"Orban cherche le soutien de Meloni : les élections en Italie seront déterminantes afin d’éviter de perdre les fonds européens."
19/09/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur la dernière semaine de la campagne électorale et notamment les grands meetings du week-end, en vue des élections législatives du 25 septembre : « Duels et accusations entre les dirigeants » - Letta mise sur le soutien des maires du PD. Selon Meloni, des provocateurs chercheraient à créer des incidents lors de ses meetings et critique l’UE. Salvini au meeting annuel de la Ligue à Pontida propose son programme (Corriere della Sera), « Il faut rediscuter la souveraineté de l’UE » - Meloni prévient l’Europe : l’intérêt national vient d’abord. Puis elle critique la ministre Lamorgese de ne pas avoir su empêcher la venue de provocateurs lors de ses meetings (La Repubblica), « Meloni : on cherche l’incident » - La dirigeante de FdI déplore six contestations en 15 jours et remet en cause la ministre de l’Intérieur. Salvini à Pontida promet la fin de la redevance télévisuelle. Letta qualifie le meeting de la Ligue à Pontida de « province de la Hongrie » (Il Messaggero), « Je suis prête à gouverner » - Entretien de Giorgia Meloni : je déplore la désinformation de Letta et compagnie, ce sont eux les vrais anti-européens, nostalgiques de l’Union soviétique (Il Giornale). Les intempéries meurtrières de ces derniers jours dans les Marches et la possibilité que la Commission Européenne puisse entamer la procédure de suspension du financement des fonds communautaire à la Hongrie sont également citées.
Sur Twitter, les hashtags #QueenElisabethII en référence aux funérailles de la Reine d’Angleterre et #SalviniPagliaccio (Salvini clown) en référence à la proposition du dirigeant de la Ligue de supprimer la redevance télé, font tendance.
ENTRETIEN, Il Giornale, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « Je suis prête à gouverner » : « ‘’La désinformation de la part de la gauche a atteint des niveaux jamais vus auparavant dans cette campagne électorale, mais les faits démentent leurs attaques. Fdi et la coalition de droite ont toujours voté en faveur du soutien à l’Ukraine. Par ailleurs, la posture occidentale ainsi que le respect des engagements pris avec l’Alliance Atlantique sont écrits dans notre programme commun. Sur les propos de l’ambassadeur américain Volker il n’y a pas grand-chose à ajouter à part le fait qu’il a lui-même mis au clair que Fdi n’a aucun lien avec la Russie. Ce sont les autres partis qui ont un problème de positionnement international. Je me réfère à Letta, qui s’est allié avec les nostalgiques de l’URSS, qui ont voté contre l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan et qui veulent cesser l’envoi d’armes à Kiev. Ce ne sont pas les conservateurs européens, que j’ai l’honneur de diriger, qui veulent amoindrir l’Europe. Ce sont les autres, les soi-disant vrais européistes qui – dans un moment aussi délicat où nous sommes attaqués et où nous devrions vouloir une UE plus unie et plus forte –soutiennent une Europe à deux vitesses, avec une première et une deuxième division. Ils sont en train de faire tout leur possible pour pousser la Hongrie dans les bras de Poutine. Pousser Budapest en dehors de l’UE, voire de l’Otan, représente un cadeau pour le Kremlin. Avoir une femme au Palais Chigi signifierait ouvrir la voie à l’affirmation, à tous les niveaux, des femmes en Italie. La priorité est de mettre à l’abri les ménages et les entreprises face à la flambée des factures, puis baisser les charges salariales et pousser les entreprises à créer de l’emploi avec un modèle basé sur le principe ‘’plus tu embauches, moins d’impôts tu paies’’. Nous mettrons la famille au centre avec des politiques structurelles et de long terme pour sortir de cet hiver démographique dans lequel se trouve l’Italie. Il est fondamental d’ouvrir pendant la prochaine mandature le chapitre des réformes à partir de celle sur le présidentialisme.’’ »
