Municipales en Italie : "La défaite du centre droit est cuisante."
27/06/2022
Italie. Revue de presse.
Les résultats du second tour des élections municipales, marquées par le succès de la coalition de centre gauche, font les gros titres de la presse italienne. Les observateurs relèvent dans l’ensemble un taux d’abstention important (seul 42,2% des inscrits se sont présentés aux urnes) et la défaite du centre droit, qui s’est présenté désuni à ce rendez-vous électoral « Le centre gauche gagne dans les villes » - La coalition s’empare de Vérone, Parme, Piacenza, Monza, Alessandria et Catanzaro. Le taux d’abstention demeure élevé. Letta exulte, le centre droit est le grand perdant (Corriere della Sera), « Le PD de Letta s’impose » - La grande coalition remporte son pari dans plusieurs grandes villes, dont Parme après 25 ans. La défaite du centre droit est cuisante notamment en raison de la perte de plusieurs bastions historiques au Nord (La Repubblica), « Le centre gauche gagne, Tommasi est le maire de Vérone » (La Stampa), « Elections municipales : la gauche remonte et gagne » (Il Messagero), « Le dernier Harakiri du centre droit » - Un suicide politique à Vérone et à Catanzaro ; une défaite à Parme et Piacenza. Un revers qu’il faudra analyser (Il Giornale).
COMMENTAIRE, Corriere delle Sera, M. Franco « Un signal fort adressé par les électeurs » : « Ce serait une erreur d’expliquer l’énième hausse du taux d’abstention comme le fruit d’une fuite vers les plages en raison de la canicule. Il s’agit davantage d’une réponse à une offre politique fragmentée et incohérente. Les résultats du second tour dans 65 communes peuvent aussi nous fournir des indications pour l’avenir. Les maires ont été choisis par des minorités plus restreintes par rapport au passé. Les coalitions qui les soutenaient ont transmis une image de fragilité, surtout car elles ne reflètent pas un système politique en pleine évolution. Deux facteurs sont à relever. Tout d’abord le renforcement du PD d’Enrico Letta : malgré le déclin des 5 Etoiles, le parti démocrate a obtenu de bons scores, assez homogènes le long de la « botte ». Deuxièmement, la défaite du centre droit, y compris dans certains bastions du nord. Cet épilogue souligne la crise évidente de la Ligue dans ses propres fiefs. Ces résultats ont nécessairement une importance nationale, car ils incarnent la lutte souterraine pour la primauté entre Salvini et Meloni. Et ce résultat amoindrit les ambitions de la droite de l’opposition, qui ne peut pas renoncer à l’apport des deux autres partis, la Ligue et Forza Italia. Il y a le danger d’une rupture pouvant rendre les élections de 2023 imprévisibles. Puis, il y a l’écroulement du M5S, qui a sans doute fait monter le taux d’abstention, et la conscience de la part d’E. Letta qu’il reste peu de temps pour construire une stratégie en vue de 2023. Bref, on a, encore une fois, constaté la difficulté d’adaptation du système des partis à une situation fluide et nouvelle, laquelle impose de sortir des schémas habituels et de faire face à une opinion publique consciente de la fin d’une ère dans laquelle il n’est plus possible d’offrir de vieilles réponses ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, F. Bei : « La leçon qui nous vient des villes » : « Au moment où nous écrivons, le centre-gauche semble avoir remporté les cinq défis-clefs, du point de vue politique et symbolique, de ce ballottage : Vérone, Parme, Plaisance, Alexandrie et Catanzaro. Dans d’autres villes, comme Lucques et Monza, le face-à-face est serré. C’est un résultat qui ne laisse pas d’ambiguïtés sur la victoire du projet politique d’Enrico Letta et qui permet au champ de forces européistes et démocratiques d’envisager, avec plus de confiance, le