"Meloni et la réalpolitik de Macron, "évitons la rupture avec Rome"."
22/09/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur le discours du Président V. Poutine à la nation, annonçant la mobilisation partielle des réservistes pour soutenir l’invasion en Ukraine et évoquant l’utilisation de « tout moyen » pour « défendre la Russie des menaces de l’Occident ». Les quotidiens rapportent également le discours du Président américain J. Biden à l‘Assemblée Générale des Nations Unies « La menace de Poutine adressée au monte entier » - Le Tzar mobilise 300 000 réservistes et évoque l’arme atomique. Biden : une guerre nucléaire n’a pas de vainqueurs. (Corriere della Sera), « La poudrière russe » - Poutine mobilise ses réservistes. Des protestations, des arrestations et la fuite à l’étranger. Moscou menace : sur le nucléaire ce n’est pas du bluff (La Repubblica), « Menace nucléaire, le monde contre Poutine » - Pour Biden, la Russie est irresponsable, personne ne peut remporter une guerre atomique. Coup de froid avec la Chine qui plaide pour une trêve immédiate et qui s’oppose aux référendums d’annexion (La Stampa), « Poutine fait peur même aux Russes » - ´nous sommes prêts à utiliser toute sorte d’armes’ affirme le Tzar (Il Messaggero). La campagne électorale en vue des élections législatives du 25 septembre est aussi citée en Une « Le Sud décidera du résultat des élections » - C’est un défi entre Meloni et Conte dans les régions du sud et le revenu de citoyenneté est le sujet-clé (La Repubblica), « La remontée de Conte au Sud, Meloni risque de perdre » (Fatto Quotidiano).
Les JT couvrent essentiellement l’Assemblée Général des Nations Unies, avec les allocutions des présidents américain et ukrainien au sujet de l’annonce du Kremlin de la mobilisation partielle de ses réservistes et de la menace nucléaire, les protestations et les arrestations dans la Russie, et enfin les obsèques des cinq victimes des intempéries dans les Marches.
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Le destin du PD et du M5S dépend du résultat des élections dans le Sud d’Italie » : « L’affirmation du M5S dans le Mezzogiorno est une prévision répandue, renforcée par les derniers sondages diffusés avant la période de réserve. Il s’agit d’une inconnue pouvant conditionner le résultat de dimanche et proposant à nouveau la question d’un système politique à trois pôles et non plus bipolaire. Du coup, le Mouvement 5 Etoiles peut représenter cette inconnue pouvant influencer le résultat du 25 septembre cela aussi grâce à une campagne électorale de Giuseppe Conte sans scrupules et démagogique, très efficace au Sud. C’est donc là un scénario qui n’avait pas été prévu et qui pourrait changer la donne, notamment au Sénat où la coalition de droite pourrait ne pas obtenir la majorité. Par ailleurs, on pourrait assister à un chamboulement des équilibres de force à gauche, avec un M5S renforcé et un PD amoindri et assujetti au parti de Conte. Ce qui ouvrirait la voie à un avenir en style Mélenchon. »
ENTRETIEN, Il Tempo, de Giorgia Meloni, leader de Fratelli d’Italia, par D. Di Mario et C. Solimene, « Meloni a un rendez-vous avec le futur ‘’Ainsi je relancerai l’Italie’’ » : « Si une femme parvenait pour la première fois à la tête du gouvernement un plafond de cristal sera véritablement rompu, de même qu’un tabou qui pénalise les femmes. Ce ne serait pas seulement symbolique : nous sommes déterminés à œuvrer concrètement en faveur de l’égalité femmes-hommes, notamment pour les salaires, et pour concilier le droit au travail et à la maternité. Les attaques pleuvent à mon encontre mais nous avons les épaules larges. Celles qui font référence au fait que je suis une femme et une mère sont le plus blessantes pour moi. Aujourd’hui le secrétaire du PD voudrait expliquer ce que c’est d’être une femme. La vérité c’est que la gauche et certaines féministes deviennent fous à l’idée qu’une femme de droite devienne Présidente du Conseil, là où eux-mêmes n’ont jamais osé aller. Cette campagne électorale a été marquée par des propos haineux et des provocations systématiques, la gauche se réfugie dans le terrorisme, mais qu’en serait-il si un membre de FDI avait eu de tels propos ? La nation sera pacifiée que lorsque la gauche cessera d’instrumentaliser l’histoire contre ses adversaires ou privilégiera à l’étranger l’intérêt national plutôt que