Russiagate : Savoini refuse de répondre aux questions des juges et Salvini ne se rend pas au Parlement.
16/07/2019
Italie. Revue de presse.
Les tensions croissantes au sein du gouvernement font les gros titres des médias transalpins. La presse fait part de « l’affrontement » entre le président du Conseil G. Conte et M. Salvini sur l’affaire des financements russes et sur la convocation des syndicats, hier, au ministère de l’Intérieur. Les médias italiens relèvent que M. Savoini a refusé de répondre aux questions des juges qui l‘interrogeaient sur ses discussions avec des émissaires russes à l’hôtel Metropol et que M. Salvini ne s’est pas rendu à l’Assemblée : « Conte, double défi à Salvini » - ‘’Le Président du Conseil attaque sur le Budget et l’affaire russe’’ (Corriere della Sera), « Sauve qui peut de l’affaire russe » - Savoini ne répond pas aux juges, Salvini évite l’audition au Parlement’’ (La Repubblica), « Budget et financements russes, Salvini ignore Conte » - ‘’Salvini convoque les syndicats et ne se présente pas au Parlement’’ (La Stampa), « Budget, Conte et Salvini aux couteaux tirés » (Sole 24 Ore), « Budget : duel Conte-Salvini » - ‘’Irritation du Président du Conseil : ‘’impolitesse institutionnelle’’ (Il Messaggero), « Conte : c’est moi qui dicte l’agenda » - ‘’Dur affrontement entre Le Palais Chigi et l’Intérieur’’ (Il Mattino), « A un pas de la crise » - ‘’Salvini irrite Conte et cherche la bagarre sur le budget’’ (Il Giornale).
COMMENTAIRE La Repubblica, S. Folli « Impolitesses et usure » : « Si le Président du Conseil, qui est un homme prudent et attentif aux rapports de force, n’hésite pas à parler d’‘’impolitesse institutionnelle’’ en se référant à M. Salvini et à ses initiatives, cela veut dire que l’homme de la Ligue est aujourd’hui presque dans les cordes. C’est un boxeur qui se défend avec des coups maladroits et prévisibles. Certes, dans n’importe quel pays cela aurait provoqué une crise de gouvernement. Pas en Italie. Du moins, pas encore. Entre l’affaire Strache et Salvini, il y a une grande différence : pour le premier il y a la preuve vidéo. Pour le second, il n’y a pas de preuve écrasante. Ce qui lui permet de se défendre et d’éviter (mais pendant encore combien de temps ?) d’être auditionné par le Parlement. Contrairement à l’Autriche, nous n’avons pas la carte des élections anticipées à jouer. Car l’idée d’un gouvernement technique pouvant impliquer l’assemblage parlementaire de tous les autres, à commencer par le PD et le M5S, c’est un pari risqué ».
COMMENTAIRE Sole 24 Ore L. Palmerini « Le Président du Conseil et la pique empoisonnée sur le ‘’Russiagate’’ » : « Les financements russes présumés sont le nerf à vif du ministre de l’Intérieur et semble devenir un élément crucial pour renverser, à nouveau, les rapports de force au sein du gouvernement. L’opération commencée entre le Palais Chigi et les 5 Etoiles, veut mettre le ‘’Russiagate’’ sur la table afin de bloquer l’ascension politique et de pouvoir de Salvini. Sur l’histoire de la rencontre des syndicats au Ministère de l’Intérieur, l’affrontement d’hier ne portait pas sur la méthode mais sur le fond : sur qui décide quoi. Le ‘’Russiagate’’ est le compte à rebours qui nous rapproche de la dernière date pour déclencher les élections anticipées sont en train de modifier les équilibres internes ».
