"Sea Watch, le procureur fait débarquer les migrants. Salvini : je dénonce celui qui a ouvert les ports."
20/05/2019
Italie. Revue de presse.
Les frictions entre la Ligue et le M5S à une semaine des élections européennes font les gros titres des médias transalpins : « Migrants : bras-de-fer Salvini-magistrats » - ‘’Le Parquet décide le débarquement du navire Sea Watch’’ (Corriere della Sera), « SOS, gouvernement à la dérive » - ‘’Le ministre Salvini attaque le M5S et les magistrats pour le débarquement des migrants’’ (La Repubblica), « Giorgetti accuse le M5S de faire opposition à la Ligue » - ‘’Entretien du Secrétaire d’Etat déplorant l’enlisement de l’Exécutif depuis une vingtaine de jours’’ (La Stampa), « Migrants, affrontement Salvini-magistrats » - ‘’La sécurité divise le gouvernement’’ (Il Messaggero, Il Mattino), « Revers pour Salvini, les migrants débarquent » - ‘’Le M5S soupçonné par la Ligue’’ (Il Giornale), « Salvini démenti en direct par les juges » - ‘’Le chef léguiste perd la tête : ‘’je porterai plainte contre eux’’ ’’ (Fatto Quotidiano).
Journaux télévisés : Les journaux télévisés se focalisent sur le débarquement des migrants du navire Sea Watch à Lampedusa, avec les réactions des partis de majorité et d’opposition.
RETROSCENA (coulisses) Corriere della Sera F. Sarzanini « La colère du ministre qui voulait résister jusqu’aux élections européennes » : « La stratégie électorale avait été établie depuis longtemps : garder les migrants à bord du Sea Watch le plus possible en vue des élections. Or, hier matin, le Parquet d’Agrigento est intervenu. Du coup, M. Salvini a décidé d’aller à l’attaque, ouvrant un conflit institutionnel avec la magistrature qui risque d’impliquer d’autres pouvoirs de l’Etat et défiant l’allié de gouvernement avec qui les rapports sont tendus comme jamais. Salvini se défoule ‘’Il y a un silence assourdissant de la part de Conte et de Di Maio, alors que d’autres fois ils s’étaient prodigués pour trouver une solution’’. C’est ce qui suffit à faire comprendre que ce qui est en train de se passer sera exploité justement en vue des élections de dimanche prochain. Raison pour laquelle Salvini défie à nouveau les alliés en demandant l’adoption du ‘’décret-sécurité bis’’ en Conseil des ministres ‘’afin de renforcer les instruments du gouvernement pour lutter contre les passeurs’’. Or, Salvini est bien conscient que sa stratégie électorale contre les migrants est devenue une arme émoussée ».
ARTICLE Fatto Quotidiano A. Mantovani et A. Massari « Le magistrat fait débarquer les migrants, le chef de la Ligue démenti à la télévision » : « Le roi est nu et il le découvre en direct télévisé lors de l’émission ‘’Non è l’Arena’’ sur La7. Démenti, Salvini réagit plutôt mal : ‘’je suis en train de le lire avec vous. Ce magistrat est le même qui avait ouvert une enquête contre moi’’. Pour la première fois depuis que Salvini prétend de fermer les ports, un procureur prend l’initiative et débloque une situation qui commençait à devenir difficile : bloqués au large, certains migrants avaient même menacé de se jeter à l’eau. D’où la colère du leader de la Ligue et le bras-de-fer au sein de la majorité ‘’jaune-verte’’. Le ministre de l’Intérieur Salvini s’en est pris contre D. Toninelli, le ministre des Transports du M5S ‘’Si Toninelli veut rouvrir les ports, qu’il l’explique aux Italiens’’. Pour sa part, L. Di Maio a voulu rappeler ‘’la magistrature est indépendante’’. La situation a éclairci un point : en réalité, le ministère de l’Intérieur n’a pas de pouvoir sur les ports ».