celui de sa propre faction. Le président Draghi ne m’a pas donné de conseils, la dernière fois que nous avons discuté nous avons seulement échangé sur la crise énergétique. Mon avis est bien connu : je ne remets pas en cause les qualités de Draghi mais c’est aux citoyens de choisir leurs gouvernements. C’est ce dont nous avons besoin pour rendre à l’Italie sa crédibilité politique. Si FDI et le centre-droit remportent les élections, l’Italie ne perdra pas les fonds du PNRR, nous tenterons tout au plus de les dépenser plus rapidement. D’autres pays membres envisagent de modifier leur plan de relance, pour tenir compte de la période actuelle, en accord avec la Commission européenne. Naturellement, nous ne reviendrons pas sur ce qui a déjà été fait et sur les projets en cours. La question de l’ajustement des appels d’offres compte tenu de l’augmentation du coût des matières premières ne peut être éludée. Le premier chapitre du programme commun du centre-droit réaffirme les piliers historiques de la politique étrangère italienne : l’Europe et l’Alliance atlantique. La Hongrie est un Etat démocratique, même si le modèle en Europe de l’Est est différent du fait du joug soviétique sous lequel nous les avons abandonnés. Aujourd’hui plus que jamais nous devons leur tendre la main et les accompagner si il y a véritablement des problèmes de transparence. Il faut dépasser les idéologies, ne pas agir sur la base des sympathies ou des aversions politiques. Un conflit est en cours au cœur de l’Europe, il faut œuvrer pour rapprocher les nations européennes plutôt que pour les éloigner. Il me semble que mon inquiétude est partagée par le Département d’Etat américain. »
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Enrico Letta, dirigeant du Parti Démocrate « Meloni fait tout son possible pour affaiblir l’Europe et cela serait un cadeau pour Poutine » : « : « ‘’Je suis convaincu que l'escalade de Poutine lui créera beaucoup de problèmes chez lui, comme le montrent la fuite de nombreux citoyens et l'opposition intérieure croissante. Mais il est clair que nous sommes entrés dans une phase extrêmement délicate. Poutine vit une crise en raison de l'échec retentissant de sa guerre, un échec total, inexorable. Les nouvelles venant de Moscou et de l’Ukraine doivent orienter le vote des Italiens. J’ai l’impression que l’on a beaucoup sous-estimé l’importance de ces élections. Comme l’a dit Orban lui-même, si la droite l’emporte en Italie, ce sera une grande nouvelle, pour Poutine, bien entendu. Malgré une posture de façade atlantique, Meloni est alliée d’Orban en Europe et de Salvini en Italie, soit la personne qui œuvre le plus pour le projet de Poutine. Le vote de soutien à la Hongrie de Fratelli d’Italia au Parlement Européen montre bien que la posture de Meloni n’a pas changé du tout. Du point de vue électoral, un succès du M5S au Sud favorise le PD et cela prouve la grande gêne du Mezzogiorno qui se sent abandonné et qui s’accroche au revenu de citoyenneté.’’ »
ENTRETIEN, La Stampa, de Giuseppe Conte, président du M5S « L’arme atomique ? Personne ne doit jouer avec le feu ; la droite n’est pas apte à gouverner » : « Je redoutais cette nouvelle étape dans l’escalade des tensions et elle est en train de se vérifier. Je suis très inquiet car dans la stratégie que nous sommes en train d’appliquer il ne semble pas y avoir d’issue. Pourtant elle existe : il faut négocier une paix qui empêche le conflit de s’élargir ou de dégénérer. A l’heure actuelle, personne ne peut se permettre de parier sur les véritables intentions de Poutine, à la tête d’une superpuissance dotée d’armes non conventionnelles. Dos au mur, sa réaction pourrait être très dangereuse. L’Italie doit être protagoniste d’un sérieux effort diplomatique au sein de l’Alliance atlantique. Nous devons poursuivre une victoire politique qui garantisse les droits du peuple ukrainien et une paix solide et durable. Le gouvernement Draghi a eu soin de suivre la stratégie définie à Washington alors qu’il aurait pu donner une impulsion à la stratégie euro-atlantique pour la porter davantage sur la négociation. Je ne me serais pas opposé aux sanctions ni à l’envoi d’armes aux Ukrainiens mais je me serais opposé à une stratégie qui amène à la guerre à outrance. Je ne remets pas en cause l’alliance atlantique mais tous les intérêts de l’Europe et des Etats-Unis ne se