défi décisif des élections de 2023. Toutefois, ce succès ne doit pas faire oublier la force réelle du centre-droit dans notre pays. Lors des élections d’octobre dernier, à Rome et à Milan, le centre-droit a choisi de mauvais candidats ; lors de ces élections, il s’est imprudemment divisé : mais, en 2023, ce seront les leaders qui se présenteront et le centre-droit mettra de côté ses divisions pour se lancer ensemble dans la compétition. Une « large alliance » lui fera face, alliance rendue plus fragile par la scission du M5S et l’incompatibilité entre l’aire libérale-démocrate d’Azione-Più Europa et partisans de Grillo. Des villes émerge une demande de sérieux, de concret et d’efficacité pour affronter les temps difficiles que nous passons : il appartient au centre-gauche de ne pas décevoir cette espérance. »
ARTICLE, Corriere della Sera, F. Verderami « La fragilité des coalitions ne change pas (à ce stade) l’agenda du gouvernement » : « Certes, il était clair dès le début que le résultat des élections administratives n’aurait pas impacté la stabilité et l’agenda de l’exécutif. Ni qu’il aurait résolu les problèmes des coalitions et des partis. Toutefois, les difficultés de ces derniers pourraient avoir un effet sur le timing et sur l’action du gouvernement, en rendant plus difficile la dernière partie de la mandature. Chaque parti est replié sur lui-même. Cela est vrai pour la Ligue où Salvini doit faire face à la crise de son projet national, du moment où la crise a été forte aussi dans le Nord. Berlusconi doit se lancer personnellement dans une longue campagne électorale pour calmer les tensions internes de Forza Italia et éviter d’autres hémorragies de parlementaires. Meloni constate quant à elle que son parti, pourtant accrédité dans les sondages, ne fait pas l’exploit. Bref, le centre droit, à ce stade, est inexistant. Idem pour le centre gauche. Le PD s’affirme mais après la scission du M5S, Letta a du mal à définir un point de repère pour passer d’une « large coalition » à un « nouvel Olivier » et certains ténors l’invitent même à se concentrer sur le parti. Face à un climat d’instabilité, qui ne peut qu’augmenter à l’approche du rendez-vous électoral de 2023, la ligne de Draghi peut se résumer par la phrase ce qu’il a prononcée lors du G7 : ‘’la crise énergétique ne doit pas favoriser un retour du populisme’’. »
ANALYSE, Il Messaggero, G. Diamanti « Le signal que pour Draghi, il existe bel et bien un espace électoral » : « C’est la plus grande confusion qui règne dans le panorama politique italien. Et pourtant, selon certains, ce serait la condition idéale pour l’émergence d’un nouveau projet, centriste et libéral. On en parle depuis longtemps : d’abord M. Renzi dès la création d’Italia Viva, puis C. Calenda qui, est parvenu à fédérer son parti avec Più Europa, ensuite Giovanni Toti (coraggio Italia) qui est de plus en plus en rupture avec Brugnaro. On en a beaucoup parlé aussi avec L. Di Maio et son nouveau groupe Insieme Per il Futuro, depuis sa scission avec le M5S. Ces élections municipales nous ont dit que dans certaines situations, si les conditions sont réunies, il y a un espace pour un projet centriste : de Parme à L’Aquila, de Palerme à Carrare. Mais pour qu’il y ait une certaine unité, il faudra se réunir autour d’un candidat fort. Draghi est un leader qui peut facilement fédérer, mais il est assez improbable qu’à ce stade il décide de choisir un camp. Il ne peut pas se mettre à dos le PD ou Forza Italia. Toutefois, la politique est l’art de tous les possibles et il n’est pas exclu qu’il puisse y avoir des coups de théâtre sensationnels. Les élections législatives sont plus proches que l’on ne croit. Et il y a une forte effervescence, notamment au centre. »
