"Le vote au Sénat accordant la confiance au gouvernement Conte, avec une majorité relative."
20/01/2021
Italie. Revue de presse.
Le vote au Sénat accordant la confiance au gouvernement Conte, avec une majorité relative (156 voix favorables – 140 contre – 16 abstentions) fait les gros titres des médias italiens. Les observateurs relèvent dans l’ensemble la fragilité de l’exécutif à l’issue de ce vote et soulignent la nécessité pour G. Conte de trouver des appuis parmi les forces centristes pour pouvoir proposer un remaniement : « Confiance à Conte mais avec 156 voix » - Pas de majorité absolue au Sénat (Corriere della Sera), « Un gouvernement si petit » - Conte n’obtient qu’une majorité relative au Sénat grâce à deux voix de Forza Italia et à l’abstention d’Italia Viva (La Repubblica), « Conte est sauf, mais il ne peut pas gouverner » (La Stampa), « Crise : Conte arrive à 156 voix au Sénat » (Sole 24 Ore), « Un gouvernement amoindri » - Conte va de l’avant et mise sur les « centristes ». Le PD et le M5S font pression sur Conte pour qu’il démissionne et forme un gouvernement « Conte ter » (Il Messaggero), « La débâcle pour Conte » - Seulement 156 voix au Sénat. Mattarella devrait maintenant intervenir (Il Giornale).
La polémique autour des retards sur la livraison des vaccins Pfizer est aussi largement commentée.
Les JT couvrent essentiellement le vote de confiance au Sénat, avec la reprise des propos des principaux dirigeants des groupes de la majorité et de l’opposition, la situation pandémique et les préparatifs pour la cérémonie d’investiture de Joe Biden.
PREMIER PLAN, La Repubblica, « Vaccins, Pfizer poursuit les coupes ; accord conjoint entre les régions ‘’nous ne sacrifierons pas les rappels de vaccin’’ » : « Le gouvernement a été contraint de revoir son plan de vaccination et de ralentir la cadence suite aux retards et aux livraisons moins nombreuses que prévues décidées par Pfizer ‘’de manière unilatérale et sans préavis’’. Domenico Arcuri (commissaire général à la santé) annonce que ‘’les livraisons seront réduites la semaine prochaine aussi’’. Le gouvernement envisage même des actions en justice contre l’entreprise américaine. Cette réduction du nombre de doses finalement livrées n’a pas été répercutée de façon homogène lors de la répartition des doses entre les régions. L’idée serait donc de mettre en place un mécanisme de solidarité afin de rétablir l’équilibre, ce qui implique le transfert de 50 000 doses entre régions. En attendant le vaccin d’AstraZeneca, Arcuri a annoncé l’arrivée imminente auprès des régions de nouveaux personnels pour la vaccination. C’est dans ce contexte que l’UE a de nouveau encouragé les Etats membres afin que l’objectif des 70% de citoyens vaccinés d’ici l’été soit bien atteint. Enfin, l’OMS alerte sur le risque de fortes inégalités à l’échelle mondiale :‘’jusqu’à présent, plus de doses ont été livrées dans les pays riches. Si la tendance se confirme, on risque un désastre éthique’’.
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Guerzoni « Conte : un nombre de votes favorables qui n’est pas exceptionnel, deux semaines pour renforcer sa majorité » : « Giuseppe Conte a fini par remporter le « oui » du socialiste R. Nencini, proche de Renzi mais, avec 156 voix au Sénat, il y a peu de raisons d’exulter. D’une part, le Président du Conseil est satisfait car ‘’on va de l’avant et maintenant il faut accélérer pour surmonter l’urgence sanitaire et la crise économique’’. D’autre part, le Palais Chigi est préoccupé car les résultats obtenus ‘’ne sont pas extraordinaires’’. Le plan est donc d’aller de l’avant, en restant imperturbable face aux protestations de l’opposition, et de ne pas démissionner. ‘’Et pourquoi, au juste ?’’. A la limite, il se rendra au Quirinal pour présenter l’état de la situation au Mattarella. Et puis fixera une réunion de majorité, pour travailler afin de faire adopter le plan de relance et l’amendement sur le budget et chercher d’ici le mois de février à trouver de nouveaux alliés pour élargir ses soutiens au-delà de la majorité relative avec laquelle il a sauvé le gouvernement de l’ ‘’irresponsabilité de Renzi’’. Si l’obtention de la confiance au Sénat est un ‘’point de départ’’ pour Conte, l’issue demeure toutefois incertaine. Mais si d’ici quelques semaines les soutiens n’augmentent pas, Conte devra à l’évidence se rendre au Quirinal pour remettre sa démission. Il doit trouver au moins 5 « responsables ». Selon de démocrate Zingaretti, la ‘’pente est raide’’ et Conte le sait bien.»