recoupent pas. Ce sont nos concitoyens qui paieront les conséquences. Lorsque j’ai signé les accords avec la Chine, mon seul intérêt était celui de notre balance commerciale et de rattraper notre retard par rapport à d’autres pays européens dans ce domaine, introduisant des clauses pour faire respecter les valeurs occidentales. Sur la politique étrangère je suis un fervent défenseur du multilatéralisme. Nous croyons en l’idée du développement du pays en même temps à un système de protection sociale. Nous avons remis sur pied le tissu productif national grâce au Superbonus. Nous voulons aller jusqu’à la suppression de l’impôt régional sur l’activité de production, et simplifier les relations entre les entreprises et le secteur public. Je revendique le mérite de la croissance de 6,6% du PIB que tente de s’attribuer Draghi. La perspective de faire partie d’un gouvernement aux côtés de Calenda, qui fait entrer à nouveau Renzi au Parlement, est exclue. Les méthodes de la droite sont inadaptées, et le vote de Salvini et Meloni au Parlement européen en faveur d’Orban marque une nouveauté inquiétante. S’ils cautionnent ce tournant anti-libéral et autocratique alors ils ne sont pas adaptés pour gouverner en Italie. »
PREMIER PLAN, La Stampa, d’A. Barbera, « Le chef de la Maison Blanche cherche un appui en Draghi » : « Lorsque Matteo Salvini et Silvio Berlusconi ont souhaité la chute du gouvernement Draghi contre la volonté de Giorgia Meloni, ils n’ont pas anticipé le scénario que beaucoup redoutaient et qui se réalise aujourd’hui : avec l’appel aux armes de Poutine, la guerre entre dans sa phase la plus délicate. La réunion des ministres européens des Affaires étrangères convoquée aujourd’hui en urgence doit préparer le terrain en vue de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement les 6 et 7 octobre à Prague. Mario Draghi y représentera encore l’Italie alors qu’il reste aux yeux de Joe Biden la meilleure garantie contre toute tentation de pencher vers l’ennemi russe. Les deux leaders ont échangé brièvement hier soir de façon informelle. Dans son discours à l’Assemblée Générale de l’ONU, Draghi a prononcé les mots rassurants que beaucoup attendaient sur la relation entre l’Italie, l’UE et l’OTAN. A Washington, Paris et Berlin, on attend l’issue du scrutin de dimanche avec une certaine anxiété. La sortie du chancelier Scholz contre la possible victoire du centre-droit reflète la pensée de Biden et de Macron. Tous espèrent qu’aucun résultat clair ne sorte des urnes, ouvrant la possibilité à un gouvernement Draghi bis. Les chances sont presque nulles : Mattarella sait qu’il devra confier l’exécutif au parti victorieux, soit à Giorgia Meloni. Les portes d’une nouvelle responsabilité pourraient bien s’ouvrir en grand pour Draghi : le secrétariat général de l’OTAN. »
ARTICLE, La Repubblica, T. Ciriaco « Draghi et ses alliés de l’Otan, un bouclier dans les pays baltes et plus d’armes à Kiev » : « Une chose est certaine, Draghi adopte une ligne claire vis-à-vis du président américain : la volonté maximale de Rome sur de nouvelles fournitures militaires à Kiev et sur de nouvelles sanctions contre Moscou, renforçant l'effort de l'OTAN le long des frontières orientales du continent. De toutes ses mesures, le Président du Conseil tiendra évidemment au courant Giorgia Meloni ou toute autre personne qui sortira gagnante de la compétition électorale. L’Italie intensifiera la fourniture d'armements avec un décret interministériel qui sera adopté dans la seconde moitié de la semaine prochaine. Draghi - en liaison constante avec le ministre de la défense Lorenzo Guerini - garantira à Kiev de nouveaux équipements et systèmes militaires. L'autre étape clé est la réaction de l'OTAN à la mobilisation des réservistes russes. En Lituanie, l'alerte est très élevée, les troupes nationales sont déjà en alerte maximale. Les ministres européens des affaires étrangères se sont réunis hier soir. Ceux de la Défense se réuniront les 13 et 14 octobre. La ligne, pour l'instant, est un mélange de prudence et de vigilance : pour réagir à Poutine, il faut comprendre ce qui va se passer à Moscou et évaluer si et à quelle vitesse la Russie va rappeler les civils sous les armes. Le processus déclenché par le Tsar prendra plusieurs semaines, car il passera par une phase de formation. Si, toutefois, tout se passe comme prévu, l'OTAN ne restera pas les bras croisés. Kaliningrad demeure ainsi le point géographique crucial, d’où pourrait passer une menace russe pour le territoire européen. Deux options sont possibles : renforcer la présence des troupes de l’Otan dans les pays baltes et accélérer les plans de réponse à une éventuelle mobilisation générale. Pour sa part, Mario Draghi depuis le Palais Chigi assurera l’engagement de l’Italie. »
