"Le SPD (Allemagne) dit non aux postfascistes."
20/09/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur la campagne électorale et notamment la rencontre entre Enrico Letta (secrétaire général du Parti démocrate) et Olaf Scholz, ainsi que les déclarations du président de la SPD contre la perspective d’une Italie dirigée par la droite « postfasciste ». Ce déplacement et les propos rapportés suscitent des réactions par les partis de la coalition de droite, tandis que la presse rapporte les avertissements du secteur financier : « L’affaire Berlin s’invite dans les élections » - Letta se rend chez Scholz. Le SPD dit non aux postfascistes. Meloni accuse : ils veulent nous mettre l’UE à dos. Salvini dit avoir changé d’avis sur Poutine après l’invasion en Ukraine. Draghi célébré à New York : seule la coopération peut résoudre les problèmes (Corriere della Sera), « Berlin : « non aux postfascistes » » - La Spd de Scholz soutient Letta et prévient : Meloni conduirait l’Italie sur une mauvaise route. Le Pen soutient Salvini : je serai toujours avec toi ! Les craintes de Wall Street : avec la droite au pouvoir, la dette et le spread seront hors de contrôle (La Repubblica), « Dette et impôts, la droite inquiète les marchés » - Selon le rapport des fonds et des banques d’affaires internationales : Rome risque la sortie de route (La Stampa), « On vote en Italie mais on décide à l’étranger » - Les ingérences vont de l’avant : Draghi aux Etats-Unis, Scholz avec Letta et Le Pen avec Salvini (Fatto Quotidiano). Les obsèques solennelles pour la Reine Elizabeth II, célébrées hier à Londres, sont aussi largement citées avec couverture photographique en Une.
Sur Twitter, le hashtag #Meloni en référence à la campagne électorale, fait tendance.
ARTICLE, La Stampa, A. Barbera « Draghi, défense à l’italienne » - D’une part il assure la continuité de l’Italie aux yeux du monde, d’autre part il défend l’autonomie du pays à la veille des élections : « Le voyage de Mario Draghi à New York se fait pendant les derniers jours d’une campagne électorale qui a désormais franchi les frontières nationales. D’une part le vote de Fratelli d’Italie et de la Ligue en faveur de la Hongrie de Orban, de l’autre les déclarations hasardeuses d’un fonctionnaire de l’administration américaine et les propos du SPD qui craint l’arrivée de la droite italienne au pouvoir. Draghi se voit pris dans l’étau, devant d’une part assurer la continuité institutionnelle de l’Italie aux yeux du monde et d’autre part défendre l’autonomie d’un pays qui se rend aux urnes dans un climat qui a vu plusieurs tentatives d’ingérences. Hier, Draghi a fait une longue tribune sur l’importance du dialogue et de la coopération comme la ‘’seule voie pour affronter les problèmes globaux’’. A cette occasion, il a rappelé les bases de cette coopération ‘’la démocratie, l’Etat de droit, le respect des droits humains et la solidarité’’. Il ne pouvait certainement pas critiquer ouvertement les deux partis de droite en faveur d’Orban. Une chose est certaine : plus les préoccupations des partenaires européens et américains sur la continuité italienne en politique étrangères augmentent, plus les rumeurs (à Rome et ailleurs) sur un prochain rôle institutionnel de Draghi à l’avenir montent. Pour l’instant, Draghi jouera ce rôle de bouclier qui défend l’image de l’Italie à l’étranger. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de M. Franco, « Les alliances européennes sont à nouveau centrales »: « La question des relations avec l’Europe est en train de revêtir plus d’importance que prévu. Les signaux émis et reçus depuis l’étranger montrent combien le vote de dimanche est perçu comme décisif y compris pour l’UE. La perspective d’une victoire du centre-droit mené par Giorgia Meloni est une inconnue pour les institutions européennes, avec la crainte surtout que cela marque le début d’une phase conflictuelle. Le centre-droit a réagi durement à la façon explicite, proche de l’ingérence, dont le SPD allemand a pris parti pour Enrico Letta et le PD. Mais le message de l’ultra-droite française de Marine Le Pen à l’attention de Matteo Salvini n’a pas été moins embarrassant. Il est intéressant de voir toutefois comme ces éléments peuvent être source de conflits non seulement entre les forces politiques mais également en leur sein. Il suffit de penser à la brèche qui s’était ouverte au centre-gauche entre le Parti démocrate et le Mouvement 5 Etoiles sur la question du soutien à l’Ukraine et de l’envoi d’armes. Aujourd’hui, c’est le soutien de Giorgia Meloni et Matteo Salvini à Viktor Orban, anti-européen et pro-russe, qui génère des tensions au sein de la coalition favorite. Silvio Berlusconi, qui n’a pourtant jamais caché son amitié avec le leader hongrois, a dit hier ‘’Giorgia sait très bien que l’Europe et l’occident sont notre grand et irremplaçable point de référence’’. La sensation est que Forza Italia cherche à jouer les médiateurs pro-européens au sein d’une coalition qui pencherait plutôt en faveur de ‘’l’autre Europe’’, souverainiste, tentée de renégocier le Plan de Relance et encline à remettre en cause les sanctions de l’UE contre ceux qui ne respectent pas certains de ses principes fondamentaux. Quand le chef de groupe de la Ligue tient des propos obscurs tels que ‘’Aujourd’hui cela arrive à Orban mais demain ce peut être le tour de l’Italie pour peu que [Bruxelles] ne soit pas d’accord avec notre politique migratoire’’, on peut s’interroger sur ce qui est en train de se préparer. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Galluzzo, « Pour Giorgia Meloni, ‘’le PD attise [contre nous] les pouvoirs étrangers’’ puis s’en prend au gouvernement et au Président du Conseil » : « Giorgia Meloni attaque Letta et le soutien qu’il va chercher à l’étranger plutôt qu’auprès des Italiens suite à son déplacement en Allemagne. La visite est critiquée également par Giulio Terzi di Sant’Agata, candidat de Fratelli d’Italia, ancien ministre des Affaires étrangères et qui pourrait retrouver le même portefeuille. ‘’La déclaration du Président de la SPD Klingbeil, en conférence de presse avec Letta, invitant les Italiens à voter pour le PD puisque Giorgia Meloni met en cause l’attitude de l’Allemagne, est un exemple typique du manque de respect de la gauche pour le libre choix des Italiens’’ déclare-t-il. Silvio Berlusconi prend lui aussi la défense de son alliée : ‘’l’accuser d’être un danger pour la démocratie est ridicule’’. Giorgia Meloni continue pour sa part de dénoncer un système de pouvoir qui ce serait ligué contre elle, attaquant également le gouvernement Mario Draghi. Elle se dépeint en victime d’un complot ‘’Dans aucune démocratie occidentale le gouvernement ne tolère de telles provocations qui, en pleine campagne électorale, pourraient générer du désordre social. Ces gens parlent d’Europe mais leur modèle est le régime de Ceausescu.“ Mario Draghi aurait été anti-européen en désapprouvant ses alliances avec la Hongrie et la Pologne. En revenant sur le revenu de citoyenneté, elle accuse le PD et le M5S de l’attaquer sur la question de la pauvreté ‘’eux qui sont des riches individus jamais sortis de leurs milieux aisés’’. La polémique s’étend à d’autres questions de société ‘’j’ai grandi dans une famille matriarcale alors que tu présides un parti avec tes homologues, presque tous des hommes, et c’est moi qui voudrais une société patriarcale ?’’. Elle répond à Letta qui l’avait accusée d’exalter un modèle social machiste et réactionnaire à travers son slogan ‘’Dieu, Patrie, Famille’’. A noter enfin l’éditorial du Financial Times pour qui ‘’L’UE devrait encourager ce pas démocratique. Eviter un gouvernement Meloni, avec toutes ses positions anti-libérales, ne ferait que l’acculer vers les extrêmes les plus sombres du nationalisme partagé par Orban’’. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, d’A. Polito, « Comment déchiffrer les dernières déclarations des leaders ? » : « Quelque chose est en train de se passer à l’approche des élections. En l’absence de sondages récents, nous avons voulu analyser les dernières déclarations des candidats pour essayer de comprendre. Il y a quelques jours, Silvio Berlusconi a complètement chamboulé la ligne traditionnelle de la droite sur le revenu de citoyenneté : ‘’augmentons-le et étendons-le à tous les citoyens en situation de pauvreté, soit 4,7 millions d’Italiens’’ a-t-il déclaré à la surprise générale. Peut-être que cela trahit un report électoral au Sud, à la frontière entre l’abstentionnisme et les bénéficiaires du revenu de citoyenneté ? Et que Forza Italia a un besoin vital de consensus venant du Sud de la Péninsule pour ne pas s’effondrer ? Si c’est bien le cas et que quelque chose se joue dans le Mezzogiorno, qui en est le bénéficiaire ? On peut trouver des éléments de réponse dans l’assurance, parfois agressive, de Giuseppe Conte après ses bains de foule à Naples ou à Catane. Il a même promis à Meloni une ‘’guerre civile’’ si le revenu de citoyenneté devait être aboli et défié Renzi de se rendre dans le Sud sans son escorte. Enfin, on pourrait voir un certain changement de ton dans la campagne de Meloni, jusqu’à présent rassurante et apaisée, elle apparait désormais plus nerveuse et ‘’identitaire’’. Est-elle seulement ‘’un peu fatiguée’’ comme elle l’a dit, ou il y a autre chose ? »
ARTICLE, La Repubblica, S. Bennewitz « Le monde de la finance attend Meloni et craint que les fonds pour le plan de relance ne soient bloqués » : « Les banques d’affaires sont déjà en train d’évaluer les scénarii avec le nouveau gouvernement qui s’apprête à sortir des élections. La perspective du changement de majorité a déjà fait monter l’incertitude et fait augmenter le spread. Les grands noms de la finance internationale, qui déplacent de grandes sommes d’argent avec leur décisions, préconisent un scénario encore pire : si un éventuel gouvernement Meloni devait s’éloigner de manière importante de l’agenda Draghi, le spread pourrait dépasser la barre des 300 points de base. Les géants de la finance pointent du doigt deux facteurs critiques : d’une part les promesses électorales de la coalition de droite pouvant faire exploser les comptes publics et mettre en péril