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco : « Populistes et souverainistes : ce sillon qui s’étend » : « Deux sensations apparaissent après l’énième affrontement entre M5S et Ligue. La première impression est que le gouvernement de Giuseppe Conte continuera quand même, mais sans vision ni perspectives crédibles. La deuxième est que le conflit entre les deux vice-présidents du Conseil, Di Maio et Salvini, s’intensifiera. L’affrontement sur les liens entre la Ligue et les trois hommes d’affaires russes est une partie de ce règlement de compte entre populistes et souverainistes : pas l’unique, ni la dernière. La nouveauté est que maintenant plus que jamais Salvini apparaît nerveux et désorienté. Il montre qu’il n’a qu’un seul instrument, l’attaque. C’est pour cette raison qu’il ne veut pas s’expliquer devant le Parlement, pour répondre de celles qu’il définit des ‘’fantasmes ‘’ sur le lobbyiste de la Ligue en Russie, Gianluca Savoini, qui a refusé, hier, de répondre aux questions des juges. Et la présence dans la délégation de la Ligue de l’ancien vice-ministre Armando Siri, sous enquête et contraint de démissionner, à la rencontre d’hier au Viminale avec les 43 partenaires sociaux confirme le défi au M5S et la certitude de pouvoir compter sur ‘’ son ‘’ opinion publique. Salvini semble ne pas s’inquiéter des aspects non rituels d’une rencontre économique convoquée au Viminale. Il s’agit d’un défi dangereux : l’insistance de Salvini sur son rôle de président du Conseil ‘’ fictif ‘’ a fortement irrité Di Maio, sortant d’une mauvaise défaite électorale, et qui est en train de travailler sur des dossiers très délicats (Alitalia et ancien Ilva de Tarente). Et la fermeté avec laquelle Conte met en garde que ce sera lui de dicter l’agenda de la prochaine loi de finances est un présage de frustrations pour le leader de la Ligue, auquel il ne suffit pas de dire qu’il fait confiance au président du Conseil et qu’il ne veut « voler le travail de personne ». En outre, l’isolement au niveau européen auquel Salvini est en train de se condamner est devenu considérable, l’Italie devra bientôt proposer son candidat pour la Commission UE et cette question russe exercera une pression négative. Salvini se sentira, peut-être, protégé en Italie, mais il ne sera pas du tout protégé des tensions qui promettent de s’étendre aux relations avec son propre parti ».
COMMENTAIRE, Il Foglio, C. Cerasa : « Le scandale est Salvini, non Savoini » : « L’Italie qui s’éloigne des démocraties libérales est plus fragile et moins sûre. Et au cœur de chaque acte d’extrémisme politique, économique et diplomatique du gouvernement, il y a toujours un homme de la Ligue. Le grave discrédit national, que Salvini doit aujourd’hui affronter, ne concerne pas seulement ses relations avec l’homme qui a demandé 65 millions d’euros aux émissaires russes pour financer la campagne anti-européenne de la Ligue, mais il concerne quelque chose de plus important et de plus profond, c’est-à-dire le grave discrédit qui porte sur tout le pays. C’est la ligne politique de Salvini, et non pas de Savoini, qui a remis en cause tout le système des alliances internationales de la septième puissance industrielle de la planète. Il s’agit de la proximité explicite, évidente, du leader du parti le plus important de l’Italie à une série d’extrémismes dont le ministre de l’Intérieur a du mal à se libérer. Le grave discrédit de l’Italie n’est donc pas lié uniquement à une simple nouvelle d’affaire judiciaire mais plutôt à la capacité de l’Italie de continuer d’être considérée un partenaire crédible par les marchés financiers ainsi que par ses alliés traditionnels. En un an, l’Italie est devenue un pays dirigé par deux partis qui ont nommé à la présidence de deux commissions importantes, de la Chambre et du Sénat, deux membre du parti « non-euro », qui ont conduit l’Italie plus près du triangle Russie-Chine-Iran et plus loin du Pacte atlantique sur les crises internationales (comme celle du Venezuela), qui ont causé la rupture de l’unité de l’Europe dans les relations avec la Chine, en conduisant l’Italie à devenir le seul pays du G7 à avoir signé un mémorandum avec la Chine et qui ont choisi de voter systématiquement « non » à toutes les motions qui demandaient davantage d’attention aux autorités européennes compétentes dans le domaine du recyclage de milliards d’euros à travers l’Union européenne des sociétés et des individus russes. Et donc, ce n’est pas par hasard que, au cœur de chaque acte d’extrémisme politique, économique et diplomatique du gouvernement, il y a toujours un homme de la Ligue qui conduit le convoi du changement. La Ligue, avec le M5S, a voté « non » à une motion de l’UE pour intensifier la coopération réciproque avec les services de renseignement et de sécurité : une majorité qui choisit de se marginaliser et de ressembler plus à la Russie qu’à l’Europe est une majorité qui fait davantage qu’embêter les ‘’ bureaucrates de Bruxelles‘’. C’est une majorité qui rend son propre pays moins crédible, moins sûr et qui peut être davantage endommagé. Le scandale n’est pas Savoini mais plutôt Salvini. Peut-être le moment d’en parler est-il arrivé».