ARTICLE, La Repubblica, C. Tito « Stop au pouvoir de véto, le défi aux souverainistes se joue en Europe » : « Le match le plus décisif se joue ces jours-ci sur le terrain de la proposition faite en juillet dernier par le Parlement européen. C'est-à-dire, convoquer une nouvelle Convention pour réformer les traités fondamentaux de l'Union, notamment le vote à l'unanimité qui représente le plus grand obstacle à l'efficacité du système européen. Comme nous l'avons vu par ailleurs ces derniers mois en ce qui concerne la capacité à réagir immédiatement à l'attaque russe en Ukraine. L'objectif est ensuite de parvenir à un vote approuvant la proposition des députés dans le courant de l'année. Un effort qui, cependant, enflamme discrètement le conflit. Car réduire le droit de veto des États membres individuels signifie céder une partie de sa souveraineté à l'Union. Ce serait là une défaite pour les nationalistes, qui opposent systématiquement le souverainisme à la souveraineté européenne. L’accélération imprimée par la Présidente Ursula von der Leyen, par ailleurs abordée dans son discours sur l’Etat de l’Union, s’explique par le fait que le prochain semestre de présidence européenne sera assuré par la Suède, où un gouvernement conservateur avec le soutien du parti souverainiste est en train de se former. Il est difficile que Stockholm favorisera le parcours de cette réforme. »
COULISSES, La Repubblica, d’A. Ginori, « Meloni et la réalpolitik de Macron, ‘’évitons la rupture avec Rome’’ » : « Emmanuel Macron fait preuve d’un prudent optimisme lorsqu’il évoque avec son entourage l’issue des élections de dimanche en Italie. Malgré le départ de son principal allié en Europe, Mario Draghi, et du possible avènement d’un gouvernement des droites, le chef d’État est convaincu que la coopération entre la France et l’Italie est ‘’inéluctable’’. Une source proche du gouvernement confie ‘’avec la guerre en Ukraine, le scénario a changé : nous devons travailler à Rome quel que soit l’exécutif’’. Une rupture serait un nouveau cadeau à Poutine, affirment les macronistes, d’autant plus que Giorgia Meloni continue à émettre des signaux encourageants à Paris. L’entretien conciliant au Figaro a été remarquée, dans laquelle la dirigeante évoque ‘’deux nations amies’’ et propose de ‘’donner du contenu’’ au Traité du Quirinal. L’entreprenariat français qui se souvient du cauchemar de la crise diplomatique en 2018 partage la bénédiction des entrepreneurs italiens. ‘’Meloni ce n’est pas Salvini’’ répètent certains diplomates français soulignant la distance avec Moscou et l’atlantisme de la leader de FDI. ‘’Attention à ne pas pousser l’Italie dans les bras d’Orban’’ rappelle-t-on à ceux qui voudraient contester le nouvel exécutif. Mais d’autres alertent sur le piège dans lequel pourrait se retrouver Macron : normaliser Meloni c’est donné un avantage politique immédiat à Marine Le Pen. Autour de Macron, les rôles vont se diviser entre les ‘’macronistes de gouvernement’’ et ceux qui auront davantage de liberté d’expression. En coulisses, les ministres ont reçu la consigne de pas interférer avec les affaires de l’Italie pour ne pas raviver le sentiment anti-français qui reste sous-jacent en Italie. Paris est donc loin de Berlin et des déclarations du SPD. Une visite d’Enrico Letta n’est pas prévue à ce jour bien qu’elle ait été évoquée. Macron garde une relation forte aussi bien avec Draghi que Mattarella et semble avoir été rassuré sur la continuité de la relation. Une autre source bruxelloise proche de Macron admet que ‘’certains points d’achoppement seront inévitables, comme sur l’immigration et les questions de société.’’ Mais les plus pragmatiques insistent surtout sur les convergences : plafonnement européen du prix du gaz, révision du Pacte de stabilité et, dit-on, même la révision du PNRR ne devrait pas être un ‘’tabou’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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