ARTICLE, Il Messaggero, C. Guasco « Salvini et le cauchemar d’un échec électoral » : « Si l’emplacement demeure le même que celui du dernier rassemblement de 2019, aujourd’hui tout a changé. A l’époque, la Ligue était créditée de 34% des intentions de vote et depuis le « Papeete », soit la fin du premier gouvernement Conte, venait de se consumer. L’enjeu aujourd’hui est bien plus élevé, à une semaine des élections, avec le cauchemar de passer sous la barre des 10% et des mécontentements diffus auprès de la base qui se sent trahie sur l’autonomie du Nord. Aujourd’hui, sur l’estrade de Pontida, le dirigeant de la Ligue a pas mal de chose à se faire pardonner par ses électeurs, comme l’alliance avec le M5S ou l’introduction du pass sanitaire qui n’avait guère été digérée. Et il le reconnait ‘’nous avons commis des erreurs ? Celui qui agit peut en commettre…’’ puis commence la liste des promesses ‘’nous mettrons fin à la redevance télé, dix autres pays l’ont fait. 90€ en plus représentent une somme importante pour un retraité, cela signifie multiplier par trois ses courses’’. On passe ainsi à la présentation d’un programme à six points, allant de l’autonomie des régions au stop à la flambée des prix des factures, de l’abolition de la loi Fornero sur les retraites et la réforme « quota 41 », la fin de l’arrivée des migrants à la flat tax à 15%, enfin une « justice juste ». Or, le peuple de la Ligue est nerveux tout comme la direction. Une défaite électorale mettrait en discussion le leadership du parti. Et Salvini en est bien conscient. »
Matteo Salvini à Pontida
AFFARI & FINANZA, Repubblica, « Le spoil system à venir, voici la toile que tisse Meloni » de Giovanni Pons : « Avec la montée de Meloni dans les sondages, les lobbies qui se rapprochent de son entourage sont plus actifs pour influencer les choix sur les nominations à venir, dans le gouvernement et dans les entreprises publiques. Des banques d’affaires l’ont approchée récemment pour une rencontre à la City, ce qu’elle avait accepté d’abord, puis, par peur d’être instrumentalisée, a décliné. Elle ira seule, quand elle le souhaitera. Quand elle a annoncé à Milan qu’avec l’UE « la fête est finie », on a eu l’impression qu’elle s’en prenait à l’UE qui fournit pourtant des fonds précieux, mais elle voulait peut-être dire que les Français et les Allemands, à l’avenir, auront plus de difficultés à acheter des entreprises chères au made in Italy, à la différence de ce qui s’est passé ces 20 dernières années. C’est Ignazio la Russa qui a corrigé le tir, co-fondateur de FDI, et conseiller qui a le plus la confiance de Meloni sur les sujets économiques. Juste après lui, on retrouve Crosetto, le beau-frère Lollobrigida, le responsable économique Maurizio Leo et le sénateur Fazzolari. Un poste-clé sera le ministère de l’économie et des finances (MEF), qui devra être occupé par une personne de confiance. Meloni aurait suggéré Panetta sur la recommandation de Draghi, qui a effectué une carrière brillante à la banque d’Italie avec Ciampi, puis Fazio, Draghi et Visco. Il serait le moins technocratique des banquiers centraux et politiquement proche de la droite. Mais il aspire à être le prochain gouverneur de la banque d’Italie et prévient que s’il quitte son poste à la BCE, rien ne dit qu’il sera remplacé par un Italien. Parmi les alternatives, il y a Tremonti, ou bien Domenico Siniscalco, déjà à la tête du MEF après la démission de ce dernier en 2004. Le MEF est essentiel pour certaines nominations, comme la direction générale du Trésor. Le MEF est vu par Meloni comme un fortin de la gauche à conquérir. C’est aussi du MEF que dépend la direction de la CDP, où Draghi avait nommé en 2012 M. Scannapieco, technocrate très apprécié des chancelleries européennes. Si Meloni veut donner une tonalité plus nationaliste à l’économie, la Caisse deviendra son bras armé essentiel. Au printemps 2023, on désignera aussi les DG de Eni, Enel, Leonardo, Poste, Terna ; certains sont stratégiques en période de crise énergétique. Meloni se demande d’ailleurs s’il ne serait pas temps de créer un ministère de l’énergie, que l’ex DG de Eni et ENEL, Paolo Scaroni, lui conseille de créer et serait prêt à occuper, avec ou à la place de Cingolani, un autre ministre que Draghi conseillerait de garder. Pour le comité olympique de Milan Cortina, Meloni songerait à Andrea Abodi, actuel président du Credito Sportivo. Le maintien de Profumo à la tête de Leonardo sera plus délicat, après deux mandats et une nomination par Gentiloni. On dit que Crosetto lui-même serait intéressé, alors qu’il est aussi président de la fédération des entreprises italiennes de l’aérospatial, la défense et la sécurité de Confidustria. »
