"La leader de Fratelli d’Italia insiste sur son atlantisme et même le léghiste Matteo Salvini assure avoir changé d’avis sur Poutine suite à l’invasion de l’Ukraine."
21/09/2022
Italie. Revue de presse.
L’annonce de l’organisation de référendums d’annexion dans le Donbass, à Kherson et à Zaporijjia fait les gros titres de la presse italienne. Les observateurs mettent en avant une « manœuvre » pour tenter de légitimer l’escalade côté russe, qui ferait monter la menace nucléaire ainsi que le mystère autour du discours à la nation de Poutine, annoncé puis reporté : « Poutine, l’arme des référendums » - Les pro-russes annoncent le vote pour l’annexion du Donbass à Moscou. L’Europe et les États-Unis qualifient la décision d’une « farce ». Mystère sur le discours de Poutine, annoncé puis reporté (Corriere della Sera), « Poutine défie le monde avec un vote fantoche » - Les États-Unis déplorent le non-respect de la Charte de l’ONU (La Repubblica), « La dernière folie de Poutine » - Le référendum pour annexer l’Est et le Sud de l’Ukraine et la mobilisation (La Stampa), « Ukraine, le cauchemar nucléaire. Draghi : L’Italie continuera avec l’Otan et l’UE » - Poutine se dit prêt à annexer les territoires occupés, pouvant ainsi appliquer les protocoles nucléaires. Draghi à l’ONU dénonce une grave violation (Il Messaggero). Le discours de Mario Draghi à l’Assemblée Générale de l’ONU et la campagne électorale en vue des élections législatives du 25 septembre sont aussi cités.
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de M. Franco, « La perspective de tensions croissantes en Europe » : « Les suites de la visite d’Enrico Letta au chancelier Olaf Scholz empoisonne les derniers jours de la campagne électorale. Elle a notamment eu pour effet de radicaliser les critiques de la droite vis-à-vis de la Commission européenne, de l’UE et de l’Allemagne dirigée par les sociaux-démocrates. Ces dernières semaines Giorgia Meloni s’était distinguée par son approche plus diplomate et modérée sur la politique étrangère. Mais désormais la perspective d’une victoire de son camp la conduit à tenir un ton plus dur avec les nations historiquement alliées, à commencer par l’Allemagne et la France. Plus inquiétant encore, une renégociation du Plan de relance approuvé par le gouvernement Draghi n’est pas exclue. Il est peu vraisemblable que l’Italie puisse avoir une position moins nette vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine. La leader de Fratelli d’Italia insiste sur son atlantisme et même le léghiste Matteo Salvini assure avoir changé d’avis sur Poutine suite à l’invasion de l’Ukraine. La ligne de discorde se déplace de la guerre sur le front oriental pour se rapprocher des frontières et de la politique européennes. Giorgia Meloni est convaincue que la Commission européenne use de ‘’deux poids deux mesures’’, et pas seulement sur les avertissements de Bruxelles contre le gouvernement hongrois. ‘’Il y a déjà deux commissaires européens qui ont un problème avec le fait que nous gagnions les élections’’ se plaint-elle. Elle souhaite que Vox, l’extrême-droite eurosceptique, l’emporte en Espagne. Ce ne sont pas des provocations mais plutôt la réaction de celle qui pense avoir la victoire à portée de main et a décidé de gagner, sans cacher qui elle est, au risque de renforcer la défiance internationale. Peut-être avec l’intention non confessée de démentir sa supposée entente avec Draghi, à l’attention de son électorat le plus radical. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, « Le M5S au sud : la variable qui pourrait freiner l’avancée de la droite » par Roberto D'Alimonte : « Depuis des semaines, on estime que la coalition de droite l'emportera avec une majorité absolue de sièges tant à la Chambre qu'au Sénat. Il s'agit d'une hypothèse fondée non seulement sur le pourcentage de voix qui lui a été systématiquement attribué par les sondages, qui pourrait même être surestimé, mais surtout sur le fait indiscutable que les rivaux (à gauche et au centre, ndlr) sont divisés, ce qui les rend peu compétitifs. Comme on le sait, le système électoral prévoit l'attribution d'environ deux tiers des sièges selon une formule proportionnelle et d'un tiers dans des circonscriptions uninominales où le candidat ayant obtenu une voix de plus l'emporte. En supposant que la droite remporte 42 % des sièges à la proportionnelle, elle devrait obtenir au moins 65 % des sièges de la majorité pour obtenir la majorité absolue. En revanche, si elle remporte 45% des sièges à la proportionnelle, il