"De la Russie avec amour (seulement?)"
26/03/2020
Italie : des camions de l'armée russe en route vers Bergame
Italie. Revue de presse.
Les médias italiens titrent aujourd’hui sur un nouveau dispositif de 25 Mds d'euros annoncé par le Président du Conseil afin de faire face au contrecoup économique de la pandémie. Les médias soulignent également la convergence de vues entre l’Italie et la France pour la mise en place des « coronabonds»: « Encore 25 milliards pour contrer la crise » - " 4e jour de baisse des contaminations. Le chef de la Protection civile positif au virus '' (Corriere della Sera), « Un bazooka de 50 milliards » - "Nouveau décret en avril; Draghi : plus de déficit pour sauver l'économie'' (La Repubblica), « Virus, Conte et Macron défient Merkel » - ''Eurobonds, Conte à la tête de 9 leaders européens'' (La Stampa), « Titres d’État, le plan BCE-MES est prêt » (Sole 24 Ore), « Aides anti-virus, l'Europe en morceaux » - ''L'Italie et 8 autres pays pour les coronabonds, l'Allemagne est contre'' (Il Messaggero), « Hôpitaux, alarme en Campanie » (Il Mattino), « Alerte retraites » - '' Et possible impôt sur la fortune. Draghi demande plus de déficit '' (Il Giornale).
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Luigi Di Maio, ministre des Affaires étrangères : « Maintenant une alliance internationale pour mettre au point un vaccin.
ARTICLE, Corriere della Sera, P. Mieli: « Faites attentions, ne lâchons pas prise trop tôt » : « Préparons nous. L'histoire des épidémies nous apprend que la première phase de la contamination s'est toujours conclue avec une trêve de quelques semaines qui a été suivie par une deuxième vague virale, quelque fois bien plus agressive que la précédente. C’est dans cette phase que l'on voit s'il y a une classe dirigeante à la hauteur de la situation ou si au contraire si nous avons aux commandes des chefs en quête de popularité, qui pour satisfaire l'envie générale de relâchement, concèdent la liberté désirée. Si l'on interrompt l’auto-isolement avant le temps nécessaire, on rendrait vain l'effort des deux dernières semaines et le nombre de décès serait impressionnant. On ne devrait pas lâcher prise et rester à la maison encore longtemps après la diffusion de la première vague de la contamination. C'est d'ailleurs ce qu'est en train de faire avec sagesse la Chine, en prolongeant l'isolement de Wuhan. Ce n'est pas non plus le moment des bilans politiques sur la façon dont a été gérée l'épidémie, ni des vengeances. Les leaders de l'opposition feraient bien de renvoyer de quelques mois leurs considérations. Une fois que les mesures essentielles pour sauver notre économie seront prises, il est trop tôt pour faire tout le reste. Ce que nous pouvons et devons faire aujourd'hui est de réfléchir sur les responsabilités que nous avons accumulées vis-à-vis de la science. Nous pourrions profiter du temps que nous avons d'ici à la fin de l'urgence pour prendre conscience de la nécessité d'investir dans la formation et la recherche scientifique. En laissant à celle-ci le maximum de liberté, afin de nous sentir moins coupables la prochaine fois pour avoir été pris par surprise. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Pour le Président du Conseil, les négociations qui comptent sont celles qui se déroulent en Europe » : « Lors de son information à la Chambre, Conte a expliqué que pour l’instant, il n’y avait pas d’autres gouvernements possibles à part le sien. Cela sera discuté, à la limite, après que l’urgence sanitaire aura laissé la place à l’urgence économique. La manière dont Conte s’est comporté à la Chambre a donné l’idée que ce seront surtout les décisions prises en Europe qui compteront le plus dans les dynamiques intérieures. Ce n’est pas un hasard si dans son discours il n’a jamais tendu la main à la Ligue ou à Fratelli d’Italia. La survie de ce gouvernement et les mesures qui seront mises en place dépendent surtout de ce qui sera décidé à Bruxelles. Encore une fois, l’Europe devient la variable intérieure de la politique italienne. Conte a la nécessité d’obtenir davantage de solidarité de la part de l’Union Européenne au moment où la Ligue et Fratelli d’Italia se sont rapprochés pour mettre à l’indice les choix des Bruxelles et de Francfort et qu’ils ont déjà trouvé une cible : le MES »
ENTRETIEN, Il Foglio, de Giorgia Meloni, leader et fondatrice de Fratelli d’Italia : « Gualtieri sait que ce n’est qu’un pansement et pas un traitement » : « "Imaginons ensemble les instruments pour relancer l’économie et faisons du Parlement le lieu de la confrontation continue. Nous avons déjà soumis nos amendements au ministre Gualtieri. La crise a dévoilé la fragilité de la globalisation et le conflit entre l’Etat et les régions. Apprenons les leçons de cette crise. Il faudra ensuite réfléchir sur la structure de nos institutions. Les maires semblent avoir plus de voix et une représentativité face aux citoyens par rapport au gouvernement aussi parce que le système de scrutin majoritaire facilite cette chose. Face à la globalisation sans règles, la politique doit repenser sa propre politique industrielle. Je n’ai pas confiance dans le MES. Si quelqu’un pense d’appliquer à l’Italie la recette grecque, il se trompe. Je ne sais pas ce que Conte a en tête mais nous ne le permettrons pas. Au début de la crise sanitaire, certains Etats n’ont pensé qu’à eux. Bloquant même l’exportation de masques. Puis, avec les propos de Lagarde, quelqu’un a pensé pouvoir profiter de la chute de la bourse pour faire du shopping de nos entreprises. Au début, l’Europe a été absente voire adversaire. Puis l’épidémie s’est rependue et on connait la suite…’’ ».
