"Fronde philo-russe à la Chambre des députés : "Nous n’écouterons pas Zelensky."
21/03/2022
Italie. Revue de presse.
Le siège de Marioupol et les discussions pour mettre fin au conflit russo-ukrainien font les gros titres de la presse italienne. Les médias évoquent notamment les violences des troupes russes sur les civils ukrainiens fuyant la ville assiégée. Sur le front interne, Repubblica met l’accent sur la décision de certains parlementaires du M5S et de la Ligue de déserter la visioconférence au Parlement italien avec le Président V. Zelensky prévue pour mardi. « L’ultime siège à Marioupol » - Les missiles lancés depuis la mer, les troupes russes lancent l’ultimatum. Des déportations et des viols sont dénoncés ; Zelensky invoque la trêve (Corriere della Sera), « Occupation sans pitié » - Déportations, viols et homicides, le martyr des civils ukrainiens dans les zones contrôlées par les Russes. Selon la Turquie, un accord serait toutefois à portée de main. Zelensky s’adresse à la Knesset : Poutine veut la solution finale (La Repubblica), « L’ultimatum à Marioupol » - Les troupes du Kremlin tentent de faire tomber la ville ukrainienne. L’appel de l’UE à la Chine : « n’aidez pas Poutine » (La Stampa), « Guerre en Ukraine : le risque d’une récession » (Sole 24 Ore), « « Déportés après les bombes » » - Les autorités ukrainiennes dénoncent la déportation en Russie des réfugiés ainsi que des viols sur les femmes. La Turquie tente la médiation. Le faux pas de Zelensky avec Israël « c’est une nouvelle Shoah » (Il Messaggero), « Une conspiration contre Poutine » - Selon les services ukrainiens, les oligarques et les militaires dirigés par un ancien chef du Kgb auraient un plan pour éliminer le Tsar (Il Giornale).
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Albin Kurti, Premier Ministre du Kosovo « La main de Poutine risque de s’abattre sur les Balkans, le Kosovo est encore en danger. »
ARTICLE, La Repubblica, L. De Cicco : Fronde philo-russe à la Chambre des députés. « Nous n’écouterons pas Zelensky » : « Le président ukrainien, V. Zelensky, parlera demain, en visioconférence, à la Chambre des députés. L’intervention durera environ un quart d’heure, sera précédé d’un très bref d’entretien avec Roberto Fico (M5S), président de la Chambre, et E. Casellati (Forza Italia), présidente du Sénat, et suivie d’une allocution de Draghi. L’événement sera retransmis sur Rai1. Si Fico a fait préparer la Chambre pour qu’elle puisse accueillir le plus grand nombre de parlementaires possible, au moins une vingtaine d’entre eux manquera à l’appel, et particulièrement ceux qui nourrissent des sympathies philo-russes, présents dans les rangs du Mouvement Cinq Etoiles et de la Ligue. « Je pense de ne pas y aller : on ne donne de la visibilité à un seul des deux pays. Proposer que Poutine parle aussi ? Ceux qui le demandent ont raison ! » (Matteo Dall’Osso, ancien M5S, membre de Forza Italia). « A la Chambre, ni Zelensky, ni Poutine » (Gianluigi Paragone, ancien M5S, fondateur d’Italexit). Se défilent aussi Emanuele Dessì (ancien M5S, membre actuel du PCI), tout juste de retour de Biélorussie, et Vito Comencini de la Ligue qui, jusqu’à il y a quelques jours, relayait des déclarations en provenance de Russie et se disait prêt à partir pour le Donbass. Entretemps, la Farnesina et le Quirinal cherchent à révoquer les distinctions honorifiques autrefois attribuées à Alexei Paramonov, ministre des Affaires Etrangères russes, qui a menacé, samedi, l’Italie de « conséquences irréversibles » en cas de nouvelles sanctions et s’en est pris au ministre de la Défense, Lorenzo Guerini ».
