"Matteo Salvini est remonté à bloc."
01/08/2022
Italie. Revue de presse.
Les stratégies d’alliance en vue des prochaines élections générales du 25 septembre font la une de la presse italienne. Le refus pour le moment de Carlo Calenda, dirigeant du parti centriste Azione, de rejoindre le PD dans une coalition occupe notamment les premières pages : « Calenda freine sur le pacte avec le PD » (Corriere della Sera), « Letta-Calenda, une alliance en danger » (Stampa) ; « Ca passe ou ça casse » : « Rencontre in extremis pour un centre gauche uni » (Repubblica). Le souhait probable de Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue, de retrouver son ancien portefeuille de ministre de l’intérieur fait aussi la une après certaines déclarations ce week-end sur les chiffres des migrations. Dans le même temps, le meurtre d’un migrant nigérian jeudi dernier à Civitanova dans les Marches, alors que les témoins n’auraient rien fait pour l’empêcher, fait aussi la une et occupe les pages intérieures des journaux, suscitant un débat sur le racisme en Italie.
Les JT couvrent essentiellement les stratégies d’alliance en vue des prochaines élections générales du 25 septembre. On reprend l’appel d’Enrico Letta à l’unité alors que Carlo Calenda, dirigeant du parti centriste Azione, refuserait toujours de rejoindre le parti démocrate au sein d’une coalition. Di Maio lance officiellement sa propre liste : "Impegni Civico". Sur la guerre en Ukraine, les JT rappellent qu’un premier navire contenant du blé a quitté Odessa et mentionnent l’attaque de missiles sur la ville de Mikolaiv, tandis que Zelensky alerte sur une offensive russe au Sud de l’Ukraine.
INTERVIEW, Corriere della Sera, de Carlo Calenda, dirigeant de Azione : "Avec cette coalition, on se moque de nous. J'ai demandé des choses précises, j'attends des réponses de Letta' », par Maria Teresa Meli : « "Nous sommes très déçus de la discussion avec le PD. Nous avons commencé un chemin avec Enrico Letta qui parlait de l'agenda de Draghi. Aujourd'hui, cet agenda a totalement disparu. Nous avons présenté un document précis sur la manière dont nous entendons gouverner le pays. Nous n'avons pas eu de réponse". Carlo Calenda n'aime pas être vu comme celui qui fait traîner les négociations avec les démocrates. Selon le leader de Azione, c'est le contraire, c'est Letta qui prend son temps : " Cela fait une semaine que je lui demande de me répondre et cela fait une semaine que des gens qui représentent le contraire de ce que nous devrions faire entrent dans la coalition ". "Letta au lieu de faire entrer Marco Bentivogli fait entrer Federico D'Incà qui n'a pas voté la confiance. Cette coalition devient inapplicable : on se moque de nous. On ne gagnera jamais comme ça. Avec +Europa, nous avons écrit une lettre que nous sommes sur le point de lui envoyer après lui avoir dit 70 fois verbalement quelles étaient nos conditions. Malgré cela, nous ne fermons pas la porte au dialogue. Nous avons demandé à Letta deux choses précises, pas des discussions et des appels. Premièrement, pas un seul vote d’Azione et +Europa ne peut aller à Di Maio, Fratoianni et Bonelli. Puisque le Pd tient tant à les nommer, qu'il le fasse dans les scrutins proportionnels et sur la liste Democratici e progressisti. Nous ne nommerons pas Mariastella Gelmini et Mara Carfagna dans les scrutins uninominaux, justement pour trouver toutes les solutions qui unissent. Deuxièmement, il est bon d'avoir des programmes différents. Mais pas contradictoires. Nous demandons une réunion pour définir des "points programmatiques communs". La balle est dans le camp du PD et la responsabilité de ce qu'il décide de faire aussi. Le secrétaire démocrate doit nous donner une réponse rapidement ».
