"Interdiction de voyager. Bras-de-fer gouvernement-région Lombardie sur les règles à respecter."
23/03/2020
Italie. Revue de presse.
Le Coronavirus sature toujours l'espace médiatique italien (JT et quotidiens). La presse relève les nouvelles restrictions mises en place par le dernier décret adopté hier, qui limite encore davantage les déplacements.Les observateurs relèvent également une augmentation moins forte des contaminations et des décès : « Stop aux déplacements » - " Interdiction de voyager. Bras-de-fer gouvernement-région Lombardie sur les règles à respecter'' (Corriere della Sera), « Tout fermé ou presque » - "Plusieurs dérogations prévues, les syndicats protestent'' (La Repubblica), « Conte : des jours difficiles mais nous nous relèverons » - ''Entretien du Président du Conseil. Baisse des contaminations et des morts'' (La Stampa), « Virus, interdiction de quitter les villes » - ''Le nouveau décret bloque les déplacements vers le Sud'' (Il Messaggero), « Virus, interdiction d'aller vers le Sud » - ''La décision après les pressions des présidents des régions'' (Il Mattino), « La farce » - '' Un décret flou après le direct sur Facebook de Conte'' (Il Giornale).
Les JT ouvrent sur les nouvelles mesures restrictives adoptées hier ainsi que sur la moindre augmentation du nombre des contaminations et des décès. Ils relèvent également les critiques des partis de l’opposition vis-à-vis du gouvernement.
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Giuseppe Conte, Président du Conseil. « ‘’Il faut l’effort de tous, c’est la tenue sociale et économique est en jeu’’ » : « Depuis son bureau au Palais Chigi, Giuseppe Conte dit que les 8 000 médecins qui ont répondu à l’appel pour créer une équipe de crise contre le virus sont ‘’des héros en blouse blanche’’. ‘’Avec la suspension du pacte de stabilité, le scénario change. Nous pouvons à nouveau penser à soutenir la santé, les entreprises et les familles. Il est trop tôt pour dire quand la crise se terminera. Ce seront les jours les plus difficiles parce que nous n’avons pas atteint la phase la plus aiguë de la contagion et les chiffres vont encore augmenter. Nous attendons, dans les prochains jours, les effets des mesures prises. Je l’avais dit tout de suite que le changement ne se verrait pas dans l’immédiat. Nous avons maintenant franchi un nouveau cap, en fermant toutes les activités productives qui ne sont pas strictement nécessaires, ni indispensables pour garantir la production des biens et des services essentiels. Nous avons décidé de ralentir le moteur de notre pays sans toutefois le bloquer complètement. En ces heures de grande urgence, nos choix sont pondérés, les prochaines semaines seront très difficiles. Avec le président de la Région Lombardie, A. Fontana (Ligue), nous avons collaboré dès le début. Toutes les décisions prises ont été évaluées ensemble, en suivant les indications du comité technique et éthique. Les places pour les soins intensifs ont augmenté de 50% au niveau national et de 70% en Lombardie. Les photos des cercueils qui quittent Bergame resteront indélébiles dans notre histoire. Avec la Protection civile, nous suivons de près l’évolution des contaminations. Nous tenons les partis d’opposition constamment au courant des décisions prises. Dans les prochains jours, je me rendrai au Parlement pour rendre compte des mesures que nous avons adoptées. Nous n’avons jamais sous-estimé cette épidémie. La preuve, notre modèle est copié par tous. L’OMS a reconnu notre sérieux. Nous avons toujours agi en écoutant les scientifiques et les experts. La suspension du pacte de stabilité et le soutien de la BCE nous permettra de faire repartir plus rapidement notre économie. Aucun Etat ne peut penser s’en sortir tout seul. Il faut une réponse européenne imposante, efficace, immédiate. Toute l’Europe devra affronter une récession et cela met les finances publiques de tous les pays membres sous pression. La BCE a sans doute mis un bouclier protecteur et c’est maintenant aux gouvernements européens de descendre dans l’arène et défendre l’économie. Il faut construire une architecture financière avec, au centre, les Eurobonds pour soutenir les efforts des pays membres ou en tout cas un fonds de garantie adéquat pour protéger la santé et l’économie européenne. Aujourd’hui, nous distribuerons quatre millions de masques et nous avons réservé 6500 respirateurs. Mais beaucoup dépend aussi du comportement responsable de chacun de nous : si tous, et je le répète tous, nous respectons les interdictions, si chacun joue son rôle, nous sortirons plus rapidement de cette épreuve très difficile. Cette expérience nous changera tous. C’est à nous de faire en sorte de devenir meilleurs qu’avant’’ ».