ARTICLE, La Stampa, Fabio Albanese : « Sea Watch, le procureur fait débarquer les migrants. Salvini : je dénonce celui qui a ouvert les ports. » : « Le parquet d’Agrigente a ordonné la saisie du bateau de l’ONG Sea Watch 3, et a fait débarquer les 47 migrants à Lampedusa hier soir. Ceci a provoqué l’ire du premier ministre Matteo Salvini : « la défense des frontières doit être une décision politique, expression de la volonté populaire, ou celle des magistrats et des ONG étrangères ? » Cette nouvelle crise provoque de nouvelles tensions entre les magistrats et le Viminal (ministère de l’Intérieur). Pour les membres du ministère, Sea watch 3 est un bateau illégal, hors-la-loi. Salvini pointe du doigt les magistrats, mais également le ministre des Transports 5 étoiles Danilo Toninelli, qui aurait facilité le débarquement. Celui-ci ne se laisse pas faire : « Si Salvini a quelque chose à me dire : qu’il me le dise en face. » »
ENTRETIEN avec Giancarlo Giorgetti, La Stampa : « Conte n’est plus au-dessus des partis, et les 5 étoiles s’opposent à nous. Le gouvernement est arrêté depuis 20 jours. » : « C’est typique de ceux qui arrivent avec force : Salvini a été perçu comme une menace, et les bombes tombent de toutes parts. Il suffit de défier le pouvoir institué, en Italie et en Europe, pour devenir un danger qui doit être stérilisé. On nous attaque sur des thèmes un peu désuets comme l’antifascisme, mais sur des sujets concrets, là il n’y a rien. La campagne électorale a paralysé le gouvernement. Gouverner avec un parti qui a sans cesse les poings fermés n’est pas facile : ils ont des positions, peut-être légitimes, mais trop idéologiques. Le contrat de gouvernement a uni deux forces politiques très différentes. Nous nous allions avec Forza Italia, pour quelques élections régionales, mais cela ne remet pas en question l’alliance gouvernementale avec les 5 étoiles : Salvini est un homme de parole. Parfois peut-être de manière démesurée : il manifeste une loyauté parfois irrationnelle avec les 5 étoiles. Conte n’a pas les préjugés idéologiques des 5 étoiles, mais ce n’est pas une valeur sûre : il est l’expression des 5 étoiles, il leur appartient. Salvini est aujourd’hui l’unique politique en circulation. On peut être pour ou contre Salvini, mais il faut admettre qu’à part lui, c’est le vide pneumatique. C’est le seul à avoir fait quelque chose dans cette phase historique. »
RETROSCENA (coulisses) Il Messaggero M. Conti « Conte bloque le ‘’décret-sécurité bis’’, qui ne sera pas discuté en conseil des ministres » : « La possibilité de ne pas tenir un conseil des Ministres, comme prévu par le règlement pour « de graves divergences » ne devrait être évoquée. Afin d’éviter tout équivoque, le Président du Conseil/avocat G. Conte a convoqué pour ce lundi soir un Conseil des ministres. Sur la table il n’y aura que les nominations et la promesse de commencer la discussion, sans prendre de décision finale, sur les deux décrets sur la sécurité et sur la famille. Deux étendards que les deux vice-présidents du Conseil pourront hisser même s’ils savent qu’aucun des deux ne survivra après le 26 mai. Le rôle de médiateur joué sur l’affaire des migrants du navire Sea Watch est la preuve que le Président du Conseil est en train de travailler pour épauler ses deux adjoints. La disponibilité des églises d’accueillir les migrants a convaincu Di Maio et a fait fermer un œil à Salvini qui toutefois a continué à attaquer publiquement la magistrature. Force est de constater que les querelles entre les deux leaders n’arrêtent pas, malgré ces derniers continuent à dire que même après le 26 mai ‘’le gouvernement va de l’avant’’. Une certitude qui risque de devenir, jour après jour, une sorte de jeu à la courte paille, surtout si les résultats électoraux ne sont pas en ligne avec les objectifs fixés ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, I. Diamanti : « Si les indécis décident » : « Dimanche prochain, on votera pour le Parlement européen. Un vote qui a et aura une importance politique nationale. Les sondages ont indiqué des tendances évidentes, la Ligue en tête, même si légèrement en baisse, le M5S distancé mais toujours devant le PD. L’incertitude est devenue l’emblème des électeurs. Les indécis sont plus nombreux, parce que les élections européennes ne suscitent pas le même intérêt que les élections politiques et administratives. En 2014, en Italie, presque 57 % des électeurs a voté et l’incertitude a toujours accompagné le vote européen. Le vote ‘’last minute‘’, lors des élections politiques en 2018, a constitué 10 % des électeurs. C’est-à-dire que plus de quatre millions d’électeurs ont décidé s’ils allaient voter pour qui ils allaient voter la veille ou le jour même des élections, peut-être même pendant le trajet, voire dans l’isoloir. Salvini a quand même annoncé une attitude prudente, après avoir comparé le vote européen à un référendum sur la Ligue, c’est -à dire sur lui-même. Il est difficile de ne pas mentionner le précédent de Renzi, qui avait transformé un référendum constitutionnel en un référendum personnel avec des résultats irréparables. Mais la véritable question est que le match électoral doit encore se jouer et le résultat du vote est encore à décider. Il est donc fort probable que, pour s’emparer des voix du dernier moment, nous assisterons à une campagne du dernier moment, surtout à la télévision, le moyen de communication le plus suivi par les milieux sociaux les plus indécis ».
ARTICLE Fatto Quotidiano F. D’Esposito « Le populisme confessionnel du Capitaine et la tentation de la Démocratie Chrétienne de droite » : « Le meeting de Salvini marque la mutation génétique définitive de ce qui restait de la vieille Ligue. Désormais, il s’agit d’un parti personnel, nationaliste et confessionnel. Le poids que la Ligue s’apprête à avoir lors des élections européennes (environ 30%) pousse le ministre de l’Intérieur à donner une identité précise à son leadership souverainiste, à la tête d’un parti de masse : non pas la vocation libérale de Forza Italia mais une nouvelle Démocratie Chrétienne qui veut tout prendre et qui est située à droite (un mélange d’Angreotti, Gedda et Scelba). C’est par ailleurs ce qu’a analysé le site web anti-Bergoglio ‘’Nuova Bussola Quotidiana’’. D’où la deuxième considération : le virage confessionnel du parti. Hier Salvini a dit ‘’dites à votre curé demain lors de la messe : en Méditerranée il y a moins de morts et que nous sommes en train de sauver des vies’’. C’est le passage qui illumine mieux que tous les autres, l’opération salvinienne, sublimée par les hués contre le Pape à chaque fois que son nom était prononcé : rassembler les minorités catholiques qui s’opposent au pontificat de Bergoglio. Mais c’est un dessein plein d’inconnues : les évêques situés sur les positions de Salvini sont vraiment peu nombreux. Outre le fait que l’utilisation de la religion peut se retordre contre celui qui en fait une instrumentalisation ».
