"Conte freine Salvini et ouvre la crise."
04/06/2019
Italie. Revue de presse.
La conférence de presse du Président du Conseil G. Conte fait les gros titres des médias transalpins : « Conte : un tournant ou je démissionne » - ‘’Ultimatum aux alliés mais c’est déjà la bagarre sur les chantiers’’ (Corriere della Sera), « Avant-dernier ultimatum de Conte » - ‘’Mais la Ligue est dure d’oreille’’ (La Repubblica), « La déchirure de Conte avec la Ligue » - ‘’Conte, il faut la cohésion pour éviter la procédure d’infraction, pas une campagne électorale permanente’’ (La Stampa), « Appel de Conte à la Ligue et au M5S : loyauté sinon je démissionne » (Sole 24 Ore), « Conte-Salvini, défi sur les contraintes UE » - ‘’Conte : je ne vivoterai pas, il faut respecter les règles UE’’ (Il Messaggero), « Conte et Salvini divisés par l’UE » (Il Mattino), « Conte freine Salvini et ouvre la crise » (Il Giornale), « Conte ne vivotera pas » (Avvenire).
EDITORIAL La Stampa M. Sorgi « L’avocat ouvre la crise en direct télévisé » : « La crise du gouvernement s’est ouverte hier en direct avec l’intervention du président du Conseil. Jusqu’à ce moment, on en était resté à un effritement de l’alliance M5S-Ligue, aggravée par les disputes quotidiennes Di Maio-Salvini dans cette campagne électorale pour les élections européennes qui s’est achevée avec la défaite du premier et la victoire du second. Ce qui manquait, c’était de savoir qui prendrait la responsabilité de faire cesser l’aventure commencée il y a juste un an. Or, G. Conte, ‘’l’avocat du peuple’’ (comme il s’était défini), a dit franchement qu’il n’en pouvait plus. Mais l’encouragement à continuer n’est pas arrivé. Salvini, cité sans être expressément nommé au cours de son discours, a évité l’affrontement en disant plus ou moins : on continue et on fait comme je dis. Mais c’est ce que les 5 étoiles ne peuvent accepter : être sous le contrôle du Capitaine, qui depuis le 27 mai joue le rôle du patron, sans même une réécriture du fameux contrat de gouvernement – auquel Conte continue d’attribuer de l’importance sans comprendre que les choses ont totalement changé. On ne sait pas ce qui se passera. Dans les régimes à la proportionnelle, la crise peut demeurer latente jusqu’à ce que l’un des protagonistes ne prenne l’initiative. Si Conte, qui promeut ‘’la grammaire constitutionnelle’’ n’a pas été au Parlement demander la confiance, c’est qu’il a des raisons. La première pourrait être qu’il a concordé son action d’hier, même s’il a fait mine de prendre ses distances avec le M5S – qui n’est pas en mesure de faire face des élections anticipées, il perdrait trop. Le M5S préfèrerait renégocier le contrat de gouvernement, quitte à payer un coût élevé (notamment sur la TAV et tout le reste). Conte, considéré comme n’étant pas « super partes », aurait préféré, disent certains, donner sa tête plutôt que se la faire couper. Salvini a le contrôle de l’agenda qui pourrait ramener les Italiens aux urnes et il prévoit que la crise s’ouvre dans un mois avec la dissolution des Chambres et un vote autour du 20 septembre. Si Conte ne démissionne pas, le Quirinal ne peut intervenir. La Commission européenne, hésitante entre ouvrir une procédure d’infraction contre l’Italie, n’a plus d’interlocuteurs. Du pont de commandement du Palais Chigi, le commandant a lancé le ‘’sauve qui peut’’ ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli : « Ce message à Salvini » : « Comme s’il avait prononcé son discours à travers le filtre d’une réalité parallèle, le Président du Conseil G. Conte s’est adressé à ses deux vice-présidents du Conseil, Salvini et Di Maio, presque dans le but de les appeler à filer droit et de parler d’une ‘’phase deux ‘’ du gouvernement, même si ‘’ l’avocat du peuple ‘’ n’est pas ingénu et sait très bien qu’il n’y a pas de ‘’phase deux‘’. Cependant, il existe une marge pour freiner Salvini dans sa poussée à des élections anticipées en septembre. En théorie, Conte s’est adressé équitablement aux deux partis, Ligue et M5S. Mais, en réalité, son discours était pour un seul interlocuteur : Salvini. C’est à lui qu’il demande de laisser vivre le gouvernement et de lui permettre de travailler avec la Commission européenne pour éviter la procédure d’infraction. Par son langage embrouillé, dépourvu de