La sortie du berlusconisme – même sans Berlusconi – s’annonce longue et difficile.
15/11/2010
«Sondage ISPO-Corriere – PdL et PD perdent des points, Ligue et Fini : bon score » (Renato Mannheimer, Corriere de samedi) : « Perte de vitesse pour le PdL et pour le PD, la Ligue tient son rang, les ‘futuristes’ de FLI sont à 8%, un bon score et l’axe Berlusconi-Bossi tient la majorité : voici quel serait le paysage électoral si on votait aujourd’hui. La majorité des Italiens désire désormais des élections anticipées, mais avec un autre mode de scrutin. 32% seulement des Italiens proposent que Berlusconi continue de gouverner. Une majorité relative (45%) demande un retour immédiat aux urnes. C’est le cas d’une large part de la base du PD (59% – mais 33% préfèrent un gouvernement technique, prudence que partagent les dirigeants du PD) et de celle de FLI (54% pour les élections, 30% pour un gouvernement technique). Au contraire, pour près de 90% des électeurs PdL et Ligue, le gouvernement actuel doit rester en place. Nul ne peut savoir quelle serait l’issue de nouvelles élections car beaucoup dépend de la campagne – un domaine où Berlusconi est maître, faut-il le rappeler ? Mais les sondages fournissent quelques indications importantes sur l’état actuel des intentions de vote. L’écart PdL-PD paraît se resserrer mais le parti de Bersani semble pouvoir compter sur un électorat potentiel plus important (42% contre 31% pour le PdL), bien qu’encore indécis. Face à la baisse du PdL, on voit remonter FLI à 8% (voire 9% selon certains sondeurs). Les indices recueillis révèlent la persistance d’une majorité PdL-Ligue, suivie de près néanmoins par un ensemble PD-IdV-SeL. Et l’existence d’un 3e pole centriste se confirme. Un cadre qui, à mode de scrutin constant, verrait sans doute le centre-droit gagner à la Chambre mais une situation plus confuse au Sénat – et un pays peu gouvernable. »
« L’effet ‘ciment’ du Cavaliere est terminé » (Ilvo Diamanti, La Repubblica) : « Derrière le déclin de Berlusconi, on aperçoit une majorité en pièces et un pays qui s’effrite, sans plus de ciment ni de cadre. Car Berlusconi était, et reste, le seul ciment et le seul cadre pour son parti, pour sa majorité et pour la base sociale qui, des années durant, s’est identifiée à lui et à sa majorité, désormais mises en pièces par sa rupture avec Fini qui n’a jamais accepté l’annexion d’AN. La naissance de FLI a fait du PdL un ex-parti. La majorité n’existe plus et ne tient que grâce à la Ligue. Le PdL aussi est en pièces, divisé de l’intérieur, où Tremonti est désormais vu comme le vrai président du Conseil et la référence d’une éventuelle majorité alternative. Mais le PdL est aussi divisé à la base : au Nord, il est supplanté par la Ligue. Au Sud, il est rattrapé par FLI. Berlusconi n’est pas seulement le leader du PdL et de l’actuelle majorité centre-droit, il en est l’inventeur, le seul ciment : sans lui, le projet s’effondre. Le mythe de l’Italien en mesure de réagir à tout, de s’arranger de tout et aimant vivre, dont il a tant joué, est usé. Aujourd’hui, beaucoup d’Italiens cherchent moins à vivre qu’à survivre, à la crise ou à la précarité, pour les jeunes, dans un cadre qui se dégrade. Les tensions territoriales vont croissant entre le Nord, Rome et le Sud, tandis que l’on fête les 150 ans de l’Unité. Berlusconi ne réussit plus à donner des réponses d’unité, non seulement pour des raisons conjoncturelles mais aussi parce que la structure sociale et le système de valeurs qu’il a construits et interprétés durant plus de 15 ans sont en crise. Problème : les alternatives, sociales et politiques, peinent à émerger. Et nous nous retrouvons dans un pays autre et divisé, plein d’individus isolés et vulnérables. La sortie du berlusconisme – même sans Berlusconi – s’annonce longue et difficile. »