PREMIER PLAN, Il Corriere della Sera, M. T. Meli : « Letta : “C’est une grande victoire”. Le PD se porte mieux que sa grande alliance » : « “Au bout du compte, ce sont la constance et le sérieux qui l’emportent. Nous remportons la victoire parce que faire preuve de responsabilité l’emporte sur tout. La grande alliance a été moquée (…) mais cette stratégie a payé” explique Letta. En réalité, ces élections ont fait découvrir au PD que s’allier au M5S n’assure pas automatiquement la victoire. Au contraire. De ce point de vue, le premier tour a été parlant : l’alliance n’a pas réussi à arracher Gênes au centre-droit ni à conserver Palerme. Au second tour, la majeure partie des victoires les plus importantes (Cuneo, Parme, Plaisance et Monza) ont été remportées sans le Mouvement. Penser que le succès du test électoral de Vérone prouve à lui seul le succès de l’alliance serait hasardeux. Tout au plus, il s’agit de la démonstration que le Nord n’est plus, pour le PD, une terre perdue. “Le conflit entre Conte et Di Maio et la boite de Pandore qu’il a ouverte montre bien de que les Cinq-Etoiles ne sont pas intéressés par ces élections” murmure-t-on au PD. C’est pourquoi, petit à petit, le parti se libère de son “rapport privilégié” avec le M5S. Letta souligne aujourd’hui que “les programmes passent avant les alliances”, laissant entendre qu’il n’est pas certains que les primaires de coalition en Sicile se reproduisent dans le Latium et en Lombardie. Il imagine la “grande alliance” comme un “nouvel Ulivo” duquel le PD sera “le pivot”, dans la mesure où les élections locales ont confirmé qu’il était le premier parti. Et cette satisfaction atténue l’amertume d’avoir perdu Lucques. »
PREMIER PLAN, Il Corriere della Sera, M. Cremonesi et P. Di Caro : « Quand ils se défient entre eux, les alliés du centre-droit perdent tous : il est temps de faire les comptes » : « Au bout du compte, le désastre inattendu du second tour frappe tous les leaders du centre-droit. Meloni perd dans la mesure où son candidat n’est pas parvenu à conserver la mairie de Vérone. Berlusconi perd : en dépit de deux victoires à Gorizia et à Lucques, il subit une humiliation dans son fief de Monza. Salvini perd lui aussi, car la Ligue n’est plus une force dynamique au Nord, où la coalition ne remporte qu’un seul chef-lieu sur huit. C’en serait assez pour se réunir en conclave, faire un mea culpa général et repartir sur de bonnes bases ; pour l’heure cependant, ce sont les récriminations, les accusations et les phrases assassines qui prévalent. Il n’y a qu’une seule chose sur laquelle les leaders sont d’accord : pour le dire avec les mots de Tajani : “Nous gagnons là où nous sommes unis, nous perdons où nous sommes divisés”. La vérité, c’est que le centre-droit a perdu dans toutes les configurations possibles, comme si les électeurs avaient perçu une rupture profonde, un manque d’harmonie. La Ligue et Forza Italia mettent en cause Giorgia Meloni. Depuis Milan, d’aucuns prophétisent : “Le souverainisme est mort”. Il faut maintenant comprendre d’où repartir : le cas de la Sicile enflamme les esprits. Giorgia Meloni insistera-t-elle pour que Musumecci soit de nouveau candidat ou cèdera-t-elle, en sentant l’odeur de brûlé ? Unis pour de bon ou divisés : il est temps de décider. »