EDITORIAL La Repubblica, E. Mauro « La peur d’un leader traqué » : «Matteo Salvini s’échappe. C’est un spectacle auquel on n’avait pas encore participé, une représentation inédite du pouvoir qui renverse tout d’un coup le culte politique du Capitaine, construit autour de l’homme fort et décisionnel, qui chevauche intrépide l’esprit des temps. Il s’échappe. Il se voit isolé par son même gouvernement, dont il était jusqu’à hier le patron, et qui aujourd’hui se retourne contre lui, face à sa faiblesse et à son évidente ambiguïté. Le Président du Conseil Conte qui prend les distances et le vice-président du Conseil Di Maio qui encaisse incrédule les premiers dividendes politiques de l’essoufflement de la Ligue. Bien entendu, la gêne de Salvini n’est que de sa faute».
EDITORIAL Il Messaggero A. Campi « Le danger d’affaiblir le rôle de l’Italie » : « N’arrivant pas à collaborer de manière loyale et efficace, les deux alliés de majorité tentent de s’affaiblir réciproquement, en exploitant toute occasion. Celle du ‘’Russiagate’’ est objectivement une occasion alléchante pour le M5S qui est en perte de consensus depuis des mois. De cette affaire, le risque le plus grave est que l’Italie en sort affaiblie, en un moment par ailleurs très délicat sur le futur gouvernement européen. Cela risque de devenir une tempête diplomatique parfaite : se brûler devant les yeux de la Russie comme interlocuteur sur la question d’intérêt réciproque des sanctions et être vu avec suspicion par nos partenaires européens ».
ARTICLE La Stampa A. La Mattina « Le Capitaine ignore le Président du Conseil ‘’De toute manière le consensus de la Ligue augmente’’ » : « Garder le sang-froid, parler de choses qui intéressent les citoyens, dont la réduction des impôts prévue dans la ‘’flat tax’’ que la Ligue veut présenter déjà confectionnée sur la table du gouvernement. Voici la stratégie de Salvini. Ce dernier fait savoir à Conte et à Di Maio qu’il n’a aucune intention d’aller devant le Parlement sur des ‘’inventions et fantaisies’’ de l’histoire de l’argent russe pour la Ligue. Et il y a un autre message adressé cette fois-ci aux 5 Etoiles ‘’la Ligue monte dans les sondages, même cette semaine où on a parlé d’espions russes’’. En effet, les sondages donnent la Ligue à 37,7% des intentions de vote. Une nouvelle qui, selon plusieurs hommes de la Ligue, devrait pousser Salvini à provoquer la crise et des élections anticipées pour gouverner sans le M5S. Or, Salvini dit aux siens ‘’on va de l’avant, mais la Flat tax c’est nous qui la décidons’’ ».
RETROSCENA Il Messaggero A. Gentili « Conte hausse les tons mais ne cherche pas la crise » : « Celle de Conte est une colère impuissante. A l’instar de Di Maio, il n’a aucune intention de provoquer une crise de gouvernement. Ils savent que sur les points de la réforme de l’autonomie régionale et de la flat tax, Salvini peut décider de faire sauter la table. Bref, on assiste au Vietnam quotidien Ligue-M5S ».