ENTRETIEN, La Repubblica, de Stefano Patuanelli (M5S), ministre au Développement économique : « ‘’Je n’ai pas cédé aux pressions des industriels. L’objectif primaire est de sauver des vies humaines ’’ » : « ‘’Je réfute l’analyse selon laquelle le gouvernement serait en train de tâtonner : Ce n’est pas vrai, au point que l’Italie est devenue un modèle de référence pour les autres pays qui prennent les mêmes mesures que nous. Quand nous avons fermé les écoles, on nous observait avec méfiance, maintenant tout le monde le fait. Nous nous basons sur l’analyse quotidienne que nous avons avec le comité technique scientifique et avec l’Institut supérieur de santé. Les mesures sont arrivées dans les délais dictés par cette analyse. Sur la menace de la grève générale de la part des syndicats, nous avons analysé les demandes et sommes arrivés à une synthèse satisfaisante. Le principe de précaution et la protection de la santé publique nous guident. Le gouvernement n’a pas cédé à la pression de la Confindustria, notamment parce qu’il y a un très grand sens des responsabilités de tous les secteurs de production et des entrepreneurs individuels. Toute la métallurgie et toute la fabrication de produits métalliques fermera ainsi que la plupart des produits d’électronique et d’optique. Environ 35% des activités resteront ouvertes. Pour éviter d’avoir des pics de croissance, il faut agir partout. Dans les deux prochains jours de cette semaine, les entreprises pourront organiser leur fermeture, qui devra en tout cas se faire ce mercredi. L’exigence que nous devons assurer aux entreprises est celle de la liquidité. Sur cela, il faudra intervenir ultérieurement et nous devrons allonger les temps du remboursement des financements que nous ferons. Nous devrons adopter un autre décret prévoyant un « éco-bonus » à hauteur de 120%, la banque publique des investissements, le déblocage des chantiers à l’instar du modèle de Gênes. Et puis nous devrons utiliser d’autres ressources pour continuer le parcours entamé avec le décret des 25 milliards’’ ».
ENTRETIEN, Corriere della Sera, d’Attilio Fontana (Ligue), Président de la Région Lombardie : « Le décret est réductif et sans notre accord. Les lombards savent ce qu'ils doivent faire » : « Pourquoi ne pas fermer tous les cabinets, les administrations publiques, les hôtels ? Et les chantiers ? Je dis aux citoyens de suivre les dispositions contenues dans l’ordonnance que j'ai signé samedi. Je vis un sentiment d'impuissance jour et nuit. Qui gouverne la Lombardie sait qu’il peut toujours presque tout réaliser. Grâce à ses ressources et à sa mentalité ce territoire est toujours capable de faire face à tous les problèmes. Mais cette fois-ci tout est différent, nous sommes devant quelque chose de plus grand que nous. Il faut absolument faux que nous renonçons à soigner des patients, nous soignons tout le monde et ne laisserons jamais personne de côté »
ARTICLE, La Stampa, F. Grignetti : « " Peu de clarté, hésitations et retards ". Les interventions de Conte critiquées » : « Et à la fin, au quinzième jour d'urgence, c'est le président du Conseil Conte qui est mis en accusation. Non seulement parce que la direction de Palais Chigi, ces derniers jours, semble hésiter mais aussi parce que le dernier message de Conte, par le biais des réseaux sociaux, a jeté le pays dans la confusion. Il faut tout fermer, sauf la production essentielle, mais quelle est la production essentielle ? C'est facile à dire mais plus difficile à comprendre : le décret, annoncé samedi nuit, a été signé seulement hier soir et beaucoup d'Italiens se sont demandé ce qu'ils devaient faire aujourd'hui. Conte a été beaucoup critiqué et Dario Franceschini, chef de la délégation du PD, a dû déclarer, pour protéger le président du Conseil, qu'il devait tout simplement être remercié pour son travail sans répit, parce qu'il était en train d'affronter une responsabilité énorme. Des critiques sont arrivées, évidemment, de la part de l'opposition mais aussi des renziens, très durs avec Conte, accusé de semer la panique par des déclarations qui ressemblent davantage à une télé-réalité, style « La grand frère ». Même le président de la Confindustria, Vincenzo Boccia, a souligné l'exigence de préciser les priorités du monde productif pour permettre la poursuite des activités non expressément incluses dans la liste mais essentielles à la poursuite de l’activité des entreprises essentielles tandis que les syndicats ont protesté pour éviter le risque de trop de dérogations ».