PREMIER PLAN, Il Corriere della Sera, M. Pucciarelli : « Grillo cède : la dérogation à la règle des deux mandats passe au vote » : « Le M5S a vingt-quatre heures pour se décider. Beppe Grillo sera aujourd’hui à Rome et l’on raconte que le leader serait déjà (presque) convaincu : il donnerait son accord pour faire voter une dérogation à la règle des deux mandats. Il est, en effet, urgent d’arriver à une conclusion : d’ici jeudi, le Mouvement devra décider quel sera le candidat à concourir pour les primaires en Sicile, aux côtés du PD et de la gauche. Tout est lié au destin de Giancarlo Cancelleri. Si tout va comme prévu, l’annonce du vote pourrait être faite demain sur le site du Mouvement et le vote intervenir après-demain afin de donner un feu vert à Cancelleri jeudi. Après le départ de Di Maio, les derniers sondages donnent le M5S sous le seuil psychologique des 10%. Au-delà du destin de Cancelleri, l’impression générale est la suivante : perdre en Sicile serait une mise-en-bouche pour le désastre de 2023. »
ARTICLE, Corriere della Sera, « Draghi et Biden sont d’accord pour plafonner les prix du pétrole et du gaz et ne plus dépendre de Moscou. »
ARTICLE, La Repubblica, « A Kiev, le retour des missiles qui tuent des civils : " Un avertissement au G7", par Paolo Brera : « Des missiles à nouveau sur Kiev, et plus de sang civil. Les Russes visaient une usine militaire, mais ils ont frappé un jardin d'enfants et tué une famille : le jardin d'enfants était vide, le bâtiment éventré. Hier, les superpuissances avaient réuni le G7 (qui accueillera à distance Zelensky aujourd'hui) pour discuter des nouvelles sanctions contre la Russie, et Moscou a répondu par des missiles : nous n'avons peur de rien, nous allons frapper fort partout. Depuis deux jours, l'Ukraine est à nouveau confrontée à une tempête de missiles telle qu'on n'en a pas vu depuis le premier mois de l'assaut. Même hier matin, il en pleuvait des dizaines. Les Russes attaquent en force des cibles stratégiques liées à la logistique militaire. Ils ont de nouveau attaqué Desna, dans la région de Chernihiv (au nord de Kiev), et pour la première fois, ils ont frappé Cherkasy, faisant un mort et cinq blessés : ils tiraient sur le pont sur le Dnepr, stratégique pour toute la logistique sur la route est-ouest. Les Russes cherchent mètre par mètre les armes qui arrivent de l'Ouest, en essayant de les empêcher de se mettre en travers de leur chemin maintenant qu'ils accélèrent l'assaut dans le Donbass. Après avoir pris Severodonetsk, ils frappent très fort Lysychansk pour achever le travail dans la région de Lougansk, et massent des troupes pour la bataille décisive : Slaviansk, puis la très proche Kramatorsk, la capitale régionale du Donbass ukrainien depuis la chute de Donetsk en 2014. Depuis deux jours, le scénario a changé : Moscou a augmenté la pression, élargissant le conflit en tentant d'impliquer le Belarus dans la guerre, menaçant les pays baltes au sujet de l'enclave de Kaliningrad, et sapant les prétentions de l'Ukraine à tenir bon avec le soutien de l'Occident. C'est pourquoi Kiev est de nouveau sous le feu des critiques. »
ARTICLE, La Stampa. G. Longo « Alerte Lampedusa » : En six mois, on a enregistré 26 000 arrivées, soit +28% par rapport à 2021. Les ouvriers bengalis sont en fuite de la crise du bâtiment en Libye et c’est le début des afflux de réfugiés en raison de la famine provoquée par le blé bloqué en Ukraine : « Nous sommes au début de l’été mais nous assistons déjà à des arrivées record sur nos côtes, notamment siciliennes. La situation la plus délicate est celle de Lampedusa, qui voit 450 migrants accueillis sur les 350 places disponibles. Ce sont les données diffusées par le Ministère de l’Intérieur. Ce qui exaspère Lampedusa est le Traité de Dublin, qui déverse sur le pays de premier passage les responsabilités de la gestion des migrants. Certes, l’accord de coopération européenne entre 18 pays membres pour un mécanisme temporaire de solidarité est un premier pas en avant. Il s’agit d’une redistribution par quota annuel sur la base du PIB et de la population. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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