charisme mais clair dans ses objectifs, le président du Conseil, sans aucune force politique a essayé de tisser une toile sur Salvini. Le non-dit de la conférence paradoxale d’hier est probablement ici, aucun véritable ultimatum de Conte, parce qu’il n’aurait aucun sens. Aucune véritable volonté d’abandonner le gouvernement par un discours fait de maniérismes de la vieille école politique italienne. En réalité, Conte se sent assez fort, malgré les apparences, pour tenter de contraindre le gagnant du 26 mai à s’exposer en personne, sans attendre que Di Maio lui offre le prétexte ou l’occasion. Conte vise surtout les négociations avec la Commission en automne et s’il réussit, à travers toutes les acrobaties nécessaires, il utilisera l’Europe pour émousser les armes du leader de la Ligue, l’authentique, bien que dissimulée, cible de son intervention. La parole est maintenant au leader de la Ligue ».
EDITORIAL, Corriere della Sera, F. Verderami : « La patience est finie. » : « Giuseppe Conte a expliqué que le gouvernement était paralysé. Une situation produite par une exténuante campagne électorale qui s’est aggravée après le vote. Le président du Conseil indique à Salvini et Di Maio que des réponses vagues ne suffisent pas et qu’il faut aller de l’avant. Par ailleurs, l’état lamentable des comptes publics nécessite des solutions rapides, compatibles avec les règles et les devoirs pris par l’Italie avec l’UE et sur les marchés internationaux. Conte a indiqué que des solutions devaient être trouvées rapidement, pour éviter de lourdes sanctions financières. La conférence de presse organisée par le Président du Conseil montre ses difficultés et son impuissance : à défaut de pouvoir se faire écouter par son gouvernement, il parle aux italiens. L’augmentation de l’abstention durant ces dernières élections, à rebours des autres pays européens, montre une méfiance qui ne peut se résorber en un tweet ou un discours. Et encore moins avec un gouvernement fondé sur le conflit. La patience est finie. »
EDITORIAL Il Messaggero, M. Ajello « l’insoutenable fragilité » : « La synthèse de Conte basé sur une illusion (la phase 1 est révolue et maintenant j’aimerais commencer la phase 2 mais cela ne dépend pas de moi) consiste en une tentative fragile de faire quelque chose dans le cadre d’un accord désormais peu praticable avec les deux vice-présidents du Conseil. Notamment avec Salvini. Quand Conte insiste sur son impartialité face aux 5 Etoiles, cela ressemble à un geste de bienveillance envers la Ligue. Malgré les tons forts et sévères, la solitude de Conte rend ces mots faibles. On aperçoit en Conte un effort de s’en sortir pas trop mal de cette expérience. Or, cette invitation publique à retrouver une entente trahit une sorte de ‘’sauve qui peut’’. Aujourd’hui commence le Vietnam pour G. Conte ».
ARTICLE, Sole 24 Ore, L. Palmerini : « Europe, comptes et délais, les passages qui mènent vers le Quirinal » : « Les prémisses du discours de Conte ont été un tournant sur le profil institutionnel, d’où il a pris la force pour donner cet ultimatum aux deux partis de majorité. Il a mis sur la table la possibilité de sa démission, en suivant un sillage qui rappelle ses fonctions constitutionnelles et pas celles d’un parti politique. C’est un peu comme s’il avait cherché publiquement l’appui transparent de Sergio Mattarella, rappelé dans son discours avec des mots de gratitude pour le soutien et les conseils. Au Quirinal on nie que le discours ait été concordé mais on avoue avoir été prévenus au préalable. Conte a demandé aux deux leaders Di Maio et Salvini de prendre rapidement une décision sur l’avenir du gouvernement. Mattarella aussi attend de vérifier la réponse publique des deux chefs de parti. C’est surtout la ligne sur l’Europe qui surprend pour sa superposition parfaite avec celle du Quirinal, comme si Conte était devenu le ‘’garant’’. Les règles européennes doivent être respectées et il ne laisse aucun espace aux ambiguïtés et encore moins aux violations. De fait, Conte ferme la porte de Salvini et ouvre celle de Bruxelles, rappelant la nécessité de tenir les comptes publics en règle. Si Conte n’était pas encore le président du Conseil en charge, ses mots ressembleraient à la marque d’un gouvernement du Président de la République ».
