"Salvini et Meloni divisés sur les sanctions : la Ligue est favorable à des sanctions légères."
23/02/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur les sanctions décidées par l’UE et les Etats-Unis contre la Russie après la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance des régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk.
Draghi craint une crise énergétique et économique ; Salvini et Meloni divisés sur les sanctions : la Ligue est favorable à des sanctions légères (Il Giornale).
PREMIER PLAN, La Repubblica, « "Condamnation ferme sur le Donbass" Et Draghi cherche toujours le dialogue », par Tommaso Ciriaco : « Le voyage de Mario Draghi en Russie est reporté sine die. Après douze heures de silence – aussi par prudence sur les conséquences possibles d'une crise énergétique qui finirait par frapper durement l'Italie -, le Premier ministre est intervenu pour exprimer sa "ferme condamnation" de la reconnaissance du Donbass. "Il s'agit d'une violation inacceptable de la souveraineté démocratique et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine", a-t-il déclaré, assurant qu'il était "en contact permanent avec les alliés pour trouver une solution pacifique et éviter une guerre au cœur de l'Europe". Le fait que les premières "punitions" décidées par les pays membres soient légères, à vrai dire, ne peut déplaire à Rome. La diplomatie italienne n'a même pas eu à se battre trop fort pour cet objectif, soutenu pour l'instant par la France et l'Allemagne. Le problème est plutôt le risque d'une nouvelle escalade de la part de Moscou, qui aurait un double effet : renforcer les sanctions et placer l'Italie encore plus dans le collimateur du chantage énergétique de Poutine. Un scénario qui inquiète l'exécutif. Bien sûr, le printemps arrive à grands pas : le temps chaud réduira les besoins énergétiques de l'Italie et le coût de ses factures. Mais ce raisonnement ne s'applique guère aux entreprises. Et puis, un problème demeure : face à une véritable guerre déclenchée par la Russie, quelles marges aurait le gouvernement ? Aucune, ou presque. Cela ressort clairement des propos de Luigi Di Maio, qui fera son rapport au Parlement aujourd'hui : " La reconnaissance du Donbass est inacceptable. L'Italie est absolument convaincue de poursuivre sur la voie des sanctions. Une ligne inévitable, bien que tempérée par un travail diplomatique pour éviter le pire“. Matteo Salvini, en revanche, a su se montrer tendre avec Moscou. Le leader de la Ligue a toujours été pro-Poutine, et il ne l'a pas nié : "Je suis un partisan de la paix et du dialogue. Si nous sommes membres d'une alliance qui fait un choix, nous la soutenons. Mais que l'Italie ne soit pas l'agneau sacrifié. J'espère qu'il n'y a pas besoin de sanctions, aussi parce qu'on les appelle des contre-sanctions". La diplomatie italienne devra évoluer le long de cette crête subtile. Certainement pas dans le souci de plaire à Salvini, mais plutôt pour éviter le risque d'un choc énergétique. C'est un équilibre délicat : l'attaque du Wall Street Journal, qui dénonce les hésitations de Rome face aux sanctions liées au spectre d'une crise énergétique, à quoi il faut ajouter la prudence en matière d'énergie, qui n'aura certainement pas enthousiasmé nos partenaires anglo-saxons et certains pays de l'UE. Et, enfin, l'attitude distante avec laquelle le Premier ministre a agi pendant les heures les plus dures de la crise, alors que Washington, Londres, Paris et Berlin étaient engagés dans une tournée diplomatique intense. Toutefois, il est possible que ce soit précisément la position moins exposée du premier ministre - à côté d'un ADN indubitablement atlantiste - qui puisse débloquer la mission à Moscou pour le début du mois de mars. Avec une condition préalable - un accord avec Biden - et un objectif : une médiation entre les deux superpuissances. Pour autant que les conditions sur le terrain le permettent. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, « Le réseau pro-russe au sein du gouvernement » par Stefano Folli : « L’attaque acerbe du Wall Street Journal contre le gouvernement italien, et contre le Premier ministre Draghi en particulier, laisse perplexe. L'accusation selon laquelle Rome est le maillon faible de l'alliance occidentale ressemble plus à un procès d'intention qu'à autre chose. Ou peut-être s'agit-il d'un réflexe conditionné qui se déclenche lorsque l'Italie est mentionnée dans une crise internationale. Draghi n'a en fait rien fait pour mériter cette critique. La visite en Russie ne s'est pas concrétisée et serait de toute façon intervenue après les voyages de Macron et de la chancelière allemande. Hier, le Premier ministre a publié une déclaration dans laquelle la position italienne, aux côtés de l'Union européenne et dans le cadre de l'OTAN, est réaffirmée sans ambiguïté : en effet, sans même certains "distinguos" sémantiques dans lesquels, en d'autres occasions et avec d'autres gouvernements, se cachait la tentation du double jeu. D'où vient donc la suspicion du journal économique ? En premier lieu, la dépendance énergétique de l'Italie : un pays politiquement faible, en état d'urgence semi-permanent et privé de gaz, semble le candidat idéal pour la pression de Poutine. Mais il semble que ce ne soit pas le cas : Rome se prépare à soutenir loyalement les sanctions. Deuxièmement, la méfiance croissante à l'égard d'un important pays de l'OTAN est due aux voix discordantes au sein de la majorité. Et cela a été encore plus évident dans la saison de l'exécutif Conte-1. En gros, il y a un parti pro-russe, ou plutôt pro-Poutine, qui était déjà très fort à l'époque de l'alliance Cinq étoiles et Ligue. Mais aujourd'hui, Conte, allié du Parti démocrate, veille à ne pas faire de faux pas et sa sympathie pour l'autocrate de Moscou a été dictée par le simple opportunisme. Matteo Salvini, en revanche, maintient une ligne peu orthodoxe en ce qui concerne la gravité de la crise. Il l'a souligné hier, en minimisant la nécessité de sanctions et en attribuant à Poutine une bonne volonté que personne d'autre n'a remarquée. Le chef de la Ligue est, en somme, le représentant le plus autorisé de ce réseau pro-russe que les poutinites ont patiemment construit en Europe occidentale, par des moyens légaux et peut-être illégaux. Il s'agit d'un réseau qui comprend des groupes d'extrême droite aux côtés de groupes d'extrême gauche équilibrés : l'idéologie qui les unit à Moscou, comme nous le savons, est une forme plutôt confuse et pragmatique de nationalisme populiste. Aujourd'hui, Salvini occupe une place de choix dans cette pyramide, ayant signé il y a quelques années un pacte d'amitié avec la formation politique qui se réfère à l'autocrate. Mais Salvini lui-même est un personnage clé de la coalition pro-Draghi, donc à l'étranger, ils peuvent supposer qu'il est capable de l'influencer. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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