ENTRETIEN, Il Corriere della Sera, de Roberto Fico, président de la Chambre : « Le Parlement est du côté de l’Ukraine. L’envoi d’armes n’est pas contraire à la paix » : « ‘’Le Parlement a approuvé, quasiment à l’unanimité, toutes les mesures en faveur de l’Ukraine. Je ne pense pas qu’il y ait des instances pro-russes, il s’agit de voix isolées. L’idée d’écouter Poutine n’existe pas, ce n’est même pas la peine de la commenter. Je veux exprimer ma solidarité envers le ministre Guerini et envers le gouvernement. Je condamne l’énième agression que la Russie de Poutine inflige à notre pays, par rapport à la crise ukrainienne. Chaque attaque, y compris verbale, que subit un pays européen est une atteinte à toute l’Europe. Nous devons rester fermes et effectuer les actions nécessaires afin que la guerre prenne fin. L’Europe n’est pas faible. Je vois une Europe forte qui, avec l’Italie, a pris des décisions unitaires et rapides. Quand le conflit sera fini, l’Europe devra accélérer certains processus fondamentaux, dont le premier est une politique extérieure commune. Il faut arriver à un seul siège permanent à l’ONU et à une vision énergétique d’avant-garde. Tous les pays doivent collaborer à un plan européen commun. Je ne crois pas que cela ait été une erreur du gouvernement Conte d’accepter l’aide russe en 2020. Il ne faut pas tout mélanger. La Russie a commis une erreur impardonnable en agressant militairement l’Ukraine. J’ai entendu Zelensky faire des ouvertures importantes sur la neutralité, sur le Donbass, sur la Crimée et dire que l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est impossible. Tous les acteurs internationaux doivent travailler sans cesse pour atteindre la paix. J’ai demandé à tous les leaders mondiaux d’avoir un langage de paix, la haine amène la haine. Dans les jours passés, s’est réuni le G7 des Parlementaires qui a approuvé à l’unanimité un document condamnant la Russie et demandant l’envoi d’aides matérielles à l’Ukraine, l’instauration de couloirs humanitaires et une grande conférence internationale de la paix. Il était fondamental que la Chambre ne se soit pas divisée sur l’envoi des armes : si nous avions fait preuve de faiblesse, cela aurait été une faveur à Poutine. Chaque action que nous faisons est effectuée dans le but d’atteindre un accord de paix, je ne pense pas que l’envoi d’armes soit en contradiction avec cela. Sur le projet de porter les dépenses militaires à 2% du PIB, je pense que la solution n’est pas d’augmenter les armements mais de miser sur la politique extérieure et énergétique de l’UE’’. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de F. Sarzanini, « La Russie et une certaine aide pour faire face à l’épidémie de Covid ; le Kremlin menace désormais de révéler les termes de l’accord » : « L’Italie redoute le chantage de Moscou sur la fameuse mission russe de mars 2020. A L’époque, les relations entre l’Italie et la Russie étaient au plus haut. Poutine avait été reçu en grande pompe par le gouvernement et en particulier par le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue. Le Président du Conseil d’alors Giuseppe Conte avait autorisé, sur demande de Poutine, la mission menée par trois scientifiques russes comprenant l’arrivée d’une délégation russe, l’accès aux données sanitaires italiennes et des accords commerciaux sur les médicaments et le vaccin Sputnik. La Russie lance aujourd’hui un avertissement à l’Italie en lien avec l’attaque vis-à-vis du ministre de la Défense Lorenzo Guerini, évoquant des ‘’conséquences irréversibles’’ si l’Italie devait continuer à participer au plan de sanctions dirigées contre Moscou. La diplomatie et les services de renseignements italiens craignent notamment des révélations sur la mission de mars 2020 qui aurait eu d’autres objectifs que ceux annoncés officiellement. La Russie devait entre autre fournir les ventilateurs et les masques dont l’Italie manquait alors cruellement, mais sur la centaine de personnes qui arrivèrent, seulement une trentaine relevaient du personnel sanitaire, les autres étaient des militaires et pour certains des membres des services de renseignement. On sait depuis que la délégation a eu accès aux informations privées de certains patients atteints de Covid mais aussi à leur ADN, ensuite utilisé pour la réalisation du vaccin russe. A noter également un accord de la région du Latium entre l’hôpital Spallanzani de Rome et l’Institut Gamaleya de Moscou pour la recherche sur la Covid et le vaccin Sputnik, dans le cadre duquel des données sensibles liées à la Covid ont été échangées. Il y a très peu d’informations disponibles concernant cette collaboration, interrompue il y a quelques jours seulement, près de trois semaines après le début de l’invasion russe en Ukraine. Une lettre d’intimidation adressée au quotidien italien La Stampa par le chef de la communication officielle de Moscou suite à des publications sur la fameuse mission, laisse penser que cette affaire cache autre chose. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Giorgio Gori, maire de Bergame (Parti Démocrate), « Quand ils arrivèrent, il fut interdit de poser des questions ; mais à Bergame ils ont été utiles » : « Le 26 mars 2020 les militaires russes arrivent dans la ville de Bergame pour aider un territoire dévasté par la Covid. Ils donnent alors une conférence de presse lors de laquelle les questions sont interdites. Le maire de la ville, Giorgio Gori, s’interroge aujourd’hui sur la nature de la mission, entre aide, propagande et renseignements secrets. ‘’Plusieurs médecins italiens m’ont dit que ces équipes étaient réellement compétentes et leur aide fut décisive - nous les en remercions. Mais la mission n’était probablement pas basée sur la pure générosité et la question se pose de savoir qu’elle était la véritable intention de cette délégation qui n’était que partiellement composée de médecins. A l’époque nous n’avions pas le temps d’y penser, les médecins promis par la Chine n’étant finalement jamais venus. Nous avions été informés au dernier moment de l’arrivée des Russes suite à un contact entre Conte et Poutine. Ils auraient collecté des informations sensibles d’ordre scientifique : le vaccin Sputnik aurait été développé à partir d’un échantillon de virus prélevé en Italie. De plus, la Russie a utilisé cette mission à des fins de propagande, pour mettre en avant l’inefficacité des pays de l’OTAN. Cette affaire ne remet pas en cause la ligne de Mario Draghi : comme l’a rappelé le secrétaire du Parti démocrate Enrico Letta, il faut rester ferme dans la condamnation de cette agression et le soutien à l’Ukraine. C’est une autre partie de la majorité qui se trouve aujourd’hui en difficulté, que ce soit le M5S ou la Ligue.’