« Jusqu’à quel point le président du Conseil réussira-t-il à résister ? » (Marcello Sorgi, La Stampa de samedi) : « Du jamais vu : deux motions, symétriques et opposées, devraient être présentées au Parlement. D’un côté une motion de confiance au Sénat voulue par le PdL, de l’autre une motion de défiance présentée par le PD et l’IdV à la Chambre. Théoriquement, le gouvernement pourrait obtenir la confiance au Sénat grâce aux voix PdL-Ligue – même sans les finiens – avant d’être mis en minorité à la Chambre par le vote ‘contre’ d’une nouvelle majorité FLI-UdC-PD-IdV (qui a déjà battu le gouvernement, comme pour le traité sur la Libye et la motion sur l’immigration). En temps normal, les présidents des deux chambres du Parlement se coordonneraient pour éviter une situation aussi embarrassante, mais c’est fort improbable car le président de la Chambre est en même temps le chef du parti qui veut le plus la démission du Cavaliere. Même si on n’arrivera pas tout de suite à ces deux votes (Bersani ayant assuré vouloir attendre l’adoption du budget), Berlusconi pourrait accélérer au Sénat, où il est sûr d’avoir la majorité, pour pouvoir ensuite influencer le vote final à la Chambre, car un vote contre vaudrait automatiquement fin de la législature, ce qui pourrait amener les députés à se raviser. Mais même si Berlusconi obtenait la majorité à la Chambre, quel genre de gouvernement et de majorité en sortirait-il et surtout jusqu’à quand pourraient-ils durer ? »
« Le Cavaliere tente un sursaut » (Marcello Sorgi, La Stampa) : « Hormis l’idée de ne dissoudre que la Chambre en cas de défiance, Berlusconi veut montrer clairement qu’il n’a nulle intention de démissionner et qu’il se battra de toutes ses forces pour rester à son poste ou y revenir grâce à la colère populaire. L’idée de lâcher prise ne l’effleure pas. Il ne se laisse impressionner ni par la campagne des finiens, dont les rangs s’étoffent, ni par la nouvelle enquête sur de la prostitution, voire de la drogue, dans ses résidences. On dira sans doute que l’homme est aveuglé, qu’il ne se rend pas compte, qu’il devra finir par céder quand le Parlement, tôt ou tard, le fera tomber. Possible, mais pas sûr. Le Cavaliere a encore quelques cartes à jouer : il sait qu’il gagnera au Sénat et qu’il pourrait s’en sortir aussi à la Chambre, malgré les pronostics. Berlusconi fera du porte à porte, comme il l’a fait il y a 1 mois ½ pour le programme en 5 points, car maintenant chacun sait que voter contre le président du Conseil pourrait signifier ne plus être élu à la prochaine législature. Même en cas de défaite, le Cavaliere est convaincu que cela se traduira par sa résurrection, neutralisant le projet finien. Si ses proches ont du mal à lui faire comprendre que cela ne peut pas tenir lieu de stratégie, les colombes du PdL, elles, n’ont plus prise sur lui. Le Cavaliere est contre un gouvernement Berlusconi-bis (un piège, selon lui), contre un gouvernement de centre droit dont il ne serait pas le chef, contre le gouvernement technique allant de Vendola à Fini dont tout le monde parle. Sa conviction : pour arriver aux élections, il suffit de ne pas bouger. Et son pari c’est qu’au bout du compte l’agitation confuse de ses adversaires, au Parlement et dans les médias, jouera en sa faveur auprès des électeurs. Bien sûr, il peut se tromper, mais s’il devait encore avoir raison, soyons certains qu’il y aura des surprises et qu’on en verra de toutes les couleurs. »
« La décision qui appartient au Quirinal » (Marzio Breda, Corriere) : « Napolitano s’est contenté, comme il l’a fait tout l’été, de rappeler les termes de la Constitution, en particulier l’article 88 qui établit qu’en cas de chute du gouvernement, le ‘président de la République peut, en accord avec leurs présidents, dissoudre les chambres, ou seulement l’une d’entre elles’. Telle est la réponse du Quirinal à ceux qui demandent une réaction sur le développement de la crise et l’ultimatum lancé par Berlusconi. ‘Toute décision relative à cet article relève de la compétence exclusive du chef de l’Etat, qui entend l’exercer avec toute la rigueur nécessaire.’ Les hypothèses péremptoires du président du Conseil concernant ce qui suivra le vote de confiance à Montecitorio sont donc inappropriées : après avoir pris acte de la crise, c’est le Quirinal qui doit mener le jeu. La proposition faite hier par le Cavaliere de ne dissoudre que la Chambre est surréaliste : l’article 88, qui prévoit la possibilité de ne dissoudre que l’une des deux chambres, avait été conçu pour équilibrer la durée de vie de la Chambre et du Sénat, respectivement de 5 et 6 ans à l’origine. Cette soupape de sécurité technique a donc été rendue caduque par le nouveau mode de scrutin. »
(Traduction : ambassade de France à Rome.)
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