ARTICLE, L’Economia, F. De Bortoli « Tous les dossiers économiques qui sont encore ouverts » - Réseau unique, avions, banques : les dossiers qui attendent le nouveau gouvernement : « Ce n’est pas un mystère que Meloni a demandé des conseils à Mario Draghi sur les thématiques économiques et financières. Le Président du Conseil ne s’est pas dérobé, en cohérence avec ses déclarations du mois d’aout : ‘’l’Italie s’en sortira avec n’importe quel gouvernement qui émergera après les élections’’. Le dossier le plus épineux et urgent est celui du réseau unique des télécommunications, soit l’avenir de TIM et d’Open Fiber, toutes deux ayant une participation de la Caisse de Dépôts et de Prêts (CDP). Les deux groupes se trouvent en difficulté. On attend une offre de rachat non contraignante, prévue initialement d’ici le 31 août, puis reportée au lendemain des élections. Le Conseil d’administration évaluera la proposition. Le premier actionnaire de TIM, le français Vivendi, serait disposé à verser une sommes de 39 milliards. En revanche, l’hypothèse d’une OPA de la CDP sur TIM, qui plait au syndicat de droite UIL et à Fratelli d’Italia, nécessiterait une quantité de capital impliquant une recapitalisation de CDP, avec un risque d’en fragiliser les fondations. Et puis il y a le dossier d’Ita Airways. Malgré les déclarations sur la nécessité d’une « italianité » de la compagnie, il ne semble pas que la coalition de droite soit disposée à remettre les négociations de rachat en discussion. Cela provoquerait des problèmes insurmontables avec Bruxelles, qui vient d‘autoriser l’octroi de la première tranche (400 millions) de l’augmentation de capital. Par ailleurs ITA, avec désormais 3 500 employés, ne mobilise plus le grand bastion électoral romain d’antan. Reste ensuite le dossier de la BMPS dont le ministère des Finances détient 64,2% du capital. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco, « Rassurer les alliés sur Kiev, les quatre jours de Draghi aux Etats-Unis » : « Mario Draghi se rend aujourd’hui à New-York où il restera quatre jours. Demain, il parlera devant l’Assemblée de l’ONU et il insistera auprès des alliés sur les piliers de l’Italie : L’Europe et l’OTAN. Et le soutien à l’Ukraine. Il ne manquera pas d’insister également sur l’efficacité des sanctions. Un voyage délicat après l’alerte lancée par les Etats-Unis sur l’infiltration de la Russie en Europe à travers des financements à certains leaders et partis. Il devra surtout réaffirmer la position atlantiste de l’Italie alors que le soutien occidental à Kiev porte ses fruits. Mais le double-ancrage de l’Italie, dans l’UE et l’OTAN, pourrait être affaibli à l’issue des prochaines élections, surtout si les partis souverainistes triomphaient. Mario Draghi défendra le pays et rassurera ses interlocuteurs sur le fait que l’Italie ne rompra pas le front occidental contre Poutine. On a beaucoup écrit sur le rôle de ‘’garant’’ entre Giorgia Meloni et les Etats-Unis dont qui devait culminer lors de cette visite à New-York, mais les propos durs du Président du Conseil à l’égard de la favorite des sondages lors de la conférence de presse vendredi dernier témoigne d’une froideur voire d’une distance. L’ONU est aussi le théâtre des efforts multilatéraux. A voir si une réunion entre américains, russes et ukrainiens pourra se tenir en marge de l’Assemblée, avec peut-être une médiation chinoise. Mario Draghi quant à lui rencontrera demain le Président de l’Assemblée générale de l’ONU puis le Secrétaire générale Antonio Guterres. A noter également une rencontre sur la question climatique. Une entrevue avec Biden n’est pas exclue. Son agenda privé laisse place à des rencontres en lien avec son futur dans les institutions, de la Banque mondiale, à l’OTAN, en passant par les institutions européennes. »