ARTICLE, Corriere della Sera, « Le Pd est prêt pour le dernier duel. La crainte d’un jeu de poker menteur », par Marco Esposito : « Si le leader d'Azione devait se retirer de l'alliance de centre-gauche, la route pour battre le centre-droit serait certainement plus difficile. Le secrétaire d'État Letta en est bien conscient et c'est pourquoi, si en public il prévient que "le troisième pôle est le meilleur moyen d'aider la droite, je voudrais que cela soit évité", lorsqu'il parle aux siens il est beaucoup plus sévère : "Ce serait le cadeau de la mi-août à Meloni". Ainsi, certains poussent à suivre l'exhortation de Damiano Tommasi, l'ancien footballeur et nouveau maire de Vérone, qui a expliqué que "pour battre le centre-droit, il faut jouer à la Zeman", à fond. La décision sera de toute façon prise aujourd'hui, après avoir examiné les conditions posées par Calenda. La bataille cruciale se jouera dans un petit nombre de circonscriptions à scrutin uninominal, dans lesquelles l'alliance de centre-gauche pourrait ne pas être compétitive sans la contribution des membres du parti de Calenda. Il y a aussi ceux qui sont convaincus que "Calenda peut à lui seul soustraire plus de voix au centre-droit qu'il n'en apporte à la coalition".Letta travaille depuis des jours à une alliance aussi large que possible et explique maintenant : "J'affronte cette bataille politique avec l'esprit de ne pas mettre de veto et de trouver des solutions. Nous sommes prêts à discuter avec tout le monde, sans mettre de veto, et avec la générosité typique du plus grand parti de centre-gauche qui a l'ambition de devenir le premier parti d'Italie". L'objectif est rapidement expliqué : "Notre effort vise à gagner les élections et à donner au pays un gouvernement capable de poursuivre le discours mené jusqu'à présent par le gouvernement Draghi". “Nous discutons d'alliances mais le 10 août, l'exécutif national se réunira pour approuver le programme de la campagne électorale avec une liste ouverte Italia democratica e progressista et ensuite il y aura les candidatures. L'objectif est d'être de loin le premier parti parmi les jeunes électeurs, si tel est le cas, nous gagnerons les élections et gouvernerons le pays".
ARTICLE, Corriere della Sera, « Salvini lance un appel aux abstentionnistes. Et craint qu’on lui barre la route du Viminal » de Marco Cremonesi : « Matteo Salvini est remonté à bloc, les impôts et les retraites seront au cœur de sa campagne électorale. Mais il y a aussi une forte inquiétude au sein de la Ligue que Fratelli n'ait pas l'intention de laisser le Viminal à Salvini. Il préfère éviter tout contact avec les journalistes pour réserver ses propos à la fête de la ligue di Cervia, qui est le point culminant de l'été pour son parti depuis des années. Comme annoncé, il ne met pas les pieds sur le sable chaud de Papeete, la plage disco qui rappelle à tous la fin du gouvernement Ligue-M5S. De plus, le propriétaire de l'établissement, l'eurodéputé leghiste Massimo Casanova, a déclaré au Foglio : "C'est moi qui lui ai dit de ne pas venir pour éviter les problèmes et les attaques". Ainsi, il se rend à Bellaria pour admirer les évolutions des Frecce Tricolori, qui ont toujours été un fétiche de la droite "classique". Un sondage circule, qui fait du bien au cœur des leghistes. Non seulement il donne au parti 17,1% des intentions de vote, mais parmi les premiers ministres souhaités, on retrouve Giorgia Meloni première à 47,8%, mais Salvini suit à 47,1%, ce qui fait rêver certains leghistes qui remettent en cause l'accord selon lequel c’est celui qui aura le plus de voix qui prendra la tête du gouvernement. A 56 jours des élections, tous les espoirs sont permis.»
ANALYSE, Corriere della Sera, « Meloni pour Kiev, Salvini pour les 41 ans de cotisation. Dans les programmes, c’est la compétition entre les alliés », par Marco Cremonesi et Paola Di Caro : « Apparemment, le premier rendez-vous est plus facile, puisque la coalition est la même pour toutes les campagnes électorales, mais le travail des représentants des partis ne sera pas considéré comme acquis. Les représentants de FdI, de la igue, de FI, de Noi con l'Italia et de Coraggio Italia auront pour tâche de rédiger un programme synthétique d'une dizaine de points, qui rassemble ce qui unit et laisse de côté ce qui divise,. Avec deux contraintes inévitables toutefois, dictées par Giorgia Meloni : "Dans le programme commun, il doit y avoir une loyauté déclarée envers les alliances internationales, en particulier sur l'Ukraine, et les promesses impossibles à tenir ne doivent pas apparaître.