demandera ainsi un engagement plus important sur les rapatriements, en soulignant les contradictions de l’UE « dont l’action ne semble pas être à la hauteur des objectifs déclarés ». Ce n’est pas un hasard si hier le ministre Tajani a à nouveau évoqué le « plan Marshall pour l’Afrique », prévoyant des accords avec la Libye, la Tunisie, le Maroc, le Niger et les autres pays du Sahel. Et un fonds à l’instar de celui dont bénéficie la Turquie pour le contrôle des flux migratoires. Hier, Tajani avait qualifié le ton employé par la France d’«exagéré », en assurant « nous voulons aborder la question migratoire avec une grande sérénité », tout en soulignant que « l’attitude de la France semble surtout liée à un problème de politique intérieure » ».
COULISSES, La Repubblica, d’A. Ginori, « L’ultimatum de Macron à la Présidente du Conseil italien, ‘’choisissez entre le dialogue et la ligne de Salvini’’ » : « Les propos d’Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, sonnent comme un ultimatum et font comprendre que la crise diplomatique entre Rome et Paris se fait plus dure. Après avoir dû accepter pour des raisons humanitaires l’accueil du navire Ocean Viking, la France pose comme pré-condition à un relâchement des tensions dans la relation bilatérale le respect non seulement du droit maritime mais aussi de l’accord européen sur les relocalisations signé en juin dernier. Le texte cite 5 pays dont l’Italie considérés comme les ports sûrs les plus proches pour l’accueil des personnes à bord des navires d’ONG. Parmi les 5, l’Italie est le premier bénéficiaire de ce pacte auquel ont adhéré 23 Etats. La France est prête à revenir complètement sur cet accord si le gouvernement de Giorgia Meloni ne respecte pas ses engagements. Paris a déjà suspendu son engagement à accueillir d’ici 2023 3500 personnes arrivées en Italie par la mer et a renforcé les contrôles à la frontière à Vintimille. Une première rétorsion qui n’exclut pas une escalade future. L’Elysée estime qu’après le faux-pas du communiqué de la Présidence du Conseil italien remerciant la France d’accueillir l’Ocean Viking, la conférence de presse de presse de Giorgia Meloni tenue vendredi n’a pas rétabli la confiance avec Emmanuel Macron. D’autres représailles sont aussi possibles au niveau européen. Les dossiers sur lesquels pourrait peser un véto de la France sont nombreux, à commencer par la question du plafonnement des prix du gaz, cruciale pour Rome. Macron arrive aujourd’hui à Bali et aucune rencontre bilatérale n’est prévue avec Meloni. Le leader français est resté silencieux jusqu’à présent, maintenant comme boussole de ses relations avec l’Italie la figure du Chef de l’Etat Sergio Mattarella avec qui il échange en coulisses. L’Elysée interprète l’incertitude de la dirigeante italienne comme le fruit des divisions internes au gouvernement entre des lignes opposées, celle des ‘’dialogueurs’’ comme Raffaele Fitto et Forza Italia, et celle des ‘’purs et durs’’ à la Matteo Salvini. A Paris on attend donc que Giorgia Meloni adhère officiellement à la ligne de Raffaele Fitto qui tente non sans peine d’assurer la médiation. Les contacts avec son homologue Laurence Boone, également chargée des Affaires européennes, ont été fréquents ces derniers jours sans pour autant permettre de trouver une solution commune, notamment parce que l’opposition politique reste forte entre les différents membres de l’exécutif. Boone représentera aujourd’hui Catherine Colonna à Bruxelles. L’ancienne ambassadrice à Rome a déjà menacé de ‘’nouvelles conséquences’’ dans la relation avec l’Italie. Pour Paris, la rencontre avec le ministre Tajani devra permettre d’éclaircir les ambiguïtés de Rome, un premier test pour comprendre si l’affaire autour de l’Ocean Viking n’est qu’un incident ou si elle marque une remise en cause définitive des règles européennes. Dans le second cas, la France est prête à annuler l’accord et à envisager ‘’d’autres mesures’’. Paris demande à l’UE ‘’de se prononcer rapidement’’. Les diplomates français veulent obtenir au moins un rappel formel de la Commission européenne en référence à l’un des articles fondateurs de l’Europe sur le respect de la dignité humaine. D’après Paris, il est inutile qu’ait lieu la réunion des ministres européens de l’Intérieur prévue à la fin du mois si le principe de ‘’port sûr’’ ([safe place]) n’est pas clarifié avant. La nécessité de faire débarquer les naufragés en Italie est contestée par le gouvernement Meloni mais Macron la juge incontournable, notamment pour des raisons de politiques intérieures. Alors qu’il est attaqué par l’extrême-droite, il souligne le caractère ‘’exceptionnel’’ de l’arrivée de l’Ocean Viking à Toulon. ‘’Une quinzaine de navires d’ONG opèrent en Méditerranée pour secourir les migrants, nous ne pouvons pas risquer de nous retrouver dans une semaine avec une autre embarcation qui se dirige vers les côtes françaises’’ confie une source du gouvernement. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, de C. Tito « La crise que le palais Chigi fait semblant de ne pas voir” : “Pour combien de temps encore le gouvernement italien peut-il regarder ailleurs, persister sur la ligne du ‘’il ne s’est rien passé’’ ? La confrontation avec la France est en train de se transformer en dispute avec l’Europe. Il faudrait une peu de prise de conscience, admettre que la situation est bien grave et qu’elle doit être traitée sans recourir aux tons grotesques de ces derniers jours. Le ton conciliant d’Antonio Tajani et Raffaele Fitto sont incompréhensibles si l’autre Vice-Président du Conseil, Matteo Salvini continue avec ses sermons. Sur ce terrain, le ‘’salvinisme’’ est dangereux. Le nœud se resserre alors autour de la France. Paris considère que les déclarations diffusées au sujet du navire Ocean Viking constituent une véritable fracture dans le rapport de confiance entre Macron et Meloni. En somme, l’Elysée attend une prise de position de la Présidente du Conseil italien, non pas pour désavouer les choix de son gouvernement, mais pour déclarer ouvertement que la ligne officiellement de l’Italie est celle que soutiennent des ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes et non celle du leader de la Ligue. C’est une attente diffuse également à Bruxelles. Notre pays se trouve affaiblit, et même un autre pays du front méridional, l’Espagne, a pris ses distances et a pris le parti de la France. Un incroyable tête-à-queue pour l’Italie. Les prochains rendez-vous au niveau européen seront l’occasion de clarifier les positions. Il est urgent de rétablir le dialogue avec un allié qui reste stratégique. Sinon, la crise empirera et les effets retomberont sur nous, sur le plan économique comme politique. Si la France en arrivait à demander un rappel de la Commission européenne à l’Italie sur les valeurs fondatrices de l’UE énoncées dans les Traités, l’Italie deviendrait une ‘’paria’’ de la communauté, comme la Hongrie ou la Pologne. En cas de discussion sur ce sujet à l’occasion du prochain sommet des leaders européens mi-décembre, l’Italie serait du côté de la Grèce, Malte et Chypre et peut-être de Pologne et de la Hongrie. De l’autre côté de la table il y aurait la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal. Ce serait une régression vers les pays de ‘’série B’’ de l’UE. Seule une trêve signée avant le 15 décembre peut rétablir l’accord de juin dernier sur la redistribution volontaire des migrants. Les défis du plan de relance seront encore plus intenses, l’examen de la prochaine loi de finances encore plus sévère, les contrôle de la BCE sur nos titres d’Etat encore plus scrupuleux. Notre pays tomberait dans la paralysie, telle est le prix d’un gouvernement ‘’salvinisé’’. »
ARTICLE, Messaggero, A. Gentili « Tajani demandera à l’UE un plan pour l’Afrique à hauteur de 100 milliards » : « Aujourd’hui à Bruxelles, le ministre Tajani présentera à l’Europe un long cahier de doléances italien sur l’urgence migratoire. Ainsi, Tajani soulèvera à ses homologues un « problème politique » : « il faut une coordination UE vraie et efficace sur les flux migratoires. L’Italie ne peut pas être laissée seule ». Tajani demandera également l’adoption de « règles claires » concernant les navires ONG et un « plan Marshall pour l’Afrique » afin d’extirper à l’origine « les raisons des exodes de personnes fuyant le continent africain ». Dans son discours, Tajani tentera de contourner le bras-de-fer avec Paris. « Je n’irai pas à Bruxelles pour lever le ton mais pour faire comprendre qu’il faut plus d’Europe. Le problème ne vient pas de Paris ou de Berlin, mais repose sur le manque de règles et d’une solidarité concrète dans la redistribution des migrants ». Une redistribution qui « n’a pas fonctionné car sur 90 000 personnes arrivées en Italie, seules 117 sur 8 000 ont été relocalisées ». Des mesures concrètes ne sont pas attendues par c sommet, celles-ci pouvant arriver fin novembre lors du Conseil des ministres de l’Intérieur. Toutefois, Tajani commencera à expliquer la pratique des règles pour les navires ONG : 1) le bateau devra se diriger vers le pays d’appartenance ; 2) si cela ne sera pas possible, l’Etat d’appartenance des navires devra prendre en charge les personnes sauvées en mer en assurant un pont aérien pour rapatrier les naufragés ou en s’accordant avec le pays de premier abord