lui suffira de remporter 60% des sièges à la majorité. Au Sénat, 60% des sièges de la majorité signifie 44 sièges sur 74. Par conséquent, pour empêcher la droite d'atteindre 101 sièges, ce qui constitue une majorité absolue (sans les sénateurs à vie), les "autres" devraient remporter 31 sièges. Quels "autres" sont capables de le faire ? La coalition de gauche remportera un certain nombre de sièges entre le Trentin-Haut-Adige, l'Émilie-Romagne, la Toscane et quelques grandes villes. Mais pour en gagner 31, il faudrait que les sondages se trompent lourdement. Calenda, Italexit etc. ne gagneront aucun siège (nous parlons toujours de sièges non nominatifs). Il reste donc les M5S. Jusqu'à récemment, personne n'aurait parié un centime sur eux, mais à présent, le sentiment est que ce n'est plus le cas. La surprise qui pourrait bouleverser les prédictions faites jusqu'à présent pourrait venir de ce côté. Lors des élections législatives de 2018, les M5S ont remporté dans les régions du sud (à partir de Rome) 43 % des voix et ont obtenu 83 % des sièges uninominaux. Au Sénat, les choses se sont passées à peu près de la même façon. Aujourd'hui encore, sa base électorale est là et peut le récompenser grâce au crédit qu'il a gagné avec le revenu de citoyenneté. Pour remporter les circonscriptions uninominales du Sud, il suffit d'obtenir entre 30 et 35 % des voix. C'est un pourcentage élevé, mais pas hors de portée pour le parti de M. Conte. Dans le Sud, 31 circonscriptions sont en jeu au Sénat. Si le Mouvement en remporte la moitié, la somme de ces circonscriptions avec celles que la coalition de Letta gagnera dans le reste du pays pourrait priver la droite d'une majorité absolue. Surtout si, dans le même temps, son pourcentage de voix devait être inférieur à 45%. Il est difficile qu'un tel scénario se produise, mais pas impossible. Les Cinq Étoiles nous ont déjà surpris en 2013 et en 2018. Même à cette époque, les sondages les ont largement sous-estimés. Ils pourraient nous surprendre à nouveau le 25 septembre. Les conséquences seraient paradoxales. »
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « La baisse de la pression fiscale et la réduction des factures seront immédiatement prévues dans la loi de finances » : « Fratelli d'Italia représente la seule véritable alternative aux gouvernements que nous avons eus ces 10 dernières années, soutenus par des majorités expérimentales qui n'ont pas réussi à améliorer la vie des Italiens. Tous les indicateurs macro-économiques montrent l'échec de ces années de forte instabilité, l'Italie étant systématiquement la lanterne rouge en Europe en termes de croissance et d'emploi. Nous voulons donner à l'Italie un gouvernement stable, capable de libérer les forces productives, de donner une perspective aux jeunes et d'aider concrètement ceux qui créent la richesse et les emplois en Italie. Le recours à la dette n'est pas un tabou, et si cela sert à protéger les entreprises et les ménages, nous utiliserons cette possibilité. Mais avant, je crois qu'il y a d'autres pistes possibles, avec des ressources qui peuvent provenir, par exemple, de l'augmentation des recettes fiscales liées à l'inflation et de l'utilisation d'une partie des fonds européens, comme cela a déjà été le cas pour la Covid. Je pense que c'est une attitude responsable, avant d'accabler nos enfants d'une nouvelle dette publique et éviter que l’Italie ne se retrouve dans le viseur de la Commission européenne, des marchés, des agences de notation et des spéculateurs sur l'Italie. La coalition de droite a toujours voté de manière unie pour soutenir Kiev, ce sont les faits. Sur le programme commun, nous l'avons écrit clairement et sans équivoque, à l’inverse de la soi-disant coalition de gauche où certains partis prévoient de remettre en discussion ces principes. Sur la hausse des prix énergétiques, la seule façon concrète d'avancer est de fixer un plafond européen au prix du gaz et de découpler le prix de l'énergie produite avec du gaz de celle produite avec d'autres sources. Je trouve très grave le silence de Letta et de la gauche sur la timidité européenne sur ces questions. Mais si l'opposition du gouvernement socialiste allemand et du gouvernement néerlandais se poursuit, le découplage devra se faire au niveau national. Les priorités de notre gouvernement seront l’emploi, les ménages et les factures. Les ressources du plan de relance doivent être dépensées de manière rationnelle et en temps voulu, et les retards actuels doivent être comblés. Toutefois, nous ne pouvons ignorer le fait que la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont éclaté après l'approbation du PNRR. Nous proposerons donc à la Commission des modifications spécifiques et opportunes, dans les limites de l'article 21 du règlement, afin d'allouer davantage de ressources à l'approvisionnement et à la sécurité énergétiques, de libérer l'Italie et l'Europe de la dépendance à l'égard du gaz russe et de tenir compte de l'augmentation généralisée des prix’’. »
