La presse italienne commente le débat Macron-Le Pen.
21/04/2022
Italie. Revue de presse.
L’offensive russe dans l’Est de l’Ukraine, et notamment l’essai d’un nouveau missile balistique par Moscou, fait les gros titres des quotidiens italiens : « Donbass, l’avancée russe subit un coup d’arrêt » - Les troupes sont enlisées, d’autres armes sont fournies à l’Ukraine mais Poutine teste un super-missile (Corriere della Sera), « La course aux armes » - Poutine dégaine le missile intercontinental Sarmat et prévient : il peut battre toute sorte de résistance (La Repubblica), « Le défi de Poutine » - Un super missile a été testé mais les sanctions affaiblissent l’économie russe (Sole 24 Ore), « Le défi de Poutine » - La Russie teste un super missile pouvant parcourir 5 000 kilomètres en 15 minutes (Il Messaggero), « L’Allemagne abandonne l’envoi d’armes » - Scholz interrompt l’envoi d’armes à Kiev alors que Draghi veut envoyer l’artillerie lourde (Fatto Quotidiano). Le débat télévisé d’hier soir entre M. Le Pen et E. Macron est aussi largement cité. Les observateurs relèvent dans l’ensemble « un vrai débat qui ne change pas les équilibres électoraux» (Repubblica) et qui a vu le Président sortant « être celui qui convainc le plus mais peu empathique » (Corriere), « plus incisif notamment en politique étrangère » (Stampa), dans « un débat où la Russie était au centre des arguments » (Sole 24 Ore) : « Moscou, économie et environnement : Macron attaque mais Le Pen résiste » (Corriere della Sera), « Macron accuse Marine Le Pen pendant le duel télévisé : vous êtes avec le Kremlin (La Repubblica), « Voile, roubles et retraites, Macron remporte le duel avec Marine Le Pen » (Il Messaggero)« Le débat télévisé avant le second tour » - Macron attaque : de l’argent russe à Le Pen, mais celle-ci nie tout lien avec Moscou (Il Messaggero).
ARTICLE, Corriere della Sera, d’A. Cazzullo, « Le Président sortant marque davantage de points mais son attitude de prof ne séduit pas » : « Sur le volet économique, Macron bat Marine Le Pen à plate couture. Ce n’est pas surprenant puisqu’Emmanuel Macron est un technocrate, ancien ministre des Finances et président de la République alors que Marine Le Pen est une leader politique qui a fait de la propagande toute sa vie. Macron a tenté sans vraiment y parvenir de ne pas trop prendre des airs de professeur. Il se limite à souligner les contradictions de son adversaire, comme sur la suppression de la TVA qui profiterait davantage à la grande distribution qu’aux consommateurs. Et Marine Le Pen se perd également sur les questions géopolitiques ou environnementales, notamment en s’attaquant à l’Europe. D’un point de vue linguistique, c’est la même chose : Macron est plus précis, émaille son discours de chiffres, de sigles, mais ne touche pas le cœur des téléspectateurs. Le Pen est plus directe, basique et immédiate mais elle s’embrouille parfois, perd ses mots. Elle est à l’aise avec les slogans, moins avec les raisonnements. Quant à l’attitude, le Président sortant ne résiste pas longtemps, finissant par renoncer à son aplomb présidentiel, et l’interrompt sans cesse alors qu’elle apparait plus décontractée, gesticule, sourit mais n’a pas la stature présidentielle. Lui n’arrive pas à se débarrasser de l’image de président des riches ; elle se veut plus rassurante et protectrice et soulève même la question des jeunes et de leurs souffrances au cours de ces années de pandémie. Les deux candidats ont un échange intéressant sur l’Europe, mais rien de très novateur sur les idées, en particulier pour Macron. La vision qu’il a de l’Europe est bonne mais son insistance sur le ‘’couple franco-allemand’’ n’est pas très agréable. De façon générale, sur la vision de chacun, on pourrait éventuellement reprocher à Emmanuel Macron de se projeter trop loin mais les idées de Marine Le Pen, de la relance du charbon à la France puissance mondiale détachée de l’Europe, appartiennent assurément au monde d’hier. »
ARTICLE, Il Foglio, de Giuliano Ferrara, « Le Pen tient tête à Macron et la précision à outrance n’est pas si efficace » : « S’il n’est pas possible de dire qui l’emportera dans les urnes, il semblerait qu’hier se soit Marine qui l’ait emporté. Une petite vengeance froide, cinq ans plus trad. Et ce malgré son nom, son parcours, ses idées, ses liens périlleux en France et à l’étranger, sa volonté de fermer un des pays les plus ouverts au monde, malgré les tendances souverainistes et le programme économique digne du Moyen-Age. Macron reste le président des riches et elle la candidate du peuple. Elle commence en faisant référence au peuple, semble sereine, se lance dans une longue tirade sur la précarité, la souffrance, la concorde et la justice, mais c’est efficace. Lui est plus formel, soulignant les crises inédites, la France qui doit être renforcée et devenir une grande puissance écologique du XXIème siècle. Moins efficace mais très sérieux. Chacun se lance dans la joute verbale, Le Pen est sérieuse, pas sarcastique, elle encaisse les coups mais avec un style présidentiel. Elle réplique sur la TVA mais sent qu’elle est moins crédible sur ces thèmes, s’emmêle sur d’autres questions économiques, un terrain trop glissant pour elle. Lui l’attaque sur les compétences, elle en appelle à son ancrage dans la vraie vie. Très calme, elle dit des choses connues mais le dit bien. Lui est très académique, sournois, ironique, mais habile et technique. Il s’adresse aux informés, aux villes, à ceux qui savent ou veulent savoir. Elle a changé par rapport au débat d’il y a 5 ans, plus crédible, et cela ne passe pas inaperçu. On se gardera bien toutefois de dire à ce stade qui prendra le dessus dimanche. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Regarder Paris en pensant à Rome » : « Même ceux qui le nient sont en train de regarder avec attention ce qui se passe de l’autre côté des Alpes. Il est clair que les élections présidentielles en France sont pleines de messages directs et indirects vers l’autre versant des Alpes. Une France avec une présidente d’extrême droite serait le phare de tous les partis extrémistes éparpillés dans l’Union. En Italie, nous verrons alors Salvini (Ligue) sortir de l’ombre où il a été absorbé depuis quelque temps. Quant à Meloni (Fratelli d’Italia), elle serait appelée à garder une cohérence et à rester froide à l’égard de Marine Le Pen. En tout cas, un tel scénario pousserait le centre droit devant un dilemme : se transformer en force conservatrice et libérale ou bien suivre le sillage du Rassemblement National. Au centre gauche, parmi ceux qui soutiennent Macron, figure Enrico Letta (PD) mais surtout Matteo Renzi (Italia Viva), qui voit une possibilité de redorer son image et sa popularité. Certains, comme Gozi, Calenda, Bonino et Dalla Vedova, estiment qu’une victoire de Macron favoriserait la naissance d’une fédération libérale et démocratique de leurs (petits) partis avec un PD enfin indépendant du M5S ou du moins en laissant aux 5 Etoiles un rôle marginal. Par ailleurs, le leadership de Giuseppe Conte semble en forte difficulté. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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