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « Un résultat qui renvoie à plus tard les défis que le gouvernement doit affronter » : « M. Renzi s’est rendu compte qu’il n’a pas réussi à donner au Palais Chigi ce coup mortel qu’il rêvait de pouvoir lui porter. Il n’a pas compris qu’en ce moment, en pleine pandémie, il n’est parvenu qu’à révéler à quel point il souhaitait se mettre en avant et a attisé les procès en irresponsabilité, malgré les critiques qu’il a formulées et qui étaient partagées [au sein de la majorité] à l’encontre de Conte. Toutefois, le défi n’est que reporté. Cela est vrai pour Italia Viva, mais aussi pour la coalition M5S-PD-LeU, après les soutiens arrivés in extremis lui ayant permis de survivre. Il est légitime de se demander comment il sera possible d’obtenir l’approbation sur des projets de réforme ambitieux dont le sort dépend aussi de la cohésion de la majorité ».
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Breda « Pour le Quirinal, le risque est que l’exécutif soit très fragile » : « Pour Giuseppe Conte, le vrai défi commence maintenant. Du côté du Quirinal, on ne peut pas parler de soulagement, bien que la situation institutionnelle se soit stabilisée. La faiblesse structurelle de l’exécutif sera donc sûrement évoquée par le Président Sergio Mattarella lors de son éventuel tête-à-tête dans la matinée avec Giuseppe Conte, n’y étant pas contraint par la Constitution. Mais, le rôle du Président de la République reste celui « d’être consulté, d’encourager et de mettre en garde », Sergio Mattarella ne manquerait donc pas de choses à dire à son hôte. A commencer par l’incertitude autour de la capacité concrète à gouverner, en particulier en cas de sabotage des partisans de Renzi. De plus, en cas de remaniement, le Président de la République aura autant son mot à dire que le Président du Conseil pour désigner les nouveaux ministres. La Ligue et Fratelli d’Italia, eux, ont demandé à être reçus au Quirinal. Ils reprochent à Sergio Mattarella de ne pas leur avoir donné la possibilité, lorsqu’ils ont quitté le gouvernement en 2018, de recueillir les voix auprès des Chambres. »
ARTICLE, La Repubblica, de M. Imarisio « Le paradoxe du M5S, premier actionnaire et spectateur silencieux face à la crise » : «Le Mouvement qui avait remporté en 2018 32,7% des voix, choisissant ensuite le futur Président du Conseil, se démarque par sa présence insaisissable et silencieuse. Ce n’est plus une stratégie mais un choix qui devient de plus en plus nécessaire. Il n’y a plus de vision. Il n’y a que le présent. L’appui inconditionné à Conte en est la preuve. Toutefois, la solution pour survivre aujourd’hui pourrait se révéler mortelle un jour. Si Conte devait vraiment former son parti, l’électeur 5 Etoiles pourrait se laisser convaincre par la nouveauté et la popularité de l’avocat. L’acceptation passive face au destin est aussi le fruit d’absence complète de discussion sur sa propre identité. Et du coup, les vicissitudes actuelles du gouvernement pourraient servir à geler les tensions internes au M5S ».
ENTRETIEN, La Repubblica, de Dario Franceschini, chef de délégation du Parti démocrate auprès du gouvernement « Pro-européens et modérés centristes doivent se joindre à nous à présent » : « La voie choisie par Conte et la confrontation au parlement puis au Sénat ont malgré tout été une bonne chose. Le gouvernement s’est vu renouveler la confiance par les Chambres, nous allons pouvoir faire approuver immédiatement l’amendement du budget, les nouvelles aides aux activités fragilisées par la crise (ristori) et nous enverrons d’ici février notre Plan de relance à l’Europe. Certes, nous devons travailler au renforcement du gouvernement grâce à un horizon, un dessein politique à-même de mobiliser une majorité plus large. Je pense aux modérés de centre-droit, de l’Union de Centre (UDC) à Forza Italia, au groupe de Romani et de Quagliariello. Il n’y a qu’en Italie que les forces politiques qui adhèrent au PPE sont aussi les alliées des souverainistes anti-européens. Il y a une véritable occasion pour Forza Italia de nous rassembler autour de la ligne pro-européenne et je sais leur disposition à le faire. La porte reste ouverte. La création de son propre parti par Conte n’est pas à l’ordre du jour, tout dépendra de la loi électorale. Quant à un gouvernement Conte-III, commençons par remplacer les ministres retirés par Italia Viva, ensuite nous verrons. La tête d’une coalition doit constituer un point d’équilibre. En l’occurrence, ce ne peut-être que Conte, qui a tout notre soutien. Les allusions à son remplacement par un membre du PD n’étaient qu’une tentative de semer la zizanie. Nous avons déjà engagé une révision du programme pour un nouveau pacte de gouvernement. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, d’Andrea Marcucci, chef de groupe du PD au Sénat « Maintenant nous dirigeons le gouvernement avec Conte. L’histoire avec Italia Viva ? il ne faut jamais dire jamais » : « ‘’Nous sommes satisfaits du résultat au Parlement mais nous nous attendons maintenant à ce qu’une nouvelle page soit tournée. J’ai l’impression qu’hier Renzi nous a définitivement abandonnés. C’est à mon avis une erreur. Il aurait dû accepter l’ouverture de Conte. Je crois que le Parti Démocrate devra assumer la responsabilité de diriger le gouvernement avec Conte, dans les prochains mois. Nous ne pouvons plus nous permettre d’autres dérapages’’. »
ENTRETIEN, La Stampa, de Goffredo Bettini, conseiller de G. Conte « ‘’Maintenant, élargissions le périmètre du troisième pilier des libéraux » : « ‘’ Nous devons voir s’il est possible maintenant d’élargir le périmètre de ce troisième pilier des libéraux et des modérés dont je parlais l’été dernier. Un groupe libéral, réformiste et modéré qui soit prêt à faire partie du gouvernement. Sinon, une fois l’était d’urgence sanitaire passé, les élections seront inévitables. Il n’y a pas d’alternative. Si les conditions sont là, il faudra faire un plan de gouvernement pour finir la mandature et effectuer un remaniement nécessaire’’ ».