ANALYSE Corriere della Sera N. Urbinati « Le paradoxe d’une Europe au service du nationalisme » : « La kermesse de l’internationale de droite à Milan a tenté de donner une réponse à la question : quel est le modèle d’Europe que les ‘’extrémistes de bon sens’’ veulent proposer contre celui des ‘’extrémistes qui sont à Bruxelles’’. La place du Duomo a offert une parade de campagne électorale, avec des références allant de Chesterton à Thatcher, jusqu’à la journaliste anti-Islam Oriana Fallaci, et des symboles chrétiens, ou plutôt catholiques. La leader du Rassemblement National, M. Le Pen, a présenté un model anti-fédéraliste du Continent, elle a parlé de ‘’coopération volontaire’’ qui refuse toute ‘’coercition’’ exercée par une autorité supranationale ou fédérale. L’ancien radicalisme voulant démanteler l’UE a été abandonné à la suite du Brexit qui a eu un effet dissuasif sur les projets antieuropéens. Quand ils parlent de ‘’coopération volontaire’’ pour une politique de refoulement des migrants, leur idée ressemble beaucoup à une Europe avant Maastricht. Ce qui devrait plaire aussi aux souverainistes de gauche qui s’opposent à une Union de néolibérale. Voici le paradoxe : la droite propose un argumentaire devant séduire les souverainistes de toutes couleurs. D’où l’idée de se présenter comme ‘’extrémistes modérés’’ au nom de plus de démocratie. Avec la coopération volontaire, les citoyens devraient récupérer leur pouvoir décisionnel. Pratiquement, une Europe au service du nationalisme des Etats ».
COMMENTAIRE, La Stampa, Jean Claude Juncker : « Nous allons battre les populistes par les faits » : « Dans quelques jours les citoyens européens participeront aux élections pour le renouvellement du Parlement et de la Commission. Il est indéniable qu’une grande apathie des électeurs caractérise le vote européen. Mais toutes les voix font la différence. Pour battre les populistes il faut les frapper dans leurs points faibles, par les actions et pas par les mots, avec espoir et pas avec peur. Il faut être unis et pas divisés. Nous avons affronté beaucoup de défis très difficiles, mais nous devons faire plus et mieux et lutter pour défendre l’Union tous les jours. Les élections européennes sont une opportunité pour faire entendre notre voix et notre avenir sera entre nos mains ».
ENTRETIEN de Giorgia Meloni, leader de FDI (Fratelli d’Italia) : « ‘’ Un autre chemin est possible. Nous et Matteo, nous avons les voix ’’ » (Corriere della Sera) : « ‘‘ Les électeurs peuvent nous montrer qu’un autre gouvernement est possible. Une alliance entre la Ligue et FDI a les voix necessaires ; c’est le chemin le plus logique et utile pour changer l’Italie. Je ne parle pas de Forza Italia, parce que si je parle d’Europe je sais que FI est dans le PPE et partage donc les équilibres européens. Berlusconi a même nommé Mario Draghi en tant que possible président du Conseil, tandis que pour nous il s’agit du pire scénario possible. Nous sommes au sein du parti Conservateur et nous voulons changer l’Union et lui donner une structure confédérale. Salvini ne peut pas parler d’une chute du gouvernement, même si maintenant il a souligné plusieurs fois que désormais Di Maio et Zingaretti semblent avoir les mêmes programmes et idées sur tout. Je demande aux électeurs italiens de faire sauter la prise ‘’ ».
ARTICLE, La Stampa, Maurizio Tropeano : « La TAV attire 90 entreprises de 16 pays différents. Le M5S et la Ligue ont trois mois pour décider. » : « L’appel d’offres pour les travaux sur la nouvelle ligne Lyon-Turin, expire à partir du 28 mai côté italien. Du côté français, les travaux vont déjà de l’avant. Lors des rencontres de ces dernières semaines, de nombreuses entreprises étrangères (asiatiques, américaines) ont manifesté leur intérêt pour l’acquisition de marchés. A partir du 28 mai, le débat autour de la TAV reviendra au centre des confrontations politiques, et le gouvernement Conte devra prendre une décision rapidement. Le M5S et la Ligue, s’ils poursuivent leur alliance, auront trois mois pour prendre une décision. La France, en revanche, veut aller de l’avant, malgré l’opposition des Verts, de La France insoumise et de Debout la France »
(Traduction : ambassade de France)
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