Un ancien maire italien de gauche condamné pour aide à la migration clandestine.
01/10/2021
Italie. Revue de presse.
La condamnation en première instance de Domenico Lucano, ancien maire de Riace (Calabre), accusé d’aide à la migration clandestine, fait la Une de la presse italienne. Les observateurs relèvent la remise en question du « modèle d’intégration de Riace » par la justice ainsi que les différentes réactions politiques : « Une condamnation qui secoue les partis » - Le PD défend l’ancien maire calabrais, la Ligue l’attaque (Corriere della Sera), « Treize ans de réclusion réclamés pour le maire des migrants » - Un bras-de-fer politique sur la sentence des juges (La Repubblica), « Lucano déplore avoir « été traité comme un mafieux » (La Stampa), « La main de fer » - Le père du modèle d’accueil de Riace condamné à 13 ans de réclusion. Le monde politique se divise (Avvenire). La campagne électorale pour les municipales, et notamment les frictions au sein de la coalition de centre droit, est aussi citée : « La crise de nerfs de la droite » - A Milan, Salvini abandonne le meeting en raison du retard de Meloni (La Repubblica), « Rome, le dernier défi dans la rue » - Au dernier jour de campagne électorale, la tension au sein du centre droit monte d’un cran (Il Messaggero), « Tout le monde évite Salvini » - Berlusconi se moque de lui et Meloni le snobe (Fatto Quotidiano).
ANALYSE, Corriere della sera, de M. Franco, « Les élections marquent une nouvelle phase pour les partis » : « La Ligue, FdI et FI se sentent obligés de souligner à quel point ils sont unis est compréhensible : ils veulent limiter l’impact que les divisions au sein de la droite auront dans les urnes dimanche. De l’autre côté, M5S et Pd parlent d’alliance alors qu’ils sont divisés dans quasiment toutes les grandes villes. Mais c’est surtout dans l’aire du centre-droit que la situation : hier, la leader de FdI s’est présentée en retard à la rencontre avec Salvini, lequel, s’impatientant, était déjà parti lorsqu’elle est arrivée. Il est évident que Pd et M5S profitent des divergences de l’autre camp mais dans tous les cas, même si le centre-droit n’était pas aussi divisé, il reste fortement pénalisé par des candidats faibles qui ne parviendront pas à capter le vote des électeurs 5 étoiles déçus. Tout le monde le sait, le vote de dimanche ne fait qu’ouvrir les débats sur les alliances et les conflits internes. Et ces mêmes alliances seront déterminantes au moment d’élire le successeur de Sergio Mattarella en janvier 2022. Depuis le Palais Chigi, Draghi observe les convulsions des partis et se demande jusqu’à quand elles épargneront son gouvernement ».
COMMENTAIRE, La Stampa, de L. Manconi, « Une justice déconnectée de la réalité qui fait de l’accueil un délit » : « ‘Responsable d’une organisation criminelle destinée à encourager l’immigration clandestine’. Telle est l’accusation qui vise Mimmo Lucano, condamné à une peine de treize ans et deux mois. Soulignons toutefois que l’intégrité morale de Lucano n’a pas été entachée par le verdict. On ne lui a imputé aucun intérêt économique ou personnel. De même que le « crédit politique » qu’il aurait cherché à obtenir par cette entreprise ne lui est pas reproché. Il est donc difficile de ne pas y voir un acharnement judiciaire disproportionné et ce d’autant plus qu’a été prononcée une peine deux fois plus lourde par rapport à ce qui avait été demandé par le procureur. Pour mieux comprendre ce verdict anormal, il faut remonter aux origines de l’affaire. Signalé comme modèle d’intégration et d’accueil au niveau européen, Riace a su gérer un phénomène par essence ingérable. Sa gestion mesurée [des migrants] a démontré la possibilité d’une intégration, mettant en valeurs les qualités des habitants de sa localité, tandis que les arrivants ont contribué au repeuplement et à la renaissance de bourgades promises au déclin. Il est évident qu’une telle entreprise s’accompagne de limites et d’erreurs. Il s’agit bien d’un laboratoire social. Ainsi, une justice incapable de comprendre la vie réelle, ses difficultés et ses contradictions, animée par des préjugés et des suspicions a transformé des initiatives civiques en délits, résumant ce qui est en réalité de la solidarité entre cultures à une organisation criminelle. Rappelons que pour les juristes libéraux, il s’agit d’un ‘délit de suspicion’, c’est-à-dire que le danger n’est que purement abstrait. Or, je pense que même le respect le plus acharné des textes règlementaires n’aurait pu voir dans l’activité de Lucano une organisation criminelle. Cette affaire laisse craindre ce qu’il existe de pire : derrière cette sentence se cache une posture idéologique qui a pour but de sanctionner les politiques d’accueil. C’est avec regret que je le dis, mais cette sentence fait écho à ce que Cesare Beccaria qualifiait de ‘procès offensif’, où le juge devient l’ennemi de l’accusé. ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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