"Le gouvernement pris de court, l’inconnue Draghi préoccupe Conte."
19/08/2020
Italie. Revue de presse.
Les déclarations de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, lors d’un forum catholique international de réflexion à Rimini, dominent les gros titres des médias italiens. C’est surtout son appel à des choix responsables pour un endettement ‘’positif’’ visant notamment les investissements plutôt que l’assistanat, qui est repris. Certains observateurs soulignent d’un côté l’embarras d’une partie de la majorité (notamment du M5S qui défend le revenu de citoyenneté) ainsi qu’une possible « descente dans l’arène politique » (Repubblica) de l’ancien président de la BCE : « Reprise, la recette de Draghi » - ‘’investissons sur les jeunes, il faut aller au-delà des allocations de chômage’’ (Corriere della Sera), « Draghi surprend le gouvernement » (La Repubblica), « Draghi, le manifeste pour la croissance » - ‘’Les partis froids après l’intervention de l’ancien président de la BCE’’ (La Stampa), « Draghi, les allocations ne suffisent pas, les nouvelles générations sont en danger » (Sole 24 Ore), « Le coup de fouet de Draghi » - ‘’L’ancien président de la BCE demande un majeur engagement envers les jeunes’’ (Avvenire), « Le retour de Draghi » (Il Mattino). La disparition de Cesare Romiti, ancien AD de FIAT et grande figure de l’économie italienne, est aussi largement reprise avec couverture photographique en Une.
L’ouverture des journaux télévisés est consacrée aux discussions sur les mesures anti-Covid, notamment en vue de la réouverture des écoles en septembre, à l’alliance entre le M5S et le PD pour les élections régionales et, en matière de politique étrangère, à l’officialisation de la nomination de Joe Biden comme candidat démocrate en course pour la Maison Blanche.
ENTRETIEN, Fatto Quotidiano, de Giuseppe Conte, Président du Conseil « M5S et PD, s’allier dans les régions est une occasion qu’il ne faut pas gaspiller » : « ‘’J’estime que les partis politiques qui soutiennent le gouvernement doivent tenter de dialoguer également au niveau régional. Se présenter divisés dans les Pouilles ou dans les Marches exposerait au danger de gaspiller une grande occasion. Une synergie au niveau local peut imprimer une forte accélération pour réaliser les stratégies du Green Deal, de l’innovation numérique, des investissements dans les infrastructures, les crèches et les écoles. Ces élections régionales coïncident avec un moment historique pour l’Italie. Nous sommes en train d’élaborer un Recovery Plan, financé par d’importants fonds européens, ce qui constitue la plus grande opportunité pour les nouvelles générations. Les régions seront fortement impliquées dans ces projets. Le gouvernement, la protection civile, les maires et des directeurs d’école sont en train de s’engager au maximum pour assurer une rentrée scolaire en toute sécurité. C’est un défi très important pour l’Italie, qui implique 10 millions de personnes. Nous avons investi 2,9 milliards dans l’école rien que pour la rentrée. Le débat sur le MES ? Je rappelle qu’il s’agit toujours d’un prêt. J’ai confiance sur le fait que les flux de caisse rendent inutile cet ultérieur endettement, aussi parce que les fonds Sure ont déjà été activés et en raison aussi de la perspective du Recovery Fund. Si la situation de la finance publique devait changer, cela sera discuté au Parlement en toute transparence. La réforme constitutionnelle prévoyant une coupe des parlementaires doit être accompagnée d’une réforme électorale qui soit basée sur un critère de représentativité bien dosée. Les partis de majorité ont choisi un mécanisme prévoyant un seuil de barrage à hauteur de 5%¨. Cela me semble une solution équilibrée. La question est maintenant traitée par le Parlement. Les propos de Mario Draghi ? Je suis d’accord avec lui, notamment sur le fait qu’il faut renforcer les instruments pour donner davantage de force et de stabilité à la zone euro et investir avec détermination sur l’instruction et sur la recherche pour assurer un avenir aux jeunes’’ ».
RETROSCENA (coulisses) La Repubblica S. Cappellini « Le gouvernement pris de court, l’inconnue Draghi préoccupe Conte » : « Après son discours d’hier au meeting de Rimini, une indication de changement de cap est bien plus qu’un avertissement au gouvernement. S’agit-il d’un premier pas vers une «descente dans l’arène » ? Est-ce une disponibilité à assumer de futures charges institutionnelles ? Si oui, lesquelles ? Le Palais Chigi ou le Quirinal ? En tout cas, la fermeté avec laquelle Draghi a décidé d’intervenir a bel et bien surpris l’Exécutif. Si les agences ont repris pendant toute la journée ses déclarations, le gouvernement n’a pas pour autant laissé de commentaires. Conte ne craint pas un défi direct avec Draghi et il a raison. Toutefois, il ne pourra pas mettre dans un tiroir l’agenda tracé par l’ancien président de la BCE. Les propos sur les ‘’subventions improductives’’ et sur ‘’la mauvaise dette’’ qui risquent de lester l’Italie jusqu’à la faire couler représentent un post-it sur le risque concret de retards et de superficialité dans le plan pour l’utilisation des ressources allouées par le Recovery Fund de l’UE. Ce n’est pas un hasard si le Commissaire Gentiloni a promptement dit ‘’il faut l’écouter’’. Conte sait bien que les démentis du prestigieux rival ne suffisent pas à éteindre les bruits sur une possible entrée en scène du principal « civil servant » italien. Même au sein du PD il y a une certitude : si Conte devait vaciller, seul Draghi pourrait sauver la législature, peut-être à la tête d’une majorité ‘’Ursula’’, la même qui a voté la Commissaire, et donc élargie à Forza Italia (qui toutefois s’est engagée hier à signer un « contrat anti-combine » avec les autres partis du centre droit pour ne pas soutenir un gouvernement avec ceux qui ne font pas partie de la coalition). Sans oublier les propos de Di Maio en juin après sa rencontre avec Draghi ‘’j’ai eu une très bonne impression’’ qui pourraient représenter un message à l’encontre de Conte ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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