ENTRETIEN, La Stampa, de Silvio Berlusconi, leader de Forza Italia : « "L’exécutif est en retard, qu’il fasse comme l’Allemagne sur les crédits aux entreprises’’ » : « Il est urgent de mettre des liquidités sur le marché, et l’État n’a qu’une seule chose à faire tout de suite, comme l’Allemagne l’a déjà fait : donner aux banques la garantie de crédit aux entreprises. Face à l’urgence économique, nous revenons sur les propositions déjà faites à l’exécutif, en demandant à être informés, et non pas seulement des décisions déjà prises, comme cela a été le cas jusqu’à présent. Un message également pour l’UE : nous avons besoin de solidarité, sinon ce sera l’échec éternel. Pour faire face à la pandémie en ce moment, nous sommes bloqués aux 25 milliards mis en place il y a quelques jours. Le président du Conseil a promis de les augmenter, mais il n’a rien dit de concret. L’Allemagne, quant à elle, a déjà débloqué 156 milliards. Nous avons présenté de nombreuses propositions dont le blocage de tout paiement à l’État pendant quelques mois, le solde immédiat des dettes de l’administration publique envers les entreprises, la suspension des loyers pour les activités productives et commerciales fermées, avec indemnisation adéquate des propriétaires. J’espère que le gouvernement nous écoutera’’ ».
ENTRETIEN d’Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, Stampa : « “Accord Rome-Paris positif, et Merkel favorisera une solution” » - “L’Europe maintenant risque tout. Elle doit sauver l’économie ou elle finira dans les mains de la droite” : « La situation, pour E. Letta, est “triste”. Combien d’autres morts faut-il pour convaincre la Hollande et l’Autriche qu’il ne s’agit pas d’une crise financière comme en 2008 ?”. “Salvini ne comprend rien et pourtant il pourrait bénéficier d’une situation mal gérée par l’UE”. “L’union de l’Italie et de la France est un signal très fort et lourd. Elle confirme ce que doivent être les alliances naturelles de l’Italie. Quand je repense aux années passées, au Conte 1 avec Salvini, et aux difficultés avec la France et l’Espagne… Maintenant c’est mieux”. “La croissance de l’euro-scepticisme en Italie est impressionnante. La fierté nationale est positive si elle ne se transforme pas en nationalisme et en fermeture ».
ARTICLE, Repubblica, G. Di Feo : « De la Russie avec amour (seulement?) » : « Aujourd’hui, dans une Italie frappée par le virus, nombreux sont ceux qui commencent à se demander si cette pluie d’aides en provenance du Kremlin est utile. Et s’il s’agit uniquement d’une intervention humanitaire ou si, comme dans le film de James Bond, l’opération “De la Russie, avec amour” ne se cache un plan pour modifier les alliances. Ce sont des aides dont nul ne connaissait la teneur, quand le premier avion s’est posé à Pratica di Mare (ndr : aéroport militaire près de Rome), loin de l’épicentre de l’épidémie. Le commandant de nos forces armées l’a demandé au général russe : “comment êtes-vous organisés? Combien de médecins seront là?”. Au moins quinze avions russes sont arrivés en quelques heures. De leur soute sont sortis surtout des instruments pour décontaminer des armes chimiques et des laboratoires mobiles pour analyser ces substances, des instruments d’efficacité douteuse contre la contagion : nos casernes en sont pleines, et nous n’avons pas jugé bon de les sortir. Le personnel arrivé de Moscou semble lui aussi spécialisé pour combattre l’ypérite. Le commandant de l’expédition est un vétéran en la matière. Il s’est présenté à La Haye l’an passé et a affirmé que le régime d’Assad n’a jamais utilisé d’arme chimique contre le peuple syrien. Il y a avec lui plus de cent officiels : certains sont indiqués comme étant virologues et médecins réanimateurs. On les verra bientôt à l’œuvre à l’hôpital. Pour nos services secrets, ce débarquement est un casse-tête : on ne sait exactement qui ils sont et si leurs déplacements sur la péninsule seront uniquement à but humanitaire. Hier, quelques parlementaires (peu) ont exprimé leurs doutes sur le secours moscovite, le définissant comme étant un “cheval de Troie”. Mais plus que de l’espionnage, ce sont les objectifs géopolitiques qui inquiètent. Ce qui est sûr c’est que pour le Kremlin c’est un coup de communication sans précédent. Sur le site du ministère de la Défense russe, on trouve des photos de l’expédition mettant bien en vue les rencontres avec notre Etat-Major : un pays de l’OTAN qui ouvre les portes à l’armée russe. La propagande russe peut compter sur un solide réseau de sympathisants chez nous, de la Ligue aux dirigeants d’importantes entreprises publiques. J. Iacoponi dans la Stampa l’a noté, ce n’est pas surprenant qu’ainsi Moscou veuille réaliser une “opération d’influence” classique. Vladimir Poutine a hérité de la tradition soviétique et s’est illustré comme un maître, obtenant des résultats politiques énormes avec un engagement militaire limité. Il l’a fait en Syrie, en Ukraine, en Libye. Le schéma se répète – même si c’est de façon limitée – en Italie maintenant. Di Maio (M5S) les a accueillis en disant que ‘’nous serons à jamais reconnaissants à la Fédération russe”. Des mots qui ont frappé nos alliés, très soupçonneux des passions internationales du M5S. Et tous étonnés de l’attitude formelle de notre gouvernement, qui semble avoir oublié les règles de l’Alliance atlantique. L’Espagne a hier demandé officiellement l’aide de l’Otan, invoquant les accords pour recevoir des tests, des ventilateurs et des masques. Le Luxembourg l’avait déjà fait, obtenant des tentes et des générateurs pour monter des hôpitaux sur le terrain. Est-il possible que personne n’y ai pensé en Italie ? ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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