ARTICLE, La Stampa, M. Bresolin « Orban cherche le soutien de Meloni : les élections en Italie seront déterminantes afin d’éviter de perdre les fonds européens » : « Les négociations avec Bruxelles afin d’éviter la coupe des fonds a déjà commencé et entrera dans le vif dans les six prochaines semaines. Or, Orban est conscient du fait que ce bras-de-fer pourrait se révéler une défaite. C’est pour cela qu’il sait que le vrai match pourrait se jouer vers la fin novembre et début décembre. Pour le remporter, il aura besoin du soutien de certains gouvernements amis. Du coup, le positionnement du prochain exécutif italien pourrait se révéler déterminant. Rome pourrait l’aider à construire cette minorité de bloc nécessaire afin de repousser la tentative de la Commission de fermer les robinets des fonds de cohésion. Les signaux reçus jeudi avec les voix des députés européens de la Ligue et de Frateli d’Italia vont justement dans la direction souhaitée par le Premier ministre hongrois. Pour obtenir ce bloc de minorité, Orban devrait trouver le soutien d’au moins quatre Etats membres représentant un total dépassant les 35% de la population européenne. Orban observe de près le nouveau gouvernement qui est en train de se former en Suède, certes. Mais c’est surtout l’Italie, avec son 13,4% de population européenne, qui peut déplacer les équilibres en UE. »
PREMIER PLAN, La Stampa, de F. Grignetti, « Pour Berlusconi ‘’les politiques d’Orban sont loin de nous’’ ; pour Giorgia Meloni, ‘’il y a une question de souveraineté nationale’’ : « Au centre-droit, la question dérange et l’agacement des leaders est évident. Pourtant la question est cruciale : sont-ils du côté du respect de l’Etat de droit ou du côté de la Hongrie ? Silvio Berlusconi se veut très clair et on perçoit depuis plusieurs jours son embarras pour les choix de ses alliés souverainistes. ‘’Orban est un leader démocratiquement élu et en cela il doit être respecté. Mais il est clair que notre point de référence en Europe est le PPE, ça ne peut pas être Orban. Ses politiques sont loin des nôtres, de même que sa vision de l’Europe. Nous devons nouer les alliances avec les grands pays amis si nous voulons préserver notre intérêt national’’ a réaffirmé le leader de Forza Italia avec l’appui de tout son parti. Mais c’est loin d’être clair au sein du centre-droit. Salvini fait comprendre qu’il n’acceptera pas d’ingérences de Bruxelles. ‘’Je veux que l’Italie ait un rôle de protagoniste en Europe, et pas de simple suiveuse des choix de Paris et de Berlin. Moi, je veux changer cette Europe où une poignée commande et ce sont les autres qui payent’’ déclare-t-il appelant à une certaine rupture. La vraie question est donc l’agacement des souverainistes vis-à-vis de Bruxelles, de Paris, de Berlin. Giorgia Meloni tente de couper court au sujet d’Orban : ‘’il fera ses choix mais je ne ferai pas ce que dit Orban, je ne m’occupe que de l’intérêt national italien. Mais je ne suis pas d’accord avec ce que l’UE fait avec la Hongrie, nous n’avons pas intérêt à diviser l’Europe alors qu’une guerre est menée contre l’Occident’’. La cheffe de Fratelli d’Italia laisse elle aussi présager une politique de rupture avec l’UE ‘’la question de nos politiques, nationales et européennes, qui doivent s’amalgamer est une vraie question. Cela n’implique pas de sortir de l’UE mais il faut mener une réflexion sur comment mieux organiser la défense de l’intérêt national dans une dynamique européenne’’. Tout tourne autour du vrai problème : le rapport avec Paris et Berlin. ‘’On sait bien que si on n’introduit pas de prix-plafond européen : c’est parce que ça n’arrange pas l’Allemagne. Ou la France qui nous dit que maintenant elle ne nous vend plus d’électricité’’. Ou encore aux Pays-Bas qui profitent des prix élevés’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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