ARTICLE, Il Messaggero S. Canettieri : « Di Maio tente la carte du remaniement : donnons-lui les ministères les plus compliqués. » : « Di Maio veut repartir et est prêt à tout, également à mettre en jeu les ministères des 5 étoiles visés par la Ligue. L’ouverture du leader du M5S est totale, il s’ouvre également aux orientations de Salvini sur les rapports à entretenir avec la Commission, et sur la nécessité de réviser les contraintes européennes. Sur les ministères, une ouverture est évoquée sur ceux jugés difficiles et clivant : sont en jeu la Santé de Giulia Grillo, les Transports de Toninelli (maintenant privé des deux sous-secrétaires de la Ligue qui faisaient contrepoids : Rixi et Siri, révoqués), mais également le ministère de la Défense dirigé par Elisabetta Trenta, même si ce dernier changement parait plus compliqué, du fait du poids politique de la ministre. Giuseppe Conte, quant à lui, a pris ses distances avec le M5S, qui l’a désigné comme possible ministre, suite à la défaite électorale du parti aux européennes. »
COULISSES La Stampa M. Bresolin « L’Europe prépare le procès d’un gouvernement désormais affaibli » : « Le projet de rapport sur la dette de la Commission européenne, qu’elle adoptera demain après réunion des 28 commissaires, se conclut ainsi : ‘’l’analyse indique que le critère de la dette doit être considéré comme n’étant pas respecté et que, donc, une procédure pour déficit excessif basé sur la dette soir justifiée’’. Les directeurs de cabinet respectifs ont donné leur accord lors d’une première réunion qui s’est achevée peu avant la conférence de presse de G. Conte, vu comme de plus en plus faible. Bruxelles demande des ‘’signaux tangibles’’ d’action (avec une loi de finances corrective et la promesse d’une loi de finances ‘’rigoureuse’’ à l’automne. A y regarder de près cependant, les chiffres ne sont pas si différents de ceux conclus le 18 décembre dernier entre gouvernement et Commission. Quel en est le motif ? D’un côté, le contenu politique a changé, surtout au niveau européen. En décembre la protestation des gilets jaunes avait obligé Macron à augmenter les dépenses en déficit, ce qui avait nettement adoucit la ligne française, et celle de Bruxelles, sur l’Italie. D’autre part, la Commission Juncker ne veut pas quitter la scène en étant accusée de ne pas faire appliquer les règles du pacte de Stabilité et Croissance. L’exécutif de l’UE a donc décidé une position plus rigoureuse. Laissant aux gouvernements le soin d’appliquer les règles à la lettre. Ou de gracier, encore une fois, l’Italie ».
ARTICLE, La Repubblica, L. D’Albergo, L. Monaco : « Querelle Raggi-gouvernement sur le décret sur l’autonomie financière de Rome (Salva-Roma). Tensions avec les leaders du M5S » : « La maire de Rome, Virginia Raggi, est aujourd’hui contre l’exécutif. Après des mois de négociations et d’espoir pour annuler la dette de 12 milliards de la Capitale, sa patience a expiré. Elle a affirmé que, peut-être, le gouvernement préfère sauver les banques, le décret ‘’Salva-Roma ‘’ est placé en bas de la liste des priorités. Les arrondissements de centre-gauche ont attaqué durement le Conseil municipal des Cinq Etoiles, en déclarant que la ville de Rome est fermée par incapacité et que les services sont en danger ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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