la soutenabilité de la dette italienne ; de l’autre les dangers sur la mise en place du Plan de relance considéré comme moteur de la croissance italienne mais qui est destiné à être remis en cause selon les déclarations de la dirigeante de Fratelli d’Italia. Par exemple, Barclays estime que si Fdi et Ligue devaient maintenir leurs promesses électorales, il faudrait environ 70 milliards d’euros et faire donc recours à la dette. Les promesses d’une réduction des impôts dans un contexte d’inflation-récession préoccupent aussi la Société Générale, selon laquelle la plus grande inconnue est comprendre si et comment Meloni voudra continuer la ligne tracée par le gouvernement Draghi. D’où la grande attente de vouloir connaitre le nom des prochains ministres pour comprendre quelles sont les véritables priorités du nouvel exécutif. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Meloni contre Salvini, le défi à droite » : « La visite rapide et inattendue d’Enrico Letta au Chancelier allemand Scholz a comme but de passer un message clair : montrer à l’électorat qu’à quelques jours des élections, le dirigeant du PD est en mesure de trouver les portes ouvertes à Berlin comme à Paris. Contrairement à Meloni qui est amie d’Orban et des Polonais, qui dirige le groupe des Conservateurs, à l’opposition dans le parlement européen. Bref, Enrico Letta a joué la carte du prestige sur la scène européenne. Il a choisi d’ignorer les sondages et de tenter une remontée finale, tentant la grande surprise, ce qui ne serait pas une nouveauté dans l’histoire de la politique. En revanche, Meloni et Salvini suivent une autre route, hostile au contexte de l’européisme orthodoxe, celui selon lequel le droit communautaire tendrait à prévaloir sur celui national. Et c’est justement sur cette base qu’Orban a été condamné, mais a obtenu un soutien par le vote opposé de Fdi et de la Ligue. On pourrait imaginer que Meloni n’a aucun intérêt à provoquer les capitales européennes et von der Leyen par ce vote. Mais ce comportement doit se lire selon un prisme national : le principal problème du probable gagnant de dimanche prochain, Fdi, s’appelle Salvini, dont on s’attend des coups de tête sans fin, lui qui est peu disposé à accepter le leadership de son alliée. La priorité de Meloni est donc celle d’amoindrir son allié-rival et de lui prendre un maximum de voix. Pour ce faire, elle a voulu dépasser à Salvini sur le terrain du souverainisme. Du reste, Orban est honni en Europe mais beaucoup moins à Washington. Et la ligne de Meloni est peu européenne et très atlantiste. »
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, d’Enrico Letta, dirigeant du PD « Du sérieux et du patriotisme de notre part, diminuons tout de suite les charges sur le travail » : « Nous sommes un gage de sérieux, avec une classe dirigeante expérimentée et ancrée dans le territoire. Nous avons soutenu Draghi quand tous les autres ont contribué à sa chute. Je pense au défi historique du Plan de Relance. Les ambiguïtés de la droite à ce sujet sont inquiétantes. Je veux insister aussi sur la notion de patriotisme, celui de ceux qui poursuivent l’intérêt national en sachant bien que ce dernier passe par l’Europe et la crédibilité internationale. Les entrepreneurs le savent bien. La défense de la patrie à travers le retour au nationalisme et au souverainisme et la plus grande supercherie de notre époque. L’alliance élargie avec le M5S et le duo Calenda-Renzi nous avait permis de remporter deux élections administratives difficiles, ce qui me porte à penser que c’était la bonne formule. Je pense que le protagonisme du PD a déplu. Renzi et Calenda se sont décrédibilisés tous seuls, que vaut leur parole ? Giorgia Meloni est un danger pour le projet européen et affaiblirait l’Italie. Elle tente d’apparaitre modérée mais vote bel et bien en faveur d’Orban et des régimes les moins démocratiques du continent. Le centre-gauche a déjà la direction des principaux chefs-lieux en Lombardie et nous nous sommes affirmés comme premier parti en Vénétie lors des élections communales, alors que Salvini recule nettement. Le Nord de l’Italie n’a pas compris le choix de faire tomber le gouvernement Draghi et s’en inquiète. Nous avons des propositions claires à leur faire, comme la réduction des charges salariales demandée depuis longtemps par Confindustria. Mais aussi de la simplification et davantage d’accompagnement pour les (jeunes) entrepreneurs. L’écart budgétaire devra être le dernier recours, misons d’abord sur les ressources existantes pour les familles et les entreprises. Il faut plafonner le prix du gaz et dé-corréler les marchés, et je suis optimiste après ma rencontre hier avec Olaf Scholz. Notre programme a été très bien noté par les experts du point de vue environnemental. Nous avons imaginé un fonds anti ‘’not in my backyard’’ avec des compensations territoriales accompagnant chaque projet. Il faut être franc, notre principal objectif pour cet automne est d’éviter d’entrer en récession. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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