RETROSCENA (Coulisses), Corriere della Sera, F. Verderami : « Les craintes de la Ligue pour la gestion de l’affaire et la base demande de voter immédiatement » : « Pour comprendre l’impact de « l’affaire Metropol » sur la Ligue, il faut suivre les actions de Berlusconi. Depuis le début de l’affaire, le leader de Forza Italia a imposé le silence à son parti, « en attendant de comprendre le reste ». Les problèmes sont l’improvisation ainsi que la naïveté avec lesquelles certaines relations, qui peuvent devenir dangereuses, ont été traitées. C’est une analyse qui correspond à celle faite par Palais Chigi et qui fait comprendre les raisons pour lesquelles Conte a pris ses distances du leader de la Ligue. Salvini ne peut pas jouer le rôle de la victime « d’un complot judiciaire », étant donné que les juges sont des acteurs non-protagonistes dans cette affaire, et il ne peut pas non plus s’exposer devant les Chambres, sans prendre le risque d’aggraver la situation. C’est une barrière fragile, pas défendue par le Président du Conseil, ni par le M5S, et qui évoque une analogie avec le célèbre « complot international » dont Berlusconi avait prétendu avoir été victime lors de sa présidence du Conseil. La tension au sein de la Ligue est très élevée et une correction de route serait en cours. Et Salvini en a été témoin, à deux reprises, lors des fêtes de rue de son parti, quand la base lui a demandé d’abandonner le gouvernement et d’aller voter immédiatement. Le ministre de l’Intérieur a des difficultés à éteindre le feu, que le PD est prêt, aujourd’hui, à alimenter par la menace d’arrêter les travaux parlementaires jusqu’à ce que Salvini réfère aux Chambres ».
ARTICLE La Stampa A. Barbera « La vraie flat tax qui arrive sur la table coûte 70 Mlds » : « La réforme a été expliquée hier aux syndicats, au Ministère de l’Intérieur, par A. Siri. L’ancien sous-secrétaire (démissionnaire, pour corruption et dont la présence a été vue comme une provocation pour les 5 Etoiles) propose un système fiscal avec un taux unique à hauteur de 15% pour tous les revenus ne dépassant pas les 55 000€ annuels. Les questions qu’on se pose sont différentes : pourquoi personne n’y avait pensé avant ? Comment fait un pays contraint par la Commission Européenne à faire une loi de finances rectificative de 8 milliards, peut-il financer une réforme fiscale qui en coûterait 70 ? […] ».
ARTICLE La Stampa AM. Peggio « Croix gammées, fusils et un missile : l’arsenal des néofascistes retrouvé dans un garage » : « Coup de filet de la brigade antiterrorisme en Lombardie. Trois personnes arrêtées qui voulaient vendre des armes aux combattants du Donbass. L’opération a été coordonnée par le Parquet de Turin. Par le biais d’écoutes téléphoniques, le groupe d’extrême droite voulait vendre un missile en prenant contact avec des militants du Donbass et avec un fonctionnaire africain. C’est une opération qui a peu de précédents en Italie ».
ARTICLE Il Messaggero C. Man. « Migrants, l’UE se divise face à la proposition italo-maltaise » : « Face à la nécessité de trouver une réponse organique à la redistribution des migrants secourus en mer, tous sont plus ou moins d’accord sur le renforcement de la coopération entre Etats membres. Un peu moins sur la création de ‘’ports francs’’ d’où faire partir la redistribution. Si la proposition italo-maltaise voit le soutien de l’Allemagne, force est de constater les voix contraires du ministre autrichien et du ministre hongrois. La discussion passe désormais par les ministres de l’Intérieur qui se rencontreront à Helsinki ».
ARTICLE La Repubblica, T.Ciriaco «La Ligue : Avec Von der Leyen uniquement si nous sommes décisifs. Nous voulons la Concurrence » : « Les contacts souterrains entre les émissaires de la candidate et ceux de la Ligue, en réalité, ont continué. Et les eurodéputés de la Ligue vont décider en fonction de la convenance politique : s’ils sont décisifs, ils pourraient appuyer la nouvelle présidente, autrement ils s’opposeront. L’Italie demanderait la Concurrence, mais la ministre de la Défense allemande candidate à succéder à Juncker a déjà répondu : ‘’on en discutera après la confiance‘’. Les seuls qui soutiendront le successeur de Juncker sont alors les parlementaires de Forza Italia. Dommage que le butin de voix de Berlusconi auprès du Parlement européen soit désormais réduit ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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