Giorgia Meloni à Palerme
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, de Silvio Berlusconi, dirigeant de Forza Italia « Moins d’impôts et moins de bureaucratie, avec un sorte de « whatever it takes » pour l’énergie » : « ‘’Nous sommes les seuls, dans cette campagne électorale, à parler de choses concrètes. Proposer une vraie baisse des impôts, une vraie réduction de la bureaucratie, une vraie réforme de la justice, une vraie augmentation des retraites, une vraie chance pour l'avenir des jeunes. Parce que pour un électeur centriste, modéré, libéral, une voix donnée à Forza Italia est le seul vote utile, le seul vote rationnel, parce que nous serons dans le gouvernement du pays et pourrons influencer sa ligne de manière décisive. Bien sûr, nous agirons en plein accord avec l'UE, mais la « paix fiscale » est indispensable, non pas tant pour trouver des ressources que pour ne pas harceler les contribuables, les familles et les entreprises déjà en difficulté. Les jeter à la rue serait non seulement inutile et cruel, mais engendrerait un coût social supplémentaire. Nous sommes prêts à faire un "whatever it takes", pour que les augmentations ne retombent pas - ou seulement dans une mesure très limitée - sur les factures des entreprises et des ménages. Nous essaierons de le faire sans dérapage budgétaire, si cela est possible. Nous faisons partie du Parti populaire européen, nous serons donc les garants de la loyauté européenne et atlantique du futur gouvernement. Nous ne pouvions pas faire partie d'un gouvernement qui ne présente pas ces caractéristiques. Notre Europe, pour être clair, est celle de Manfred Weber, président du PPE, pas celle d'Orban qui a quitté le PPE parce qu'il était incompatible.’’ »
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, de Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue « La priorité sera de freiner la hausse des prix énergétiques, puis la réforme des retraites et la paix fiscale » : « ‘’Nous avons toujours et uniquement été du côté de l’Italie parce que nous avons montré que nous passons des paroles aux actes. Je vous rappelle les décrets sur la sécurité, l’arrêt des arrivées des débarquements des migrants, la taxe forfaitaire de 15% pour les professions libérales (redevables de la TVA) jusqu'à 65 000 euros, du quota 100, du code rouge contre la violence à l'égard des femmes, du décret de Gênes qui a permis la reconstruction du pont en un temps record. La « flat tax » à 15 % est un objectif de mandat, mais dès les premiers mois de gouvernement, nous pouvons réduire la charge fiscale des familles et des retraités jusqu'à des seuils de revenus précis en utilisant les ressources tirées de la réforme des tranches d'imposition sur le revenu (Irpef), en réduisant le gaspillage du revenu de citoyenneté. Par ailleurs, baisser la pression fiscale a toujours généré une récupération de l’évasion fiscale et permet ainsi plus de recettes pour l’Etat. Quant à la réforme des retraites le « quota 41 », je tiens à souligner son caractère raisonnable et durable qui est soutenu même par les syndicats. Elle permettrait d'offrir une retraite digne à ceux qui ont travaillé toute leur vie, en laissant de la place aux jeunes sans empêcher ceux qui veulent travailler plus longtemps de le faire. La Ligue a toujours voté toutes les mesures et sanctions pro-ukrainiennes contre la Russie, y compris les mesures militaires. L'invasion de l'Ukraine est impardonnable et Moscou devrait être sanctionné à juste titre. Une autre question est de savoir comment soutenir ceux qui souffrent le plus des retombées aujourd'hui. Des observateurs internationaux comme The Economist, ont montré que les Etats qui décident des sanctions risquent de souffrir plus que les Etats sanctionnés. C'est pourquoi l'Europe doit intervenir immédiatement, comme elle l'a fait pour Covid, avec un plan extraordinaire de soutien à l'économie réelle : le rationnement, en somme, ne suffit pas’’. »
Matteo Salvini : "Stop aux débarquements. Je crois en une Italie sûre. Nous l'avons fait et nous le referons."