ENTRETIEN, Il Foglio, de Bruno Tabacci, Président du Centre Démocratique « Tabacci s’exprime » : « Le nom du futur parti ? Nous n’y avons pas encore pensé mais il s’agira d’une liste de centre, progressiste et alternative aux souverainistes. Elle rassemblera le mieux des traditions politiques de l’histoire républicaine et Conte en sera le chef. Conte, contrairement à Monti, sait communiquer. Il a cité des noms de philosophes français, tels Jacques Maritain, des figures pour moi bien connues, moi qui ai grandi dans le sillage du catholicisme démocrate. Nous sommes conscients du fait de devoir construire une base parlementaire plus large. L’Italie doit faire face à une crise importante, il faut une classe dirigeante qui soit à la hauteur. Renzi a fait un pari osé et il a perdu.’’ ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, Stefano Folli, « L’autre match se joue à Bruxelles ». « Ceux qui sont réalistes ne peuvent ignorer la question du lien à l’Union européenne qui a exprimé son inquiétude sur notre plan de relance, lien qui est au cœur de cette crise. Gentiloni n’a pas été le seul à s’inquiéter. Il est très clair que les réformes sont essentielles pour avoir un plan convaincant. Hier aussi, Dombrovskis, vice-président de la Commission, a rappelé que « les travaux sur le plan de relance italien sont en cours » et qu’il «espère que l’Instabilité politique ne les mette pas en péril car l’Italie est le principal bénéficiaire et il est essentiel de s’assurer que les fonds arriveront bien à destination ». Une façon de dire que le plan doit être crédible et que l’instabilité ne peut plus être un alibi pour le renvoyer à plus tard. La nouvelle majorité sera jugée à l’épreuve des faits ; il est clair qu’à Bruxelles, mais aussi à Berlin et à Paris, on a des doutes. C’est celui-là, le vrai match que Conte doit remporter et là que le lien entre les manœuvres parlementaires et l’horizon européen devient déterminant ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, Claudio Tito : « Conte et la fin des alibis». « La discussion au Sénat et à la chambre a été plutôt modérée. La politique a été écrasée par la propagande et les slogans. Et la discussion a révélé une vraie pauvreté des arguments. A partir d’aujourd’hui, on entre dans une nouvelle phase pendant laquelle le prétexte de l’urgence de la crise épidémique ne pourra plus être dégainé comme avant. Italia viva ne plus un facteur de déstabilisation interne et le Covid ne peut plus être considéré comme un ennemi inconnu. La question de la campagne de vaccination et du plan de relance ne peuvent pas être les seuls points qui figureront dans le nouveau pacte de mandature. Fin mars, les travailleurs et les entreprises devront faire face à la fin des indemnisations chômage et du moratoire sur les licenciements. Les 5 étoiles devront décider de la prolongation de ces mesures, et dans ce cas trouver les ressources pour les financer. S’ils n’en trouvent pas, le gouvernement avec du bon sens devra prévoir la façon dont il gérera la colère qui va sûrement éclater en conséquence. Tout cela ne sera possible que si le premier ministre parvient à dépasser les frontières de sa majorité actuelle. Les 156 voix favorables à la confiance qu’il a obtenue hier ne peuvent suffire. Dès aujourd’hui, avec l’approbation du nouvel amendement à la loi de finances, qui requiert un vote favorable à la majorité absolue des voix, les limites de ce système vont être testées. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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