“ Sur le premier point, l'objectif ne doit pas être impossible à atteindre. Forza Italia, avec ses leaders, de Tajani à Bernini, fait en effet savoir qu'ils seront ceux qui porteront haut le drapeau de l'atlantisme, de l'européanisme et aussi de la ligne dure envers la Russie. La Ligue se manifestera, dans les différents rendez-vous qui ponctueront le travail jusqu'à la livraison des programmes, la limite maximale étant le 14 août. Il est plus difficile de comprendre jusqu'où on peut aller - sans être trop général - sur les réformes, l'économie et la sécurité. Parce que les différences demeurent. FdI veut apparaître comme une force responsable et stabilisatrice, sans pour autant renoncer aux totems identitaires, comme le présidentialisme, mais aussi au travail indépendant et aux entreprises, envisagent une réforme majeure de la sécurité sociale qui maintiendrait le revenu de citoyenneté uniquement comme une subvention pour les personnes âgées et les familles avec enfants. En revanche, non au « quota 41 », réforme des retraites proposée par la Ligue, et certainement des mesures sévères sur l'immigration illégale, l'identité, la défense du made in Italy. Côté Ligue, on parle de "rétablissement des décrets de sécurité et la reprise complète de l'opération "Routes sûres"", tandis que sur le front de l'énergie, le mot d'ordre est "énergie nucléaire propre", ainsi que l'exploitation des gisements de gaz naturel existants et de nouveaux regazéifieurs. Enfin, l'autonomie différenciée des Régions est fondamentale. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, S. Cappellini, « Au centre, entre Letta et Meloni : la stratégie de Calenda pour arracher des voix à la droite » : « Le leader démocrate veut polariser l’électorat avec un pacte entre progressistes mais le centriste Celenda veut désarticuler les pôles. Enrico Letta et Carlo Calenda se rencontreront aujourd'hui. Un face-à-face, peut-être décisif, sur la négociation la plus importante du centre-gauche, celle qui doit unir dans une coalition le Parti démocrate et la gauche modérée dont Calenda est le leader. Plus la date limite pour parvenir à un accord approche, plus l'optimisme quant à une conclusion positive diminue. En effet, il reste des obstacles politiques majeurs et la possibilité concrète qu'ils se traduisent par deux stratégies différentes : la polarisation choisie par Letta (« Soit le Parti démocrate, soit Meloni ») contre la désarticulation des pôles tentée par Calenda. D'un côté, l'idée de Letta de faire barrage à la droite avec un pacte entre les forces progressistes, de l'autre Calenda qui garde une ouverture pour un accord, mais reste convaincu que le succès de Meloni pourrait être contré par une large affirmation d'un front centriste autonome. La proposition de Calenda est la suivante : le Parti démocrate désignerait dans sa liste ouverte tous les candidats de circonscription à scrutin uninominal qui créeraient de l'embarras pour Calenda. Ce dernier s'engagerait à faire de même : « J'ai déjà dit à Carfagna et Gelmini qu'en cas d'accord avec le Parti démocrate, elles ne seront pas désignées sur des scrutins uninominaux. » De cette façon, les listes seraient liées sur le bulletin de vote mais sans l'obligation de converger vers des candidats communs que Calenda considère comme compliquant la discussion pour les deux partis. Il est très difficile pour Letta de le suivre sur cette voie. Le secrétaire démocrate devrait demander aux chefs des autres partis non seulement de renoncer à se présenter dans une circonscription, mais aussi de présenter leur propre liste. De plus, les doutes du côté démocrate sont également politiques : quelle crédibilité aurait une coalition qui commence par des vetos de ce type ? »
PREMIER PLAN, La Repubblica, M. Pucciarelli, « La chasse à la circonscription commence. Les candidats en lice pour une place sur la liste » : Le rêve de la plupart d'entre eux est de terminer aux premières places de la liste proportionnelle, celle établie par les secrétaires de parti. Sur ce plan, il n'y a pas de défi avec les adversaires des autres coalitions, c'est la performance finale et générale de sa propre formation qui compte. Cependant si les candidats finissent par se présenter dans la majorité, ils espèrent ne pas tomber dans la circonscription où leurs rivaux ont un avantage. L'Institut Cattaneo a estimé à 70% le nombre de circonscriptions où la coalition de centre-droit a un avantage, surtout avec le Parti démocrate et le Mouvement 5 Etoiles divisés : Varèse, Côme, Lecco, Pavie, Bergame, Belluno, Foggia, Brescia, Venise, Bénévent, Agrigente, Macerata, Savone, Frosinone, L'Aquila, Cuneo, Vibo Valentia et Pordenone, Trévise, Vicence, Sondrio, Crémone, Lodi, Latina, Monza, Brindisi, Campobasso, Vérone, Messine, Rieti. Au sein de la Ligue, Matteo Salvini a l'intention de faire revenir au Parlement ses fidèles, pour la plupart milanais ou au moins lombards : le vice-ministre Alessandro Morelli, le commissaire de l'ancienne Lega