un engagement pour la redistribution immédiate des personnes sauvées. Dans ce cas, avec ces garanties, l’Italie pourrait autoriser le débarquement dans ses ports. Car, comme l’expliquera aujourd’hui Tajani à Bruxelles « les ONG ne peuvent pas jouer les taxis de la mer, avec des rendez-vous avec les passeurs dans la Méditerranée ». Pour l’Afrique, il faut suivre « le modèle turc » où l’Europe verse de l’argent à Ankara pour qu’elle bloque les flux de la route balkanique se dirigeant vers l’Allemagne. Le ministre italien demandera alors un « plan Marshall » pour favoriser le développement de ces pays pour faire face au dérèglement climatique qui provoque des famines et des alluvions. Les fonds serviraient à créer des points d’identification pour recueillir les demandes d’asile où les personnes ayant le statut de réfugié seront ensuite redistribuées entre les pays membres. Cela devrait mettre fin au massacre de migrants noyés dans la Méditerranée et les pays du Sud ne serait plus touchés par le phénomène des débarquements. Or, le problème à résoudre est celui des ONG. Puisque la France et l’Allemagne les défendent, Rome pourrait reprendre les anciens décrets de sécurité de Salvini, prévoyant de fortes sanctions et la saisie des navires. Ou bien, afin d’éviter d’exacerber le bras-de-fer, récupérer le « code de conduite » de 2017 adopté par l’ancien ministre de l’Intérieur Minniti. »
ARTICLE, Messaggero, « Une nouvelle attaque de Paris "L'Italie est perdante". Macron en difficulté » par Francesco Bechis : « Nous sommes en haute mer, littéralement, dans la crise entre l'Italie et la France sur la gestion des flux migratoires. Paris attaque à nouveau, Rome compte les points et essaie de se réconcilier. Et pendant ce temps, le président français Emmanuel Macron est pris dans un feu croisé interne - de la droite aux ONG - sur le débarquement du navire Ocean Viking dans le port de Toulon et la ligne dure sur les contrôles des migrants à la frontière. "Giorgia Meloni est la grande perdante dans cette situation" dit le porte-parole du gouvernement transalpin Olivier Véran : une énième pique contre la première ministre italienne. L'Italie "n'a pas respecté son engagement fondamental envers le mécanisme de solidarité européen", dit-il. Et elle a pris "une décision unilatérale, inacceptable, inefficace et injuste". Et confirme que l’accord de redistribution est suspendu, tandis que Berlin soutient partiellement en affirmant que "l'engagement humanitaire des ONG mérite notre gratitude et notre soutien", comme l’a tweeté hier l'ambassadeur allemand à Rome Viktor Elbling, "elles sauvent des vies là où l'aide des Etats fait défaut". Dans le même temps, cependant, Macron doit faire face à un double front de protestation dans son pays. D'un côté, la droite française est furieuse du premier débarquement de migrants d'un navire d'une ONG. "Si j'avais été présidente, je n'aurais jamais accepté", dit Marine Le Pen. Pour Eric Zemmour, président de Reconquête, avoir "cédé" dans le bras de fer avec Meloni sur le débarquement est "irresponsable, immoral, contraire à la volonté du peuple". En revanche, les associations humanitaires sont sur le pied de guerre pour "l'absence de garanties sur les droits des migrants" arrivés sur les côtes françaises. Où la plupart des 230 demandeurs d'asile resteront, mais seulement en attendant une autre destination. Les ONG françaises ont également dans le collimateur la main dure de l'Elysée en matière de contrôle des frontières. Le resserrement à la frontière italienne, où Paris a envoyé 500 gendarmes, se fait déjà sentir. Des files d'attente allant jusqu'à un kilomètre à Vintimille et des contrôles de passeport généralisés avec quatre nouveaux agents sur place (" réaction disproportionnée et non humaine ", a tonné l'évêque Antonio Suetta). Alors que dans le sud de l'Italie les débarquements se poursuivent : 60 migrants à Lampedusa, 300 autres secourus entre Pozzallo, Augusta et Syracuse, un bateau est plutôt arrivé à Roccella Jonica, en Calabre. La tension entre France et Italie est telle qu’une rencontre entre Meloni et Macron n'est pas à l'ordre du jour, pour l'instant, au G20 de Bali. D'autre part, le travail du gouvernement italien pour réduire la distance avec les Français et ramener le dossier des migrants à la table de l'UE se poursuit. C'est la mission que s'est fixée aujourd'hui le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani. Il est déterminé à rappeler au Conseil des affaires étrangères que les frontières italiennes sont des frontières européennes et que la réponse à l'exode humain d'Afrique doit être européenne. ». « Le gouvernement tend des branches d'olivier à Paris. J'espère que ce n'est qu'un coup de vent", a confié le ministre des politiques maritimes, Nello Musumeci, "nous avons besoin que tout le monde se mette autour d'une table". Essais techniques de dialogue. Nous attendons un signal de Bruxelles. »