EDITORIAL, Repubblica, S. Folli : « Le destin commun qui nous fait défaut » : « Un décret insaisissable, changeant comme une créature ésotérique. Ou bien il ressemblait à un lego, mais une pièce à la fois. Et il sera différent de celui indiqué à (très) grandes lignes par le président du Conseil samedi à minuit à travers une communication des plus étranges. Hier, par exemple, nous avons su qu’il n’était pas possible de se déplacer d’une commune à une autre, c’est nouveau, sauf urgence absolue. Ces changements récurrents donnent l’idée d’une fatigue générale, ce sont autant de « soufflets » donnés à une communauté courageuse mais désorientée et pleine de peur. Ce qui est bien pire, c’est que jusqu’à hier, nul ne savait de quelle manière auraient lieu la fermeture des activités productives. Une économie dont le PIB vaut 1800 milliards d’euros était d’abord suspendue à un direct Facebook puis à un dimanche d’indiscrétions. Pas de discours éthique pour accompagner la privation de la liberté civile. Ni de souffle d’un destin commun. On navigue à vue. Le NYT a écrit, entre autres, que l’expérience de l’Italie devrait servir à Trump pour éviter les mêmes incertitudes. Il est vrai que c’est une crise sans précédent au cours de ce siècle, c’est un facteur atténuant. Mais l’impression demeure : trop d’aspects ont été affrontés avec légèreté, à la recherche du succès médiatique, avec un oeil (voire deux) vers les sondages. Mortifier les institutions est une erreur qui se paie toujours. C. Schmitt estimait que ‘’celi qui décide sur l’état d’exception est souverain’’, il ne pouvait prévoir cependant l’ère du web ».
ARTICLE, Repubblica, R. Mania : « Fermeture à moitié » - “Le gouvernement : blocus total de la production, puis il l’élargit. Les syndicats prêts à la grève” : « Les syndicats CGIL et UIL se sont dit hier prêts à la grève générale, après une journée de tensions avec les techniciens des ministères lors d’un dialogue à distance, pour défendre la santé des travailleurs. L’accusation portée à Conte est lourde : celle d’avoir annoncé la fermeture des activités productives mais pas toutes. Peuvent continuer leurs activités, entre autres, le textile (vêtements exclus) la chimie, les pneumatiques et la manutention-réparation des véhicules. Mettre un pays à l’arrêt n’est pas simple. Mais le décret de Conte reprend nombre de points du texte de Boccia (Confindustria), qui avait demandé au président du Conseil de revenir sur la décision drastique de tout fermer, annoncée samedi soir tard, ce qui provoque la colère des syndicats. »
ARTICLE, Repubblica, C. Lopapa : « Maintenant, de Salvini à Renzi, le siège de Conte reprend. La droite mise sur les techniciens » - “La Ligue et Forza Italia demandent audience à Mattarella ? Casellati rappelle le président du Conseil pour qu’il consulte le Parlement. Le leader de Italia viva : ‘’non aux communications de reality show” : « Assiéger Conte et tenter de le désarçonner dans le moment de pire fragilité pour le pays. Après les dernières restrictions annoncées par le Palais Chigi et après que le seuil tragique de 5.000 morts ait été atteint. Sous le manteau, on voit des convergences, plus ou moins voulues, entre les deux Matteo (Renzi et Salvini) avec l’objectif de mettre Conte de côté et dans les semaines à venir le remplacer par un nouvel exécutif de santé publique, des techniciens. Une note conjointe vers le Quirinal de Ligue, FI et FdL est partie pour une demande de rencontre avec Mattarella. Que les deux Matteo, par ailleurs, n’aiment pas beaucoup Conte, c’est connu. R. Fico assure que la Chambre continue son travail. A. Casellati semble elle prendre parti en demandant à Conte ‘’un raccord avec les Chambres qui n’a pas eu lieu jusqu’à présent”. Le nom de Mario Draghi revient sur le tapis pour guider un ‘’gouvernement de tous’’ au sein de FI surtout. Le préambule serait que Renzi tourne le dos au gouvernement dans ce moment dramatique ».