Nord Igor Iezzi, Fabrizio Cecchetti à la tête de la Ligue lombarde, le trésorier Giulio Centemero. L'actuel chef de groupe de Forza Italia à la Chambre des députés, Paolo Barelli, pourrait être destiné à Frosinone. Au Sénat, la candidature d'Antonio Tajani est dans la balance. Pour le Parti Démocrate, les différentes fédérations locales ont envoyé leurs vœux à la direction nationale. À Naples, les démocrates ont donné leur feu vert à une liste de 24 candidats, le nom fort pourrait être Dario Franceschini, récompensé pour son travail sur le site archéologique de Pompéi. Le secrétaire adjoint Peppe Provenzano est sur la liste du parti sicilien. Nicola Fratoianni, secrétaire de Sinistra Italiana (Alliance Gauche Verte), pourrait être candidat à Pise pour la coalition. Les anciens 5S Federico D'Incà et Davide Crippa seraient candidats en Vénétie et à Novara respectivement : des zones à risque de défaite pour le centre-gauche, mais néanmoins des opportunités pour les deux. Luigi Di Maio a démenti être candidat à Modène.é
PREMIER PLAN, La Repubblica, M. Pucciarelli, « Conte aux ex-membres du parti : « ne cassez pas nos jouets » » : « Qu’ils s’en aillent librement, en paix, pour chercher un nouveau poste. Mais qu’ils ne cassent pas nos jouets », écrit Giuseppe Conte sur les réseaux sociaux à propos de ceux qui ont quitté le Mouvement 5 Etoiles. Luigi di Maio présentera officiellement sa propre liste aujourd'hui, elle s'appellera « Impegno Civico ». La conviction du ministre est de pouvoir attirer l'électorat qui avait choisi le Mouvement 5 Etoiles en 2018, alors que des sondages annoncent que la moitié de ceux qui se reconnaissent encore dans le Mouvement 5 Etoiles étaient contre la chute du gouvernement. Pour la composition des listes il souhaite se concentrer sur des visages qui ne sont pas très connus du grand public mais qui le sont dans leurs territoires respectifs. En ce qui concerne les dossiers, L. Di Maio demandera aux autres partis de soutenir au maximum le gouvernement Draghi dans la bataille pour le plafonnement des prix du gaz en Europe. Sur le plan intérieur : les propositions seront axées sur les jeunes. Di Maio demande également la création d'une « commission d'enquête parlementaire chargée de vérifier les liens entre les dirigeants et les partis politiques italiens et les milieux politiques et financiers russes ». Quant au Mouvement 5 Etoiles, il a très vite retrouvé sa position anti-système. En outre, Conte et Grillo devront clarifier quelques aspects. Le premier est de savoir comment impliquer les membres inscrits dans la rédaction des listes, la seconde est de savoir s'il faut maintenir ou non certaines règles comme l’ancrage territorial du candidat, et enfin la question du symbole du parti. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, E. Mauro, « Le sang de l'Europe et de la droite » : « A l'approche des élections, les sondages indiquent les intentions de vote, mais ne décèlent pas les inclinaisons et tendances de l'environnement social, la dérive culturelle et psychologique qui a lieu en Italie et en Europe. Cette dérive pèse sur les électeurs, peut-être plus que les actions de propagande menées par les différents partis. Les spécificités de la tragédie de Civitanova Marche, avec le meurtre d'Alika Ogorchukwu sur le trottoir devant les passants et leurs téléphones portables qui filment mais n'interviennent pas, ne nous permettent pas de faire une lecture généralisée sur l'Italie d'aujourd'hui. Mais il ne fait aucun doute que ce qui s'est passé constitue un signal d'alarme fort de l'irruption sur la scène italienne d'un phénomène ayant peu de précédents, et qui semblait appartenir à d'autres mondes : le citoyen qui redevient un individu, quittant les couvertures démocratiques de la coexistence civile dans laquelle il a grandi avec les autres et libérant ses instincts, faisant pour lui-même ce qu'il croit être la justice, selon son canon privé, le seul qui compte désormais. Le meurtrier est un homme blanc, le mort est un vendeur de rue noir, qui demandait quelques pièces aux personnes qu'il rencontrait dans la rue. Nous avons devant nous les deux stéréotypes, voire les prototypes du conflit social italien, annoncé, fomenté et amplifié par la politique de droite ces dernières années. Ces deux êtres en lutte sont l’exemple physique du schéma politique désincarné de la bataille contre l'immigration, « la peau et le sang », auxquels le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a explicitement fait référence en affirmant que les peuples européens peuvent se mélanger entre eux, mais pas avec des peuples différents, « parce que nous ne voulons pas devenir une race mélangée ». »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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