REPORTAGE, Il Messaggero, « Le visage (peu) humanitaire de la France "Ils traitent les migrants comme des prisonniers" par Francesca Pierantozzi : « Les débarqués de l’Ocean Viking admissibles à l’asile seront triés dans onze pays européens volontaires : l'Allemagne s'est déjà déclarée prête à en accueillir quatre-vingts. Quarante-quatre mineurs accompagnés sont au contraire entre les mains des services sociaux. Selon le ministère français de l'Intérieur, cela prendra une vingtaine de jours. Lors du premier débarquement sur ses côtes, la France découvre les difficultés organisationnelles et bureaucratiques liées à l'accostage d'un navire rempli de migrants. Vingt jours pour gérer l'accueil de 240 personnes donnent la mesure de la complexité de la gestion des arrivées. Et sans même respecter à la lettre les normes humanitaires. C'est l'idée de nombreuses associations qui critiquent depuis des jours la France pour la gestion de cet atterrissage suivi par la moitié du monde. "Accueillir ne signifie pas enfermer", a déclaré à l'Agence France Presse Laure Plaun, directrice de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), qui regroupe des représentants d'Amnesty International et de la Ligue des droits de l'homme. De son côté, le Syndicat des avocats de France a dénoncé une privation de liberté et exigé le plein respect des droits des migrants. C'est un choix politique de la France, dénoncent-ils tous : la création d'une zone extraterritoriale est considérée comme illégitime. » Par ailleurs, une commission d'enquête parlementaire sur les migrations avait dénoncé à la fin de l'année dernière des "pratiques illégales qui violent les droits fondamentaux des personnes" à la frontière avec l'Italie, pointant notamment du doigt les préfabriqués dans lesquels sont enfermés les migrants retenus : des locaux "illégaux" selon le rapport de la commission, mais définis comme des "abris" par les préfectures. Le même rapport dénonce "le refoulement systématique vers l'Italie même si une personne déclare vouloir demander l'asile et même s'il s'agit de mineurs non accompagnés". La directrice de la police aux frontières des Alpes Maritimes Emmanuelle Joubert (qui a confirmé hier l'arrivée de quatre unités mobiles au poste de Garavan à Menton) a rappelé que 28 000 étrangers en situation irrégulière ont été refoulés en Italie depuis le début de l'année. »
ARTICLE, Il Messaggero, « Piantedosi : « il faut se réconcilier avec les Français » et il pense à l’installation de réfugiés dans les zones dépeuplées » par Gianni Colucci : » Matteo Piantedosi, ministre de l'Intérieur, arrive dans sa ville natale, Pietrastornina, à 15 kilomètres d'Avellino : "Je suis absolument calme, si nous en sommes aux insultes personnelles, c'est parce qu'ils ont perçu que nous sommes sur le bon chemin". A propos de la crise avec la France, il tente l'ironie : "Nous n'avons pas déclaré la guerre à la France. Mes collègues du gouvernement et moi-même ne pouvons aller jusqu'à imaginer de rompre les relations avec un pays auquel nous sommes unis par une fraternité ancienne et une communauté d'intérêts encore à parcourir". Mais hier, il y avait un blocus de la police française à Vintimille et il répète que " l’entrée en Italie ne se fait que légalement " car " arrêter les débarquements est aussi mieux pour les migrants ". Il avance résolument sur l'initiative qu'il voulait sur l'immigration et les ONG avec les ministres de l'intérieur d'Italie, de Malte, de Grèce et de Chypre. Il n'accepte pas les lectures qui vont au-delà de l'activité administrative réelle menée dans ces heures sur les migrants et revendique le projet politique du gouvernement Meloni (qu'il appelle " le premier ministre ") : " Je suis très impressionné par cette lecture selon laquelle un gouvernement qui a un certain type d'inspiration - légitimé par les citoyens pour gouverner - doit le faire avec la vision que les autres ont de certains phénomènes ". Et toujours au sujet de l'immigration : "Nous voulons créer des mécanismes pour inverser la dépopulation dans les régions intérieures, nous avons intérêt, avec le gouvernement, à présenter à l'Europe un plan pour créer des flux d'entrée gérés par les différents États. Nous avons l'ambition que l'arrivée des citoyens étrangers - qui sont les bienvenus et dont nous avons besoin - se fasse avec des mécanismes qui sont régis par les États et non par les trafiquants".