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Enrico Borghi, responsable sécurité du PD : « Borghi : ‘’Guerini a empêché l’espionnage russe en 2020, voilà pourquoi la Russie le menace’’ » : « Moscou ne pardonne pas au ministre Guerini d’avoir agi pour mettre en sécurité absolue nos infrastructures stratégiques (ports, centrales, arsenaux) quand, en mars 2020, un contingent militaire russe est venu en Italie pour faire face à l’urgence Covid. Les Russes ont surinterprété leur activité des dix dernières années, en imaginant que l’Italie était le ventre mou de l’Europe. Probablement que certaines réactions irritées trahissent le fait que ce qu’ils pensaient être un investissement n’a pas de retour. La mission des Russes en 2020 a été décidée lors d’un coup de téléphone entre Conte et Poutine, c’est tout ce que je sais. Poutine l’avait prévue comme une opération de propagande interne pour renforcer sa thèse de supériorité du modèle russe par rapport au modèle occidental.’’. »
OPINION, La Repubblica, d’Ilvo Diamanti, « L’indice de confiance [des Italiens] vis-à-vis des pays de l’UE est en hausse ; L’Allemagne et la France dépassent les Etats-Unis » : « L’intervention de la Russie en Ukraine a bousculé les équilibres géopolitiques. Rien ne sera plus comme avant, que ce soit dans les relations entre les gouvernements que dans la vision des citoyens. D’après un sondage Demos, l’image de l’Union européenne sort renforcée de cette crise. L’Ukraine a davantage d’importance aux yeux de la population italienne, notamment en lien avec la présence d’environ 200 000 personnes d’origine ukrainienne en Italie, principalement des femmes. Jusqu’à ce jour, le consensus quant à l’accueil des réfugiés ukrainiens est très large. Plus de 44% des Italiens interrogés expriment leur confiance vis-à-vis de l’Ukraine, contre 7% vis-à-vis de la Russie. Alors qu’il y a deux ans, la confiance à l’égard de la Russie atteignait 25% ; un taux élevé que seuls l’Allemagne et les Etats-Unis dépassaient. Aujourd’hui, la confiance des Italiens vis-à-vis des pays membres de l’UE a augmenté de près de 20 points par rapport à 2020. Parmi eux, l’image de la France s’est particulièrement renforcée, passant de 23 à 40% de confiance. L’Allemagne et la France ont été très actives sur le plan diplomatique, promouvant le dialogue avec Poutine, malgré de maigres résultats. La confiance des Italiens à l’égard des Etats-Unis et du Royaume-Uni est également significative mais plus limitée. A l’image de la Russie, la confiance vis-à-vis de la Chine a baissé. Il y a un an encore, les électeurs de droite étaient plus favorables à l’‘’Est’’, or la tendance s’est inversée en faveur des Etats-Unis. L’opinion vis-à-vis de l’Allemagne varie d’un électorat à l’autre, plus favorable à gauche (confiance de 65% des électeurs du PD) qu’à droite (autour de 40%). Mais de façon générale, la tendance est partagée par une majorité d’Italiens en faveur des liens avec les principaux pays de l’UE, à savoir la France et l’Allemagne. C’est un des effets de l’action de Poutine, qui a renforcé l’idée d’Occident et de construction européenne en les rendant plus crédibles, et qui apparaissent comme un horizon partagé. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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