SONDAGE Demos-Unipolis-COMMENTAIRE, Repubblica, I. Diamanti, « Dans l’Italie assiégée par le virus, la grande peur est pour l’avenir des enfants » : « Le coronavirus a changé notre vision du monde. Et de la réalité autour de nous avant tout. Il a redéfini notre perception du temps. L’avenir apparaît sombre. Ou mieux : en suspens. Presque 3 Italiens sur 4 pensent que cette période durera ‘’quelques mois’’, 16% évoquent un temps obscur : “au moins un an”, après on ne sait pas. Tous les Italiens (96%) sont inquiets. C’est un sentiment diffus. Au-delà de la santé, l’avenir économique inquiète. Plus simplement – et dramatiquement, de ne pas avoir d’argent pour vivre, pour soi mais surtout pour l’avenir des enfants. L’inquiétude pour les enfants est partagée par plus de la moitié des Italiens (53%) soit 8 points de plus qu’en janvier. Le sondage montre une société qui ne sort pas de chez elle, en état de siège. Tandis que le temps est suspendu. 70% des Italiens, nous l’avons vu, apporte son soutien au gouvernement. Et accepte des mesures qui changent sensiblement la vie. Les Italiens, on le sait, ont toujours eu du mal à supporter les pouvoirs ‘’centraux’’ et la pression fiscale (élevée) par rapport aux autres pays européens. Mais la situation d’urgence, et la peur, changent la donne. Par ailleurs pour 9 italiens sur 10, il est justifié de limiter la liberté des citoyens, au nom de la sécurité. Dans nos sondages, cela fait des années que parmi les citoyens un malaise diffus croît vers la démocratie libérale, au point que beaucoup (la majorité…) souhaitent l’avènement d’un “homme fort”. Tous les partis pour cette raison sont devenus des “partis personnels”, se sont personnalisés. G. Conte, contraint par la situation à prendre des mesures strictes, se présente aujourd’hui comme un “homme fort”, ce qui hier aurait été une image difficile à associer à sa personne. Il faudra donc faire attention. Que notre démocratie ne soit pas contaminée et ne se transforme en corona-démocratie ».
EDITORIAL, Repubblica, F. Rampini : « La deuxième pandémie » : « La deuxième pandémie n’est pas loin, il faut également l’affronter et la soigner : elle s’appelle la Grande dépression, et le nombre de ses victimes sera parallèle à celui du virus. Aux Etats-Unis on ne parle plus de récession car le terme est trop faible. Les prévisions sur le désastre économique ont été mises à jour. On va du scénario Oxford economics (cité par le NYT) qui prévoit au second semestre une chute du PIB de 12% à celui de Goldman Sachs, autrement plus pessimiste : moins 24% du PIB entre avril et juin. Les chômeurs, en fin d’année, pourraient dépasser les 16 millions. Mais le secrétaire du Trésor Muchin fait l’hypothèse d’un scénario encore plus alarmant avec un taux de chômage à 20%, au lieu des 3,5 actuels. La crise de 2008-2009 n’est rien à côté de ce qui va nous tomber dessus. La seule comparaison possible est avec la Dépression de 1929-1933 qui, toutefois, a eu un développement ‘’au ralenti’’ par rapport à ce qui va nous tomber dessus. Même en faisant l’hypothèse que l’année 2020 finisse bien et que l’urgence sanitaire cesse en douze mois (un scénario du Center of disease control, aux USA, qui implique un million de morts), le PIB aura perdu 8,4% et l’économie américaine aura subi un appauvrissement de 1800 milliards. La crise économique tuera. On ne meurt pas seulement du Covid-19. Une méga-récession traîne toujours une augmentation de décès par maladie, suicide, drogue, alcoolisme, violences domestiques, en plus d’une dégradation générale des conditions de santé. La réponse au désastre économique s’organise déjà, mieux que dans le secteur sanitaire, ou que dans d’autres pays. La Maison Blanche et le Congrès négocient une maxi- loi de finances pour atténuer le choc : entre 1.400 et 2.100 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort de la dépense publique qui va de 7 à 10% du Pib : le double de celle mise en œuvre par l’administration Obama en 2008-2009, et un multiple de ce que font les pays de la zone euro. 2.400 dollars par famille et 500 supplémentaires par enfant à charge arriveront au Américains du Trésor ; des aides iront aux entreprises si elles ne licencient pas. Mais les critiques arrivent sur les mesures restrictives qui paralysent l’économie. Du Washington post qui demande ‘’de ne pas étrangler la société pour la sauver” au WSJ qui s’interroge de savoir si “le remède n’est pas pire que le mal”. Plus le coût de la Grande dépression deviendra visible et concret, en terme aussi de vies humaines, plus il se peut que l’Amérique ne suive pas une stratégie chinoise : on ne connaît pas les dommages collatéraux des mesures draconiennes appliquées par Xi Jinping ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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