COMMENTAIRE, La Stampa, A. De Angelis « L’absence de stratégie d’une petite Italie » : « S’il n’y avait pas eu des déclarations comme celles venant du porte-parole du gouvernement français, il aurait fallu les inventer face au choix du gouvernement Meloni de proposer une réédition du Conte I et de sa bataille navale contre l’ « égoïsme européen ». Du point de vue stratégique, c’est justement le manque d’un plan italien qui représente un problème. Au conseil des ministres des affaires étrangères d’aujourd’hui, une petite Italie, en version souverainiste, au lieu de gérer les causes des migrations venant de l’Afrique, se dispute sur ses effets et propose un axe avec Malte, Chypre et la Grèce. Mais quand on voit tous les dossiers en attente, cela devrait pousser l’exécutif italien à éviter l’isolement dans les dynamiques européennes. Cela n’aidera pas dans la réforme du Pacte de Stabilité, qui, en recevant la proposition Draghi-Macron, donne la possibilité à la Commission de négocier avec les pays un parcours sur la dette, là où nous sommes particulièrement exposés. Et cela n’aide pas non plus sur le Plan de Relance, pour lequel nous bénéficions du quota le plus important des 15 pays qui ont demandé une réévaluation face à la crise énergétique et à la flambée des matières premières. »
ARTICLE, Il Giornale, « Cet axe Franco-allemand qu’il sera difficile d’égratigner. Voici la tenaille qui ne veut pas des relocalisations » par Francesco Giubilei : « La volonté d’isoler l’Italie en Europe à cause de la friction entre Rome et Paris sur les migrants doit aussi tenir compte de l’axe franco-allemand, fondé sur une collaboration bilatérale qui progresse depuis des années. C’est justement par une surenchère entre Paris et Berlin que la question de la révision des règles européennes sur les migrations n’a pas abouti jusqu’à présent. Le mécanisme de répartition volontaire n’a pas fonctionné. Mais tous les pays de première arrivée (sauf l’Espagne) réclament un changement des règles comme le montre la lettre conjointe de Malte, Chypre, Grèce et Italie. Meloni ne cache pas ses doutes quand elle parle, sur le franco-allemand, du risque d’un « super Etat à l’intérieur de l’UE » aux dépends du troisième pays le plus important, l’Italie. On se souvient encore de la conférence de presse conjointe Merkel-Sarkozy du temps de la crise du spread, avec leur rire sur la situation de l’Italie de Berlusconi. Pour Macron et Scholz, si l’intérêt national italien est en jeu, il faut être pro-européen, mais si c’est sur les mêmes sujets que l’intérêt national est en jeu pour leur pays, alors il faut être souverainiste. Seule la gauche italienne ne l’a pas compris ».
ARTICLE Corriere della Sera, S. Montefiori « L’offensive de l’extrême droite française et la stratégie de Macron » : « Le président Macron doit faire face non seulement aux souverainistes qui sont à la tête du gouvernement à Rome mais aussi à ceux de l’opposition en France. L’extrême droite française est peut-être plus sévère par rapport à celle italienne car elle a une occasion d’or pour pouvoir mettre en difficulté la majorité. Il y a deux semaines, le ministre Darmanin présentait les premières lignes d’une nouvelle gestion de l’immigration, quitte à aller à une dissolution pour exhiber une confiance sur une victoire plus confortable. Il a suffi du refus italien de l’Ocean Viking pour changer le climat et mettre Macron dans l’embarras : si avant il était critiqué à gauche pour être trop dur contre les immigrés, maintenant il passe pour un président indécis à vouloir protéger les Français d’une « submersion migratoire » comme dénoncé par Marine Le Pen. Ainsi, le gouvernement français se retrouve face à une situation presque intenable : il a été plus ou moins obligé d’ouvrir le port de Toulon sans toutefois revendiquer jusqu’au bout une décision qu’il sait bien être impopulaire. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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