PREMIER PLAN, La Repubblica, de V. Conte, « Le coup d’arrêt de la Ligue sur la fiscalité : le Sénat mine la réforme des taxes demandée par Draghi » : « Le projet de réforme fiscale n’existe plus, le Sénat y a mis fin hier, après presque deux années de travail, 70 auditions parlementaires et l’approbation du texte par la Chambre en juin dernier. C’est une véritable claque au travail parlementaire mais aussi à Draghi qui avait appelé à deux reprises les forces politiques à voter favorablement. En vain, car la Ligue a saboté le texte, sans la résistance des autres partis et les chefs de groupe ont liquidé la question en à peine 10 minutes. La réforme devait réduire les taux d’imposition de l’IRPEF, l’impôt sur le revenu, et abolir progressivement l’IRAP, impôt régional sur les activités de production, rationaliser la TVA et autres taxes, l’extension de la flat tax au-dessus des 65 000 euros, la taxe numérique, les sanctions légères sur de petites erreurs de déclaration ou encore le système de taxe sur le travail. Il n’y aura pas non plus de révision du cadastre. Cette réforme fiscale était pourtant prévue dans le cadre du PNRR, bien qu’elle ne conditionne pas l’obtention des fonds. Le texte approuvé par la Chambre en juin pourrait être repris par le prochain gouvernement mais cela semble en l’état peu probable. Il y a fort à parier que si la droite l’emporte, le système d’imposition qu’il mettra en place sera bien différent, autour de la flat tax. Dans ce domaine-là aussi, les contradictions entre les alliés ne manquent pas. Mais au fond, au centre-gauche non plus personne ne pleure sur la fin de ce projet de réforme, le Pd, Sinistra et les Verts jugeant le système injuste. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco et P. Mastrolilli, « Draghi se montre ferme face à Poutine : ‘’il piétine les règles, nous devons poursuivre sur la voie des sanctions’’ » : « Devant l’Assemblée générale de l’ONU, la condamnation de la Russie par Mario Draghi a été entière. ‘’Les référendums pour l’indépendance dans le Donbass constituent une nouvelle violation du droit international que nous condamnons avec fermeté’’ a-t-il déclaré avant d’ajouter ‘’les responsabilités du conflit sont claires et concentrées sur une seule des parties’’ et il faut donc aider Kiev à se défendre, y compris militairement. A l’échelle multilatérale, ‘’l’Italie travaille à la démilitarisation de la zone de Zaporijjia’’. A New-York, la tension alimentée par Poutine est palpable et le discours du chef de l’exécutif italien, dur et direct, s’en ressent. Sa priorité est de promouvoir la poursuite des sanctions contre Moscou mais appelle aussi l’Europe et les Etats-Unis ‘’à faire plus’’ pour amortir le coût du chantage énergétique avec le plafonnement du prix du gaz. En somme, la ligne du Président du Conseil est celle des Etats-Unis. Mais hors de ces murs, une possible victoire des souverainistes aux prochaines élections agite les partenaires occidentaux. D’où la volonté d’organiser une rencontre avec Biden, y compris de manière informelle, et les deux délégations y travaillent. Mario Draghi sera à New-York jusqu’à jeudi matin et pour lui être reçu par Biden est fondamental et symbolique à la fois, il y compte véritablement. Pour la Maison Blanche non plus, ce n’est pas un détail, compte tenu de l’escalade de Moscou, qui rend aussi nécessaire le renforcement du flanc méditerranéen de l’OTAN. La pression exercée par les Américains sur les équilibres italiens est par ailleurs évidente. Washington voudrait que Draghi reste en selle même après les élections, de même que Bruxelles. Il est possible que ce scénario –très théorique compte tenu des derniers sondages – occupe une partie de l’entretien. En tous cas, à l’étranger, il est clair que le souverainisme de Meloni et Salvini inquiète. Avec notamment la crainte d’un changement de position vis-à-vis de Poutine. Cette droite paralysera-t-elle l’Europe en décidant d’affronter Paris et Berlin comme le promet la leader de Fratelli d’Italia ? Le Président du Conseil esquive mais en vérité il joue lui aussi son futur. Il ne se soustrairait pas à un éventuel nouvel appel, si les conditions étaient réunies, et n’aurait peut-être même pas le choix. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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